SOIXANTE-DEUXIÈME ANNÉE
Prix du Numéro : 25 centimes
MERCREDI 1er FÉVRIER 1893
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
Les abonnements parlent des /" et /« de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
IM K 11 RE VÉRON
I( édiic leur en Chef
BUREAUX
DE I.A RÉDACTION ET DE l’ADMINISTBATION
Rue de la Victoire, 20
ABONNEMENTS
départements
Trois mois. on r»
Six mois. ' 40
Un an.80-
(les mandats TÉLÉGRAPHIQUES NB sont pas reçus)
L abonnement d'un an donne droit à la prime grat uite
direction
Politique, Littéraire et Artistique
IMIilUtE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
82, Rue Richelieu
E
BULLETIN POLITIQUE
On n’avait pas, depuis un certain temps, ouï
parler de M. Gonstans.
La Grande Revue nous a bien voulu apporter
de ses nouvelles.
Elle l’a rencontré dans un salon.
Il paraît qu’il regardait le feu de la cheminée
dans une attitude de rêverie — nous citons fidè-
lement — qui « déguisait mal la signification pro-
fondément pensive de son œil ».
Une rêverie qui déguise mal la signification
pensive d’un œil, voilà de quoi charmer les loi-
sirs des chercheurs de rébus.
L’article ajoute que M. Constans paraissait
■avoir ledit œil « arrêté sur des idées cachées,
mais nettes ».
Continuez à chercher, ô sphinx de bonne vo-
lonté !
Pour vous faciliter toutefois les recherches,
M. Gonstans, à un moment de l’entrevue, a bien
voulu parler.
Et il a laissé tomber ces mots :
— L’eau sale coule; laissons-la disparaître, et
ensuite on regardera par dessus les ponts.
La Pythie, dont les oracles passaient pour le
comble de la nébulosité, no fut jamais plus bizar-
rement métaphorique.
Qu’est-ce que M. Gonstans peut bien vouloir
regarder par dessus les ponts?
Si c’est le moment de flanquer la Présidence
actuelle de l’autre côté du parapet?
Si c’est le moment de tendre ses filets?
Mais la Sagesse des nations prétend, au con-
traire, que c’est en eau trouble qu’on pêche le
mieux.
Que ceux que ce langage énigmatique peut
intéresser, que ceux à qui les mystères de la
Pupille de M. Gonstans semblent être sujet
d’études intéressant, se donnent libre carrière.
Nous croyons, nous, que, si des changements
de personnes doivent se produire dans les régions
du pouvoir, ce ne sera pas pour M. Constans que
le four chauffera, et qu’il pourra indéfiniment
1 u^n’" SU1' S°n pou*> ^ans l’attitude du désœuvré
**aipas autre chose à faire que de regarder
couler la Seine.
Le gouvernement paraît résolu à défendre,
unguibus et rostro le projet qui frappe d’un im-
pôt les operations de Bourse.
Une petite observation, s. v. p , pour montrer
ce que vaut la morale officielle en notre beau
pays.
Il n’y a pas encore bien longtemps, les opéra-
tions de Bourse à terme étaient dépourvues de
toute sanction. Et savez-vous pourquoi?
Parce que la loi considérait les résultats de ces
opérations comme des dettes de jeu qu’on était
libre de ne pas payer.
C’était déjà bien joli, cette liberté qui se trou-
vait être un encouragement à la filouterie.
CHARIVA
r 4—
Mais aujourd’hui cela se complique.
Voilà que le gouvernement, qui fait son her-
mine, va palper ouvertement des profits sur ce
jeu-là, comme il en palpe sur le pari mutuel et sur
la cagnotte des cercles.
Pourquoi alors ne pas rétablir carrément lo
trente-et-quarante ainsi que la roulette ?
Il y aurait beaucoup de bénéfice en plus et
beaucoup de tricheries en moins.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
LE VOL DE L’HÔTEL PANISSE
Des bons cambrioleurs l’audace est vraiment drôle.
A la police ils ont dit, ces joyeux lurons :
— Puisque tu ne sais pas du tout jouer ton rôle,
Permets, c'est à présent nous qui le remplirons !
SIFFLET.
SÉMINAIRE & CASERNE
Les séminaristes-soldats qui, dans les premiers
I temps, se sont gardés d’appeler l’attention sur
eux par quelque incartade, semblent croire que le
moment est venu de prendre aussi une petite at-
titude frondeuse à l’égard de la République.
Deux d’entre eux — pour tâter probablement le
terrain — ont, à Reims, jugé bon de porter sur
leurs épaules la chasse de saint Remi.
Gela, bien entendu, — pour qu’il y ait pétard,
en grande tenue de service.
Si ces messieurs ont compté qu’ils nous ramè-
neraient, par leurs manifestations, aux traditions
cagotes de la religion d’Etat, ils se sont étrange-
ment abusés.
Pour commencer, leur colonel leur a justement
infligé quatre jours de salle de police, que le gé-
néral a doublés plus justement encore.
Il faut que les séminaristes sachent bien qu’ils
sont les soldats de la France, et non les soldais du
cléricalisme.
Dans un pays où tous les cultes sont égaux de-
vant la loi, où la libre-pensée fait partie des liber-
tés nécessaires, il ne saurait être permis à ces
fantaisistes de compromettre leur uniforme dans
les cérémonies ridicules des reliquailleries.
D’ailleurs, — ce qui coupe court à toute dis-
cussion, — tant qu’ils sont sous les drapeaux, ils
ne doivent, comme les autres, relever que de la
discipline, qui est une pour tout le monde.
C’est cette discipline qui vient de leur donner
i la leçon qu’ils méritaient.
S’il plaisait à de nouveaux révoltés de s’offrir
une seconde représentation de la même momerie
et de chercher à se poser au rabais en martyrs,
nous aimons à croire qu’on saurait leur appliquer
les règlements de façon à arrêter ces parades ré-
clamistes.
Paul Girard.
—---
LES MÉMOIRES DE PARIS
LV
Eh bien, oui, encore une!
Encore une fille de joie qui devient fille d’ago-
nie et qui, rue Saint-Lazare, — nom prédestiné,
tombe sous le couteau de l’assassin.
C’est un dénouement quasi professionnel.
Et, comme en pareil cas la police ne se met pas
en quatre, il y a les trois quarts des probabilités
pour l’impunité du tueur.
N’y en eut-il pas un jadis, le nommé Philippe,
qui en avait égorgé une vingtaine pour sa part?
La vigilance des agents l’avait laissé arriver
sans encombre à ce chiffre édifiant. S’il avait con-
tinué à cultiver exclusivement sa spécialité, ja-
mais on ne lui aurait sans doute mis la main
dessus.
Mais il voulut dévaliser, par surcroît, une vieille
bourgeoise, et là, dame! on le pinça du premier
coup.
Ce qui — vous le comprenez — encourage beau-
coup les chourineurs à pratiquer la gigolette
chantée par les refrains de café-concert 1
Lorsqu’un de ces assassinats est signalé, on
fait bien mine, pour la forme, de se remuer pla-
cidement.
Une enquête est ouverte. On questionne le
portier, qui ne peut jamais rien savoir.
Puis, cela fait, on ferme le registre en se di-
sant :
— Bast! une de plus ou de moins... G‘est jouer
à qui perd gagne avec ces créatures... Si le ha-
sard a envie de la venger, il nous jettera le cou-
pable entre les mains. Sinon, bonsoir!
Et l’on passe à de plus sérieux exercices.
Gomment, se sachant aussi peu protégées, ces
créatures ne renoncent-elles pas en masse à un
métier qui leur permet tout juste de gagner sa-
lement leur vie et qui leur promet d’attraper
prochainement le coup de la mort?
C’est une question que je me suis bien souvent
posée sans jamais y pouvoir répondre.
<TM/°
c/I\>
Faut-il que la paresse et le goût des oripeaux
— au fond, c’est ça — exercent une influence do-
\ minatrice sur certains cerveaux!
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Six mois. 36 —
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IMIilUtE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWIG, fermier de la publicité
82, Rue Richelieu
E
BULLETIN POLITIQUE
On n’avait pas, depuis un certain temps, ouï
parler de M. Gonstans.
La Grande Revue nous a bien voulu apporter
de ses nouvelles.
Elle l’a rencontré dans un salon.
Il paraît qu’il regardait le feu de la cheminée
dans une attitude de rêverie — nous citons fidè-
lement — qui « déguisait mal la signification pro-
fondément pensive de son œil ».
Une rêverie qui déguise mal la signification
pensive d’un œil, voilà de quoi charmer les loi-
sirs des chercheurs de rébus.
L’article ajoute que M. Constans paraissait
■avoir ledit œil « arrêté sur des idées cachées,
mais nettes ».
Continuez à chercher, ô sphinx de bonne vo-
lonté !
Pour vous faciliter toutefois les recherches,
M. Gonstans, à un moment de l’entrevue, a bien
voulu parler.
Et il a laissé tomber ces mots :
— L’eau sale coule; laissons-la disparaître, et
ensuite on regardera par dessus les ponts.
La Pythie, dont les oracles passaient pour le
comble de la nébulosité, no fut jamais plus bizar-
rement métaphorique.
Qu’est-ce que M. Gonstans peut bien vouloir
regarder par dessus les ponts?
Si c’est le moment de flanquer la Présidence
actuelle de l’autre côté du parapet?
Si c’est le moment de tendre ses filets?
Mais la Sagesse des nations prétend, au con-
traire, que c’est en eau trouble qu’on pêche le
mieux.
Que ceux que ce langage énigmatique peut
intéresser, que ceux à qui les mystères de la
Pupille de M. Gonstans semblent être sujet
d’études intéressant, se donnent libre carrière.
Nous croyons, nous, que, si des changements
de personnes doivent se produire dans les régions
du pouvoir, ce ne sera pas pour M. Constans que
le four chauffera, et qu’il pourra indéfiniment
1 u^n’" SU1' S°n pou*> ^ans l’attitude du désœuvré
**aipas autre chose à faire que de regarder
couler la Seine.
Le gouvernement paraît résolu à défendre,
unguibus et rostro le projet qui frappe d’un im-
pôt les operations de Bourse.
Une petite observation, s. v. p , pour montrer
ce que vaut la morale officielle en notre beau
pays.
Il n’y a pas encore bien longtemps, les opéra-
tions de Bourse à terme étaient dépourvues de
toute sanction. Et savez-vous pourquoi?
Parce que la loi considérait les résultats de ces
opérations comme des dettes de jeu qu’on était
libre de ne pas payer.
C’était déjà bien joli, cette liberté qui se trou-
vait être un encouragement à la filouterie.
CHARIVA
r 4—
Mais aujourd’hui cela se complique.
Voilà que le gouvernement, qui fait son her-
mine, va palper ouvertement des profits sur ce
jeu-là, comme il en palpe sur le pari mutuel et sur
la cagnotte des cercles.
Pourquoi alors ne pas rétablir carrément lo
trente-et-quarante ainsi que la roulette ?
Il y aurait beaucoup de bénéfice en plus et
beaucoup de tricheries en moins.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
LE VOL DE L’HÔTEL PANISSE
Des bons cambrioleurs l’audace est vraiment drôle.
A la police ils ont dit, ces joyeux lurons :
— Puisque tu ne sais pas du tout jouer ton rôle,
Permets, c'est à présent nous qui le remplirons !
SIFFLET.
SÉMINAIRE & CASERNE
Les séminaristes-soldats qui, dans les premiers
I temps, se sont gardés d’appeler l’attention sur
eux par quelque incartade, semblent croire que le
moment est venu de prendre aussi une petite at-
titude frondeuse à l’égard de la République.
Deux d’entre eux — pour tâter probablement le
terrain — ont, à Reims, jugé bon de porter sur
leurs épaules la chasse de saint Remi.
Gela, bien entendu, — pour qu’il y ait pétard,
en grande tenue de service.
Si ces messieurs ont compté qu’ils nous ramè-
neraient, par leurs manifestations, aux traditions
cagotes de la religion d’Etat, ils se sont étrange-
ment abusés.
Pour commencer, leur colonel leur a justement
infligé quatre jours de salle de police, que le gé-
néral a doublés plus justement encore.
Il faut que les séminaristes sachent bien qu’ils
sont les soldats de la France, et non les soldais du
cléricalisme.
Dans un pays où tous les cultes sont égaux de-
vant la loi, où la libre-pensée fait partie des liber-
tés nécessaires, il ne saurait être permis à ces
fantaisistes de compromettre leur uniforme dans
les cérémonies ridicules des reliquailleries.
D’ailleurs, — ce qui coupe court à toute dis-
cussion, — tant qu’ils sont sous les drapeaux, ils
ne doivent, comme les autres, relever que de la
discipline, qui est une pour tout le monde.
C’est cette discipline qui vient de leur donner
i la leçon qu’ils méritaient.
S’il plaisait à de nouveaux révoltés de s’offrir
une seconde représentation de la même momerie
et de chercher à se poser au rabais en martyrs,
nous aimons à croire qu’on saurait leur appliquer
les règlements de façon à arrêter ces parades ré-
clamistes.
Paul Girard.
—---
LES MÉMOIRES DE PARIS
LV
Eh bien, oui, encore une!
Encore une fille de joie qui devient fille d’ago-
nie et qui, rue Saint-Lazare, — nom prédestiné,
tombe sous le couteau de l’assassin.
C’est un dénouement quasi professionnel.
Et, comme en pareil cas la police ne se met pas
en quatre, il y a les trois quarts des probabilités
pour l’impunité du tueur.
N’y en eut-il pas un jadis, le nommé Philippe,
qui en avait égorgé une vingtaine pour sa part?
La vigilance des agents l’avait laissé arriver
sans encombre à ce chiffre édifiant. S’il avait con-
tinué à cultiver exclusivement sa spécialité, ja-
mais on ne lui aurait sans doute mis la main
dessus.
Mais il voulut dévaliser, par surcroît, une vieille
bourgeoise, et là, dame! on le pinça du premier
coup.
Ce qui — vous le comprenez — encourage beau-
coup les chourineurs à pratiquer la gigolette
chantée par les refrains de café-concert 1
Lorsqu’un de ces assassinats est signalé, on
fait bien mine, pour la forme, de se remuer pla-
cidement.
Une enquête est ouverte. On questionne le
portier, qui ne peut jamais rien savoir.
Puis, cela fait, on ferme le registre en se di-
sant :
— Bast! une de plus ou de moins... G‘est jouer
à qui perd gagne avec ces créatures... Si le ha-
sard a envie de la venger, il nous jettera le cou-
pable entre les mains. Sinon, bonsoir!
Et l’on passe à de plus sérieux exercices.
Gomment, se sachant aussi peu protégées, ces
créatures ne renoncent-elles pas en masse à un
métier qui leur permet tout juste de gagner sa-
lement leur vie et qui leur promet d’attraper
prochainement le coup de la mort?
C’est une question que je me suis bien souvent
posée sans jamais y pouvoir répondre.
<TM/°
c/I\>
Faut-il que la paresse et le goût des oripeaux
— au fond, c’est ça — exercent une influence do-
\ minatrice sur certains cerveaux!