SOIXANTE-DEUXIEME ANNEE
Prix du Homère : 9§ centimes
JEUDI 1er JUIN 1893
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
L’abonnement d’un an donne droit à la prime gratuite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉHON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
92, Rue Richelieu
CHARIVARI
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois.».
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
les abonnements parlent des t" et te de chaque mois
/té*--
C ! y
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DB LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire, 20
LE
BULLETIN POLITIQUE
La Gazette de France est folâtre. Il n’y a,
pourtant, vraiment pas lieu pour elle de s’ébattre
à ce point.
Elle publie des articles dédaigneux et bla-
gueurs, intitulés : Leur besogne. Gela commence
par des railleries à l’adresse des débordements
oratoires qui se sont produits en ces derniers
temps.
Nous avons dit nous-même ce que nous pen-
sions de ces inutiles rhétoriques. Mais la Gazette
est-elle bien venue à les persifler, lorsque les
représentants de son roi sont au premier rang
des bavards?
« Ce ne sont partout, dit-elle, que déclarations
qui se formulent, comités qui se forment, plans
qui se combinent; tous les chefs de groupe sont
fort agités, etdu Nord au Midi, de l’Est à l’Ouest,
on bat le rappel des partisans.
» Gomme mêlée d’hommes et confusion d’idées,
on assista rarement à pareille situation, révélant
un état d’esprit aussi détraqué et aussi incohé-
rent.
» Après les discours-programmes de MM. de
Mun, Piou, Dupuy, Goblet, Lockroy, nous avons
aujourd’hui une nouvelle harangue de M. Mille-
rand, en attendant celle qu’on annonce de M. Cons-
tans.
» Tous ces discours et tous ces programmes se
contredisent; c’est la foire aux promesses, c’est
la surenchère que mettent tous les débiteurs de
boniments sur la panacée offerte par leur concur-
rent.
» Pour qu’on ne fût pas satisfait, il faudrait
que notre nation eût cessé d’être la nation des
gobe-mouches.
» On peut se rassurer; si la race des charlatans
n’est pas disposée à disparaître, la race des ba-
dauds n’est pas prête à s’éteindre.
» Toute la question est de savoir si le résultat
répondra aux efforts, et si, au moment de dépo-
ser son bulletin dans l’urne, le badaud devenu
électeur ne se retrouvera pas un citoyen sérieux
ayant le sentiment de ses devoirs et de sa res-
ponsabilité.
» Qui sait même si toutes ces contradictions et
toutes ces incohérences ne seront pas pour lui
un enseignement '! »
Le tableau ne manque pas de ressemblance;
mais, avant de le tracer, le Gazette aurait dû se
demander :
— Et nous, qu’est-ce que nous faisons?
Parbleu ! vous faites absolument la même
chose. Est-ce que, quand les d’Haussonville
et Gie prennent la parole, ce n’est pas aussi la
foire aux promesses?
Est-ce qu’ils ne débitent pas des boniments sur
la panacée monarchiste ?
♦
Est-ce qu’ils ne traitent pas les électeurs comme
une nation de gobe-mouches?
Nous respectons le style de la Gazette, car il
est suggestif et s’applique à merveille à ses amis.
De même, il n’y a qu’un mot et qu’un temps à
changer pour retourner contre elle l'argumenta-
tion que voici :
« Qui sait si, fatigué et dégoûté de ne pouvoir
se reconnaître à travers tout ce fouillis et ce gâ-
chis, il n’aura pas un accès de bon sens et ne
culbutera pas les tréteaux et ne défoncera pas la
boutique?
» Il faudrait, en effet, que le peuple français
réfléchît bien peu, pour ne pas comprendre qu’on
le leurre avec des mots, qu’on le joue avec des
promesses, qu’on spécule sur sa patience et qu’on
exploite sa crédulité.
» Quels avantages, au point de vue national,
moral, matériel, ne devait-il pas retirer de l’éta-
blissement de la République?
» Et qu’a-t-il obtenu?
» Qu’a-t-on réformé, amélioré, fondé? »
Mettez royauté au lieu de République, substi-
tuez le passé au futur, et ça y sera.
Oui, le peuple s’est aperçu qu’il ne retirait de
ladite royauté ni avantage moral, ni avantage na-
tional, ni avantage matériel.
Et c’est pour cela que, dégoûté, fatigué des gâ-
chis, des fouillis, il eut des accès de bon sens en
1789, en 1830 et 70. G’est pour cela qu’il culbuta
les tréteaux et défonça la boutique.
Ces tréteaux, vous ne les relèverez pas, quoi
que vous fassiez.
Cette boutique, vous ne la rouvrirez pas, car
elle est à jamais désachalandée.
Vous ne leurrerez pas plus aux élections pro-
chaines qu’aux autres le suffrage universel.
Car on les sait incapables de rien réformer, de
rien améliorer, de rien fonder, les monarchistes
en tout genre; mais capables, par contre, de nous
ramener encore une fois l’Invasion, comme en
1814, 1815 et 1870.
Et, à supposer que notre cheval actuel soit bor-
gne, on ne le remplacera pas par un aveugle.
Pierre Véron.
AUTRE TEMPÊTE SOUS UN CRANE
La scène se passe sous la boîte osseuse qui re
couvre le cerveau de M. X,.., Tua de nos hono-
rables
Le bon sens. — Toc toc... Peut-on entrer?
Un moment de silence.
Le bon sens, récidivant. — Toc toc...
Le cerveau. — Allons, entrez, puisque vous y
tenez.
Le bon sens. — Je comprends que ma visite
vous dérange et vous étonne. Nos relations sont
si rares !
Le cerveau. — Permettez..,
Le bon sens. — Vous?savez que j’ai toujours
mon franc parler. Par" conséquent, si vous ne
voulez pas me laisser dire, je m’en vais.
Le cerveau. — Allons, je vous écoute.
Le bon sens. — Savez-vous que vous êtes en
train de faire, à la Chambre, de la bouillie pour
les chats, et que vous pataugez de la plus ridicule
façon avec vos projets de réforme électorale.
Le cerveau. — Il vous plaît de l’affirmer, mais
rien n’est moins prouvé.
Lebon sens. — L’autre jour notamment, sur la
question des incapacités, vous avez été burles-
ques.
Le cerveau. — Le fait est que, quand on juge
superficiellement...
Le bon sens. — Gomment! superficiellement...
Pouvez-vous prétendre que tout ce qu’on a voté
en barbotant ait l’ombre de raison?
Le cerveau. — G’est une question secondaire,
cela.
Le bon sens. — Vous trouvez ?
Le cerveau. — Je trouve.
Le bon sens. —Si vous commencez par exclure
de la future Chambre tout fonctionnaire travail-
lant au service de l’Etat, vous risquez de fermer
la porte au nez de bien des gens qui pourraient
vous éclairer sur un tas de choses que vous ne
savez pas du tout.
Le cerveau. — G’est possible.
Le bon sens. — Et vous y ajoutez l’exclusion
de tout le haut personnel des Compagnies 1 Vous
frappez à tort et à travers, atteignant aussi bien
le petit employé que les directeurs à forts appoin-
tements. Qu’arrivera-t-il avec ce système? Il ar-
rivera que vos Assemblées ne seront plus compo-
sées que d’incapacités en tous genres.
Le cerveau. — Je ne dis pas non.
Le bon sens. — Il arrivera que les votes seront
à la merci du hasard et de l’ignorance.
Le cerveau. — Heu, heu...
Le bon sens. — Il arrivera aussi que vous vio-
lerez le principe fondamental de toute notre or-
ganisation légale, le principe qui a dit ; Les ci-
toyens sont égaux devant la loi.
Le cerveau. — Allez toujours.
Le bon sens. — Alors, pourquoi ne pas exclure
aussi les membres des syndicats ouvriers?
Le cerveau. — Ce serait une idée. On n’y a pas
songé. On a eu tort.
Le bon sens. — Quand je vous dis que vous vous
enlisez dans l’ineptie !
Le cerveau. •— Pas du tout, mon cher.
Le bon sens. — Vous reconnaissiez vous-même
\ tout à l'heure le bien fondé de mes critiques.
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LE
BULLETIN POLITIQUE
La Gazette de France est folâtre. Il n’y a,
pourtant, vraiment pas lieu pour elle de s’ébattre
à ce point.
Elle publie des articles dédaigneux et bla-
gueurs, intitulés : Leur besogne. Gela commence
par des railleries à l’adresse des débordements
oratoires qui se sont produits en ces derniers
temps.
Nous avons dit nous-même ce que nous pen-
sions de ces inutiles rhétoriques. Mais la Gazette
est-elle bien venue à les persifler, lorsque les
représentants de son roi sont au premier rang
des bavards?
« Ce ne sont partout, dit-elle, que déclarations
qui se formulent, comités qui se forment, plans
qui se combinent; tous les chefs de groupe sont
fort agités, etdu Nord au Midi, de l’Est à l’Ouest,
on bat le rappel des partisans.
» Gomme mêlée d’hommes et confusion d’idées,
on assista rarement à pareille situation, révélant
un état d’esprit aussi détraqué et aussi incohé-
rent.
» Après les discours-programmes de MM. de
Mun, Piou, Dupuy, Goblet, Lockroy, nous avons
aujourd’hui une nouvelle harangue de M. Mille-
rand, en attendant celle qu’on annonce de M. Cons-
tans.
» Tous ces discours et tous ces programmes se
contredisent; c’est la foire aux promesses, c’est
la surenchère que mettent tous les débiteurs de
boniments sur la panacée offerte par leur concur-
rent.
» Pour qu’on ne fût pas satisfait, il faudrait
que notre nation eût cessé d’être la nation des
gobe-mouches.
» On peut se rassurer; si la race des charlatans
n’est pas disposée à disparaître, la race des ba-
dauds n’est pas prête à s’éteindre.
» Toute la question est de savoir si le résultat
répondra aux efforts, et si, au moment de dépo-
ser son bulletin dans l’urne, le badaud devenu
électeur ne se retrouvera pas un citoyen sérieux
ayant le sentiment de ses devoirs et de sa res-
ponsabilité.
» Qui sait même si toutes ces contradictions et
toutes ces incohérences ne seront pas pour lui
un enseignement '! »
Le tableau ne manque pas de ressemblance;
mais, avant de le tracer, le Gazette aurait dû se
demander :
— Et nous, qu’est-ce que nous faisons?
Parbleu ! vous faites absolument la même
chose. Est-ce que, quand les d’Haussonville
et Gie prennent la parole, ce n’est pas aussi la
foire aux promesses?
Est-ce qu’ils ne débitent pas des boniments sur
la panacée monarchiste ?
♦
Est-ce qu’ils ne traitent pas les électeurs comme
une nation de gobe-mouches?
Nous respectons le style de la Gazette, car il
est suggestif et s’applique à merveille à ses amis.
De même, il n’y a qu’un mot et qu’un temps à
changer pour retourner contre elle l'argumenta-
tion que voici :
« Qui sait si, fatigué et dégoûté de ne pouvoir
se reconnaître à travers tout ce fouillis et ce gâ-
chis, il n’aura pas un accès de bon sens et ne
culbutera pas les tréteaux et ne défoncera pas la
boutique?
» Il faudrait, en effet, que le peuple français
réfléchît bien peu, pour ne pas comprendre qu’on
le leurre avec des mots, qu’on le joue avec des
promesses, qu’on spécule sur sa patience et qu’on
exploite sa crédulité.
» Quels avantages, au point de vue national,
moral, matériel, ne devait-il pas retirer de l’éta-
blissement de la République?
» Et qu’a-t-il obtenu?
» Qu’a-t-on réformé, amélioré, fondé? »
Mettez royauté au lieu de République, substi-
tuez le passé au futur, et ça y sera.
Oui, le peuple s’est aperçu qu’il ne retirait de
ladite royauté ni avantage moral, ni avantage na-
tional, ni avantage matériel.
Et c’est pour cela que, dégoûté, fatigué des gâ-
chis, des fouillis, il eut des accès de bon sens en
1789, en 1830 et 70. G’est pour cela qu’il culbuta
les tréteaux et défonça la boutique.
Ces tréteaux, vous ne les relèverez pas, quoi
que vous fassiez.
Cette boutique, vous ne la rouvrirez pas, car
elle est à jamais désachalandée.
Vous ne leurrerez pas plus aux élections pro-
chaines qu’aux autres le suffrage universel.
Car on les sait incapables de rien réformer, de
rien améliorer, de rien fonder, les monarchistes
en tout genre; mais capables, par contre, de nous
ramener encore une fois l’Invasion, comme en
1814, 1815 et 1870.
Et, à supposer que notre cheval actuel soit bor-
gne, on ne le remplacera pas par un aveugle.
Pierre Véron.
AUTRE TEMPÊTE SOUS UN CRANE
La scène se passe sous la boîte osseuse qui re
couvre le cerveau de M. X,.., Tua de nos hono-
rables
Le bon sens. — Toc toc... Peut-on entrer?
Un moment de silence.
Le bon sens, récidivant. — Toc toc...
Le cerveau. — Allons, entrez, puisque vous y
tenez.
Le bon sens. — Je comprends que ma visite
vous dérange et vous étonne. Nos relations sont
si rares !
Le cerveau. — Permettez..,
Le bon sens. — Vous?savez que j’ai toujours
mon franc parler. Par" conséquent, si vous ne
voulez pas me laisser dire, je m’en vais.
Le cerveau. — Allons, je vous écoute.
Le bon sens. — Savez-vous que vous êtes en
train de faire, à la Chambre, de la bouillie pour
les chats, et que vous pataugez de la plus ridicule
façon avec vos projets de réforme électorale.
Le cerveau. — Il vous plaît de l’affirmer, mais
rien n’est moins prouvé.
Lebon sens. — L’autre jour notamment, sur la
question des incapacités, vous avez été burles-
ques.
Le cerveau. — Le fait est que, quand on juge
superficiellement...
Le bon sens. — Gomment! superficiellement...
Pouvez-vous prétendre que tout ce qu’on a voté
en barbotant ait l’ombre de raison?
Le cerveau. — G’est une question secondaire,
cela.
Le bon sens. — Vous trouvez ?
Le cerveau. — Je trouve.
Le bon sens. —Si vous commencez par exclure
de la future Chambre tout fonctionnaire travail-
lant au service de l’Etat, vous risquez de fermer
la porte au nez de bien des gens qui pourraient
vous éclairer sur un tas de choses que vous ne
savez pas du tout.
Le cerveau. — G’est possible.
Le bon sens. — Et vous y ajoutez l’exclusion
de tout le haut personnel des Compagnies 1 Vous
frappez à tort et à travers, atteignant aussi bien
le petit employé que les directeurs à forts appoin-
tements. Qu’arrivera-t-il avec ce système? Il ar-
rivera que vos Assemblées ne seront plus compo-
sées que d’incapacités en tous genres.
Le cerveau. — Je ne dis pas non.
Le bon sens. — Il arrivera que les votes seront
à la merci du hasard et de l’ignorance.
Le cerveau. — Heu, heu...
Le bon sens. — Il arrivera aussi que vous vio-
lerez le principe fondamental de toute notre or-
ganisation légale, le principe qui a dit ; Les ci-
toyens sont égaux devant la loi.
Le cerveau. — Allez toujours.
Le bon sens. — Alors, pourquoi ne pas exclure
aussi les membres des syndicats ouvriers?
Le cerveau. — Ce serait une idée. On n’y a pas
songé. On a eu tort.
Le bon sens. — Quand je vous dis que vous vous
enlisez dans l’ineptie !
Le cerveau. •— Pas du tout, mon cher.
Le bon sens. — Vous reconnaissiez vous-même
\ tout à l'heure le bien fondé de mes critiques.