Le charivari (17.1848)

SAMEDI 1er JANVIER 1848. ^ . " ^ DIX-SEPIEME ANNEE. N° 1er.

Bureau de la rédaction et de l'administration, à Paris, %»MÉIIaRt W^P Pul)liant cll3que )cur un D0UVe8U 13655111 en littl03raPhie

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du Vieux-Palais; à Londres, chez W. Thomas, ai, Ca- ^^<Z^^^^^^^^^SÂ^Yl^:^- (ttmeo) !l" 1>"w"'m'- "u &nl«Mil. ,(i (a"(:iuB

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LE CHARIVARI.

REVUE DE L'AN DE GRACE ET DE MALPROPRETÉ 1847.

L'an 1847 se meurt, l'an 1847 est mort!—Ma
foi ! il n'y a pas de mal à cela, et je propose formelle-
ment qu'on ne verse aucun pleur ni aucune fleur
sur sa tombe, bien que cette dernière politesse s'ac-
corde généralement, même aux défunts réputés de
leur vivant de parfaits gueux.

1847 pourra se flatter d'avoir été l'une des années
les plus malpropres dont on ait gardé le souvenir.

Le soleil, qui certainement a vu bien des choses
depuis qu'il a l'œil sur le monde, le soleil lui-même
a éprouvé le besoin de se voiler un instant le visage,

tant il rougissait en contemplant les turpitudes ter-
restres. — On ne doit pas assigner d'autre cause à
l'éclipsé du mois d'octobre.

Comme le soleil ne peut pas toujours rester caché
derrière son épouse la lune, sous peine de passer
pour encore plus poltron qu'elle, il a repris le métier
que lui impose le traité qui l'oblige à éclairer l'uni-
vers au gaz pendant beaucoup de mille ans !

Mais soyez convaincu qu'il fera une fuite dès qu'il
le pourra.

Heureusement -que la Chimie a cherché à nous
consoler un peu en 1847, à défaut de la Morale.

L'Ether est venu. — Puis le Chloroforme : alors,
ô ingratitude des médecins, 1 ether a été mis honteu-
sement à la porte de la Faculté.

Pauvre élher! puisse-t-il avoir eu la précaution
de s'éthériser suffisamment pour ne ressentir aucune
douleur de cet affront !

Du reste le chloroforme ne doit pas trop s'enor-
gueillir de ses succès.

Un chimiste, encore plus chimiste que tous ses
confrères, est en ce moment à la recherche de Y Es-
sence de Tr.igéd e.

Des expériences très satisfaisantes ont déjà été fai-

tes dans le silence du cabinet, et seront prochaine-
ment répétées en public.

En faisant respirer une tragédie en cinq actes ,
on est parvenu à endormir si complètement un
malade qu'on a pu ensuite lui scier le dos sans qu'il
manifestât la plus légère émotion.

Seulement, de temps en temps, il répétait, en flai-
rant sa tragédie: « Dieu, que je m'ennuie! Dieu que
je m'ennuie !

Comme la tragédie prise sous forme de manuscrit
serait d'un emploi impossible en chirurgie, puisque
le malade se méfierait toujours de tout individu ar-
rivant à son che-
vet avec un rou- !
leau de papier,
on s'occupe acti-
vement de distil-
ler différens ob-
jets qui produi-
ront un chloro-
forme de premiè-
re qualité.

Les chimistes,
qui ne doutent j
de rien, ont en- j
trepris de combi- j
ner tout ce qu'il
y a de plus en-
nuyeux à Paris!
en ce moment, et:
ils n'ont eu que
l'embarras du choix.

11 est fâcheux seulement que cet amour de la
science ait déjà fait plusieurs victimes.

Trois chimistes s'étant approchés de l'appareil dis—
tillatoire sans prendre les précautions d'usage, ont
été trouvés étendus sur le carreau, et jusqu'à présent
rien n'a pu les ranimer, bien qu'on ait tenté les
moyens les plus énergi pjes.

On leur a frappé dans les mains... rien !

On leur a pincé le bras... rien !

On leur a tiré le nez... toujours rien !

On a été jusqu'à leur crier dans l'oreille qu'on al-
lait les conduire à l'Odéou. Ils n'ont pas sourcillé!
L'expérience était concluante.