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MÉLANGES d’aRCHÉOLOGII:.
exécuter la peinture murale de la bibliothèque capitulaire *, était dans les mêmes prin-
cipes que notre chartreux de Souabe. Il voulait que la science fut rendue apétissante par
des images, et que bon apprît sans casse-tête un tant soit peu d’histoire littéraire
sur les hommes qui avaient brillé particulièrement dans chaque branche du savoir
humain.
On peut dire d’ailleurs que cette condescendance pour les commençants était
devenue affaire de mode, pour ainsi dire, vers le xive siècle. Les belles recherches de
M. R. Merlin sur l’origine des cartes 1 2 prêtent à croire que ce jeu fut d’abord une sorte
d’album destiné à faire entrer dans de jeunes cervelles les notions fondamentales des
études. Qui avait manié cette collection, pouvait retenir en gros ce que c’est que
vertus et vices, arts et sciences, planètes et signes du zodiaque, muses et conditions de
la vie, ou degrés divers de la hiérarchie sociale. Le système de Ptolémée y figure avec les
quatre éléments et les onze cercles qui entourent le monde sublunaire, en s’élargissant
à mesure qu’ils s’en éloignent. A ce propos, M. Merlin cite un manuscrit de la bibliothèque
Mazarine, qui, sous prétexte d’armoiries, donne le blason des chevaliers de la Table ronde,
des neuf preux, des dix-sept rois chrétiens, des muses, “etc. 3. Yoici maintenant les sept
Arts libéraux, d’après la même source; mais j’en abrégerai la description :
« Grammaire, la première. Une vieille ridée, béguinée, esmantelée, —porte de pourpre,
une lime d’argent, ung pot de mesmes (A quelle fini).
» Logica, II. Une femme jeune, les cheveux crespés, les bras tous nudz..., —porte de
gueules, un serpent volant d’or, etc.
» Pilietorica, III. Une jeune dame \coeffée\ d’ung heaulme et une coronne par dessus sa
teste, ung manteau et une riche cotte vestue; en sa main dextre tenant une espée, —porte
de synople, deux enfans nudz d’argent soufflant deux trompettes de mesmes.
» Geometria, IV. Une jeune dame issant d’une nue, tenant en sa main une esquarre
(équerre) pour compasser et mesurer pierres, etc.
» Arismetica (sic), Y. Une femme ancienne, de crevechicfs (couvrechef) sa teste affublée,
d’une robe longue abillée jusques aux piedz, contant argent, — porte de sable, six besans
d’argent.
» Musica, YI. Une jeune dame en cheveux bien adornée... assise sur un signe {cygne)...,
unes orgues, ung lehut {luth) et plusieurs autres instrumens emprès elle..., — porte de
synople, deux flaiolz (flageolets) d’argent.
» Philosophia, YII. Une jeune dame les cheveux pendens, d’un corset de guerre à escailles,
armée d’ung targon {une tcirge) au milieu ung visaige insculpé, tenant en la main senestre;
en l’aultre main ung dart ferré et empané {empennéT), — porte de gueules, de [ux?] dars
d’argent de mesure (?).
« Une jeune dame (Poesis, VIII) les cheveux pendens, ung chappelet de fleurs par dessus ;
touchant de la main dextre ung flaiol, de l’aultre main espenchant a ung pot de terre de
l’eau qui sourdoit d’une fontaine, et en ses piedz le firmament, — porte d’azur, le firma-
ment d’argent. »
Le docte auteur de qui nous vient cette citation, et qui avait longuement étudié son
1. Il paraît être mort vers 1503. Cf. L. Delisle, le Cabinet plus que ce qu’il écrivit pour le public, comme j’ai pu le
des mss. de la Bibliothèque..., t.1, p. 517. voir dans bien des conversations avec lui. Car il était aussi
2. Origine des cartes à jouer, recherches nouvelles sur les savant que modeste.
na'ibis, les tarots, etc. (1860). L’auteur en savait Leaucoup 3. R. MerliD, ibid., p. 36-A9.
MÉLANGES d’aRCHÉOLOGII:.
exécuter la peinture murale de la bibliothèque capitulaire *, était dans les mêmes prin-
cipes que notre chartreux de Souabe. Il voulait que la science fut rendue apétissante par
des images, et que bon apprît sans casse-tête un tant soit peu d’histoire littéraire
sur les hommes qui avaient brillé particulièrement dans chaque branche du savoir
humain.
On peut dire d’ailleurs que cette condescendance pour les commençants était
devenue affaire de mode, pour ainsi dire, vers le xive siècle. Les belles recherches de
M. R. Merlin sur l’origine des cartes 1 2 prêtent à croire que ce jeu fut d’abord une sorte
d’album destiné à faire entrer dans de jeunes cervelles les notions fondamentales des
études. Qui avait manié cette collection, pouvait retenir en gros ce que c’est que
vertus et vices, arts et sciences, planètes et signes du zodiaque, muses et conditions de
la vie, ou degrés divers de la hiérarchie sociale. Le système de Ptolémée y figure avec les
quatre éléments et les onze cercles qui entourent le monde sublunaire, en s’élargissant
à mesure qu’ils s’en éloignent. A ce propos, M. Merlin cite un manuscrit de la bibliothèque
Mazarine, qui, sous prétexte d’armoiries, donne le blason des chevaliers de la Table ronde,
des neuf preux, des dix-sept rois chrétiens, des muses, “etc. 3. Yoici maintenant les sept
Arts libéraux, d’après la même source; mais j’en abrégerai la description :
« Grammaire, la première. Une vieille ridée, béguinée, esmantelée, —porte de pourpre,
une lime d’argent, ung pot de mesmes (A quelle fini).
» Logica, II. Une femme jeune, les cheveux crespés, les bras tous nudz..., —porte de
gueules, un serpent volant d’or, etc.
» Pilietorica, III. Une jeune dame \coeffée\ d’ung heaulme et une coronne par dessus sa
teste, ung manteau et une riche cotte vestue; en sa main dextre tenant une espée, —porte
de synople, deux enfans nudz d’argent soufflant deux trompettes de mesmes.
» Geometria, IV. Une jeune dame issant d’une nue, tenant en sa main une esquarre
(équerre) pour compasser et mesurer pierres, etc.
» Arismetica (sic), Y. Une femme ancienne, de crevechicfs (couvrechef) sa teste affublée,
d’une robe longue abillée jusques aux piedz, contant argent, — porte de sable, six besans
d’argent.
» Musica, YI. Une jeune dame en cheveux bien adornée... assise sur un signe {cygne)...,
unes orgues, ung lehut {luth) et plusieurs autres instrumens emprès elle..., — porte de
synople, deux flaiolz (flageolets) d’argent.
» Philosophia, YII. Une jeune dame les cheveux pendens, d’un corset de guerre à escailles,
armée d’ung targon {une tcirge) au milieu ung visaige insculpé, tenant en la main senestre;
en l’aultre main ung dart ferré et empané {empennéT), — porte de gueules, de [ux?] dars
d’argent de mesure (?).
« Une jeune dame (Poesis, VIII) les cheveux pendens, ung chappelet de fleurs par dessus ;
touchant de la main dextre ung flaiol, de l’aultre main espenchant a ung pot de terre de
l’eau qui sourdoit d’une fontaine, et en ses piedz le firmament, — porte d’azur, le firma-
ment d’argent. »
Le docte auteur de qui nous vient cette citation, et qui avait longuement étudié son
1. Il paraît être mort vers 1503. Cf. L. Delisle, le Cabinet plus que ce qu’il écrivit pour le public, comme j’ai pu le
des mss. de la Bibliothèque..., t.1, p. 517. voir dans bien des conversations avec lui. Car il était aussi
2. Origine des cartes à jouer, recherches nouvelles sur les savant que modeste.
na'ibis, les tarots, etc. (1860). L’auteur en savait Leaucoup 3. R. MerliD, ibid., p. 36-A9.