SOÎXANTE-DÈÜXIÈMË année
JEUDI 12 JANVIER 1893
Pris du Bîumérd : %% âéntîmei
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
lin an. 72 —
(les MANDATS TELEGRAPHIQUES NE SONT PAS REÇUS)
les abonnements parlent des iK et 16 de chaque moit
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
IMIÎlUUi V É 11 01\
U Diluclcnr en Chef
BUREAUX
DE I.A RÉDACTION ET DE pADMINISTR ATION
Rue de la Victoire 20
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
l'abonnement d’un an donne droit à la prime gratuite
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IM K R ILE VÉ1Î0N
îîédaclciir en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWiG, FERMIER DE I.A PUBLICITÉ
92, Rue Richelieu
Les souscripteurs dont l’abonnement ex-
Pû*e le 15 Janvier sont priés de le renou-
veler immédiatement s’ils ne veulent pas
éprouver d’interruption dans l’envoi du
journal. Nous rappelons que les mandats
télégraphiques ne sont pas reçus.
BULLETIN POLITIQUE
Nous ne saurions, en vérité, féliciter nos gou-
vernants des combinaisons qu’ils imaginent.
Un cabinet, attendant pour se démettre, le
jour où des troubles étaient annoncés, c’est un
comble de désarroi qui dépasse la vraisemblance.
Pas avoir de ministère du tout quand il fau-
tait avoir un ministère solide, uni, déterminé,
c ost aller dans l’incohérence au delà de toute
Prévision.
Aussi faut-il attendre la suiie pour comprendre
phelque chose à tout cela, et toute appréciation
Préventive est rendue impossible.
Quant à la Chambre, elle ne paraît pas beau-
CouP plus consciente.
Ln son trouble, elle a d’abord scrutiné à blanc
J*°ur SOll président et fini par élire M. Casimir
UériGr
p ourquoi M. Floquet s’est-il exposé et l’a-t-il
- Posée à cette épreuve, triste pour tous deux?
j ^ feudrait vraiment que les choses et les gens
^ Prissent leur équilibre. Il n’y a rien à redouter
complots monarchistes, ridiculement impuis-
sants.
Mais le flot du socialisme monte, monte.
Et si ce sont là les digues qu’on lm opp ,
comment peut-on espérer qu’on 1 arrêtera . ^
Nous avons un ministère nouveau ou plutôt
rsiiouvelé par le procédé du couteau a Jauo
Est-ce celui-là qui sera de taille à faire face
aux difficultés qui l’entourent de toute part.
C’est ce que nous souhaitons plus que nous ne
l’espérons, hélas 1
Passons aux adversaires de la République. Ils
tt’ont pas l’air d’être beaucoup mieux équilibrés.
U paraît que nous avons un nouveau comité
Plébiscitaire. Il a signalé sa naissance par une
Manifestation en partie double, qu’on pourrait
appeler aussi une manifestation en partie trou-
ble.
Simultanément, en effet, le même comité rédi-
ëeait deux documents pleins d’effusion.
CHARIVARI
Le premier était destiné au prince Victor par
l’intermédiaire de M. Legoux, son délégué.
L’autre était adressé à M. Deroulède.
Or, par une ironie plaisante du hasard, M. De-
roulède, destinataire de la prose n° 2, partait le
jour même pour Londres où il allait conférer avec
Roche fort.
Que vous semble du rapprochement railleur?
Des gens qui souhaitent le rétablissement de
l’empire ne devraient pas ignorer que Rochefort
a été et reste l'implacable ennemi de cet empire-
là, que par conséquent ceux qui comme M. De-
roulède ont avec lui des vues communes en poli-
tique ne sauraient être les auxiliaires d’une
restauration bonapartiste.
Le nouveau comité plébiscitaire fera donc bien
de se livrer à quelques études mieux rensei-
gnantes pour ne pas fourvoyerâ l’avenir ses ex-
pansions.
De leur côté, les royalistes paraissent vouloir
se livrer à quelques évolutions nouvelles.
M. Dufeuille a pris des airs affairés, M. d’Haus-
sonville a des chuchotements mystérieux.
Vaguement on parle d’une abdication à l’aide
do laquelle les meneurs principaux se figurent
qu’ils pourraient hâter la Restauration de leurs
rêves.
Bien entendu, c’est en faveur du jeune duc
d’Orléans que M. le comte de Paris renoncerait
aux droits qu’il croit posséder sur le trône.
Ah! le bon billet qu’aurait La Châtre !
L’abdication du comte de Paris abandonnant
une couronne imaginaire se pourrait formuler
ainsi :
« Mon cher fils, en bon père que je suis, je te
fais cadeau de ce qui ne m’appartient pas, de ce
qui ne m’appartiendra jamais. »
Si le duc d’Orléans étend la main pour recevoir
ce petit rien tout neuf, ce geste prouvera qu’il
pousse la naïveté au-delà des limites du vrai-
semblable, et personne ne saurait plus prendre
ensuite au sérieux un aussi candide jeune
homme.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
A LA CHAMBRE
Plus d’un trembleur, mardi, de frayeur était blême,
Et pour se rassurer faisait de vains efforts.
Sot effroi!... Tu n’as rien à craindre du dehors,
Car ton ennemi, c’est toi-mème.
\ SIFFLET.
LES MÉMOIRES DE PARIS
LIII
— Oui, monsieur, si Napoléon était resté simple
lieutenant d’artillerie, il serait encore sur le
trône !...
Vous la connaissez, cette exclamation naïve du
bon Joseph. Et moi, je songeais, mardi, à l’heure
où commençaient les débats du Panama, à tous
les si étonnants auxquels pourraient donner lieu
les perpétuels soubresauts de notre époque fé-
conde en revirements imprévus.
On n’aurait qu’à prendre ainsi tous les noms
célèbres de l’histoire moderne et l’on arriverait
par ce procédé aux plus étranges résultats.
N’avez-vous pas entendu dire vingt fois depuis
deux mois :
— Ah! si Boulanger ne s’était pas tué, quelle
belle partie il aurait à jouer aujourd’hui !
Et, par contre, d’autres ont répété avec la
même insistance :
— Ah ! si le grand Français avait disparu il y a
dix ans, quelle admirable place il aurait prise
dans l’histoire des hommes!
Ce qui prouve tout d’abord qu’il y a autant de
hasard que d’autre chose dans tous les événe-
ments qui nous enveloppent et nous emportent,
dans l’illustration de ceux-ci, dans la déchéance
de ceux-là, dans la destinée de tous.
m
On pourrait, par ce procédé hypothétique,
s’amuser à refaire l’histoire d’une drôle de façon.
Supposez Napoléon tué à la bataille d’Auster-
litz, et voyez quelles conséquences pour le monde
aussi bien que pour lui.
Supposez Robespierre assassiné avant d’avoir
pu prendre la direction de la Terreur.
Supposez Christophe Colomb mourant d’une
colique ou d’un accès de fièvre à moitié chemin
de l’Amérique.
Supposez Louis Bonaparte enlevé par sa mala-
die de vessie en 1869 et mis, par suite, dans
l’impossibilité de faire la guerre de 1870.
Supposez le grand Dumas emporté quand il
n’était que petit employé au Palais-Royal et
n’ayant pu nous donner, par conséquent, aucune
des œuvres innombrables que vous savez.
Supposez, supposez...
Quel curieux livre à faire!
Combien sont partis emportant des chefs-d’œu-
vre ou des idées sublimes dans le néant! Com-
bien, au contraire, ont trop vécu!
Parmi les artistes, on citerait à la douzaine
ceux qui n’ont fait que diminuer en se prolon-
geant.
Et parmi les écrivains donc!
Si Ponsard avait disparu au lendemain de Lu-
crèce, bien des gens seraient encore convaincus
JEUDI 12 JANVIER 1893
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veler immédiatement s’ils ne veulent pas
éprouver d’interruption dans l’envoi du
journal. Nous rappelons que les mandats
télégraphiques ne sont pas reçus.
BULLETIN POLITIQUE
Nous ne saurions, en vérité, féliciter nos gou-
vernants des combinaisons qu’ils imaginent.
Un cabinet, attendant pour se démettre, le
jour où des troubles étaient annoncés, c’est un
comble de désarroi qui dépasse la vraisemblance.
Pas avoir de ministère du tout quand il fau-
tait avoir un ministère solide, uni, déterminé,
c ost aller dans l’incohérence au delà de toute
Prévision.
Aussi faut-il attendre la suiie pour comprendre
phelque chose à tout cela, et toute appréciation
Préventive est rendue impossible.
Quant à la Chambre, elle ne paraît pas beau-
CouP plus consciente.
Ln son trouble, elle a d’abord scrutiné à blanc
J*°ur SOll président et fini par élire M. Casimir
UériGr
p ourquoi M. Floquet s’est-il exposé et l’a-t-il
- Posée à cette épreuve, triste pour tous deux?
j ^ feudrait vraiment que les choses et les gens
^ Prissent leur équilibre. Il n’y a rien à redouter
complots monarchistes, ridiculement impuis-
sants.
Mais le flot du socialisme monte, monte.
Et si ce sont là les digues qu’on lm opp ,
comment peut-on espérer qu’on 1 arrêtera . ^
Nous avons un ministère nouveau ou plutôt
rsiiouvelé par le procédé du couteau a Jauo
Est-ce celui-là qui sera de taille à faire face
aux difficultés qui l’entourent de toute part.
C’est ce que nous souhaitons plus que nous ne
l’espérons, hélas 1
Passons aux adversaires de la République. Ils
tt’ont pas l’air d’être beaucoup mieux équilibrés.
U paraît que nous avons un nouveau comité
Plébiscitaire. Il a signalé sa naissance par une
Manifestation en partie double, qu’on pourrait
appeler aussi une manifestation en partie trou-
ble.
Simultanément, en effet, le même comité rédi-
ëeait deux documents pleins d’effusion.
CHARIVARI
Le premier était destiné au prince Victor par
l’intermédiaire de M. Legoux, son délégué.
L’autre était adressé à M. Deroulède.
Or, par une ironie plaisante du hasard, M. De-
roulède, destinataire de la prose n° 2, partait le
jour même pour Londres où il allait conférer avec
Roche fort.
Que vous semble du rapprochement railleur?
Des gens qui souhaitent le rétablissement de
l’empire ne devraient pas ignorer que Rochefort
a été et reste l'implacable ennemi de cet empire-
là, que par conséquent ceux qui comme M. De-
roulède ont avec lui des vues communes en poli-
tique ne sauraient être les auxiliaires d’une
restauration bonapartiste.
Le nouveau comité plébiscitaire fera donc bien
de se livrer à quelques études mieux rensei-
gnantes pour ne pas fourvoyerâ l’avenir ses ex-
pansions.
De leur côté, les royalistes paraissent vouloir
se livrer à quelques évolutions nouvelles.
M. Dufeuille a pris des airs affairés, M. d’Haus-
sonville a des chuchotements mystérieux.
Vaguement on parle d’une abdication à l’aide
do laquelle les meneurs principaux se figurent
qu’ils pourraient hâter la Restauration de leurs
rêves.
Bien entendu, c’est en faveur du jeune duc
d’Orléans que M. le comte de Paris renoncerait
aux droits qu’il croit posséder sur le trône.
Ah! le bon billet qu’aurait La Châtre !
L’abdication du comte de Paris abandonnant
une couronne imaginaire se pourrait formuler
ainsi :
« Mon cher fils, en bon père que je suis, je te
fais cadeau de ce qui ne m’appartient pas, de ce
qui ne m’appartiendra jamais. »
Si le duc d’Orléans étend la main pour recevoir
ce petit rien tout neuf, ce geste prouvera qu’il
pousse la naïveté au-delà des limites du vrai-
semblable, et personne ne saurait plus prendre
ensuite au sérieux un aussi candide jeune
homme.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
A LA CHAMBRE
Plus d’un trembleur, mardi, de frayeur était blême,
Et pour se rassurer faisait de vains efforts.
Sot effroi!... Tu n’as rien à craindre du dehors,
Car ton ennemi, c’est toi-mème.
\ SIFFLET.
LES MÉMOIRES DE PARIS
LIII
— Oui, monsieur, si Napoléon était resté simple
lieutenant d’artillerie, il serait encore sur le
trône !...
Vous la connaissez, cette exclamation naïve du
bon Joseph. Et moi, je songeais, mardi, à l’heure
où commençaient les débats du Panama, à tous
les si étonnants auxquels pourraient donner lieu
les perpétuels soubresauts de notre époque fé-
conde en revirements imprévus.
On n’aurait qu’à prendre ainsi tous les noms
célèbres de l’histoire moderne et l’on arriverait
par ce procédé aux plus étranges résultats.
N’avez-vous pas entendu dire vingt fois depuis
deux mois :
— Ah! si Boulanger ne s’était pas tué, quelle
belle partie il aurait à jouer aujourd’hui !
Et, par contre, d’autres ont répété avec la
même insistance :
— Ah ! si le grand Français avait disparu il y a
dix ans, quelle admirable place il aurait prise
dans l’histoire des hommes!
Ce qui prouve tout d’abord qu’il y a autant de
hasard que d’autre chose dans tous les événe-
ments qui nous enveloppent et nous emportent,
dans l’illustration de ceux-ci, dans la déchéance
de ceux-là, dans la destinée de tous.
m
On pourrait, par ce procédé hypothétique,
s’amuser à refaire l’histoire d’une drôle de façon.
Supposez Napoléon tué à la bataille d’Auster-
litz, et voyez quelles conséquences pour le monde
aussi bien que pour lui.
Supposez Robespierre assassiné avant d’avoir
pu prendre la direction de la Terreur.
Supposez Christophe Colomb mourant d’une
colique ou d’un accès de fièvre à moitié chemin
de l’Amérique.
Supposez Louis Bonaparte enlevé par sa mala-
die de vessie en 1869 et mis, par suite, dans
l’impossibilité de faire la guerre de 1870.
Supposez le grand Dumas emporté quand il
n’était que petit employé au Palais-Royal et
n’ayant pu nous donner, par conséquent, aucune
des œuvres innombrables que vous savez.
Supposez, supposez...
Quel curieux livre à faire!
Combien sont partis emportant des chefs-d’œu-
vre ou des idées sublimes dans le néant! Com-
bien, au contraire, ont trop vécu!
Parmi les artistes, on citerait à la douzaine
ceux qui n’ont fait que diminuer en se prolon-
geant.
Et parmi les écrivains donc!
Si Ponsard avait disparu au lendemain de Lu-
crèce, bien des gens seraient encore convaincus