SOIXANTE-DEUXIÈME ANNÉE
Prix du Huméro : £§ centimes
SAMEDI 14 JANVIER 1893
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
(LES MANDATS TÉLÉGRAPHIQUES NE SONT PAS REÇUS)
les abonnements parlent des et ie de chaque mou
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
1»USURE VÉRON
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’ADMINISTRATION
Rue de la Victoire 20
LE
ABONNEMENTS
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 20 fr.
Six mois. 40 —
Un an. 80 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
l'abonnement d'un an donne droit à la prime gratuite
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
ADOLPHE EWiG, FERMIER DE LA PUBLICITÉ
92, Rue Richelieu
CHARIVARI
Les souscripteurs dont l’abonnement ex-
pire le 15 Janvier sont priés de le renou-
v0ler immédiatement s’ils ne veulent pas
éprouver d’interruption dans l’envoi du
journal. Nous rappelons que les mandats
télégraphiques ne sont pas reçus.
BULLETIN POLITIQUE
gueule du loup, cela n’a rien qui nous surprenne ;
mais que, de gaîté de cœur, ils s’y jettent en
même temps, c’est plus difficile à comprendre.
Si c’est leur foi qui leur suggère d’aussi extra-
vagants projets, cela prouve me fois de plus
qu’il n’y a rien de commun entre l’Espric-Saint et
l’esprit sain.
Pierre Véron,
LE QUATRAIN D HIER
Il est clair aujourd’hui que les crises ministé-
rielles ne suffisent plus à la joie des monarchis-
tes. C’est une crise présidentielle qu’ils cher-
chent à préparer. L’appétit vient en mangeant.
Leur règle de conduite peut se résumer en
cette formule :
— Troublons l’eau d’abord, nous verrons en-
suite s’il y a quelque chose à y pêcher.
L’hypothèse fait peu d’honneur à leur clair-
voyance. Il faut qu’ils aient des yeux pour ne pas
v°ir, des oreilles pour ne rien entendre ; sans
*Ihoi, comment pourraient-ils conserver une illu-
si°ü sur la possibilité d’exploiter à leur profit
j0s ruines qu’ils préparent?
Un prétendant quelconque, qu’il se présente
au nom de la royauté ou au nom de l’empire,
ferait pas vingt pas dans les rues de Paris
aans être étranglé par la foule furieuse.
Gomment! on entend bouillonner la lave dans
|e cratère révolutionnaire, et ils oseraient venir
jeter un tel défi à la démocratie! Ce serait de la
^«îence.
Si donc, par leurs intrigues, ils arrivaient à,
renverser’ia République calme, c’est la Républi-
que furieuse qui interviendrait aussitôt, c’est le
s°cialisme et l’anarchie qui deviendraient les
Maîtres de la situation, et leur premier soin se-
rait, fort légitimement d’ailleurs, de mettre la
’ttain au collet de ces monarchistes qui travail-
lât si témérairement à leur préparer les voies.
Ge que serait une crise présidentielle à 1 heure
011 nous sommes, nul ne peut le prévoir.
Qu’on se rappelle seulement l’aspect de Paris,
le jour où il s’agit de remplacer à l’improviste
M. Gfrévy.
) Et Paris pourtant, à cette époque-lâ, n’était pas
1 énervé, l’enfiévré d’aujourd’hui.
Personne n’est capable de prononcer un nom
Sar lequel se grouperait, je ne dis pas avec cer-
titude, mais même avec probabilité, une majorité
dans le Congrès.
Or,voyez-vous l’aspect de la capitale attendant
Pendant deux ou trois jours la décision de Ver-
SaÜles ?
Ceux qui prennent à partie M. Carnot, cher-
chant à en faire la victime de demain, n’ont donc
Pas une seule minute envisagé ces hypothèses
effroyables?
Que les bons monarchistes soient fraternelle-
®ut désireux de jeter les républicains dans la
dette nuit, l'Opéra donne son premier bal,
Mais ce n’est plus la, date autre. ' -in "''-lamée.
Aux chienlits l'époque est trop accoutumée
Par un éternel carnaval'.
SIFFLET.
LE CARNET DU» ACTIMISTE
AVIS AUX AMATEURS
Ils étaient tant soit peu dans le marasme, les
coureurs de décorations.
Pour l’instant, la France leur est peu propice.
On a refusé de créer récemment un ordre nou-
veau. La distribution des palmes académiques a
été restreinte à une seule répartition de rubans
par an. Il y a même des gens qui parlent d’abolir
la croix de la Légion d’honneur pour les civils.
Ah 1 oui, ils étaient dans le marasme, les cou-
reurs de décorations.
Mais voici qu’une grande âme vient à leur se-
cours.
Ce n’est pas du Sâr Péladan que je veux par-
ler. Vieille histoire !
Elle a eu peu de succès, la Rose-Croix; moins
de succès même que n’en eut jadis le grand-cor-
don d’Orélie, roi d’Araucanie.
Le novateur auquel nous faisons allusion est
un estimable révérend, du nom de Fircken. Il
réside à New-York et est membre de plusieurs
académies, bien entendu.
Avec le concours de deux évêques, dont I’uq
est nègre, pour que rien ne manque à la mise en
scène de l’histoire, il a fondé l’ordre de la Cou-
ronne d’Epines.
Un ordre symbolique que pas mal de gens se-
raient en droit de porter chez nous pour le quart
d’heure.
cUT*
c/IV»
Pour faire à son ordre des fondations solides,
. l’excellent révérend a commencé par bombarder
d’office commandeurs un certain nombre de prin-
ces appartenant à des familles régnantes.
Puis, après avoir ainsi amorcé, le révérend a
rédigé des prospectus d’une mirobolante simpli-
cité.
Ah! c’est un gaillard qui entend les affaires et
qui n’y va pas par quatre chemins, comme vous
l’allez voir.
Son prospectus déclare, en effet, qu’il met à la
disposition de toute personne qui lui adressera
une demande accompagnée d’une notice biogra-
phique, d’un portrait et de la somme de... six
.dollars (30 francs), un ruban de chevalier, rouge
et liséré presque invisiblement de blanc.
Ce n’est pas tout. Tout chevalier qui procure
trois nouveaux candidats à l'Ordre est nommé
officier et a le droit de porter la croix en émail
blanc, entourée d’une couronne d’épines en or,
pourvu toutefois qu’il ait le soin d’adresser une
offrande supplémentaire de dix dollars (50 francs).
A la bonne heure! C’est marqué en chiffres
connus. Doux et deux font quatre.
C\Pl
Ü\Si
Vous voudrez bien remarquer, je vous prie, la
subtilité de l’inventeur, à qui la vanité humaine
doit ce nouveau hochet.
Il s’est dit que le plus recherché de tous les ru-
bans est encore le ruban français. En conséquence,
il a eu soin de faire rouges les insignes de sa Cou-
ronne d’Epines. Il y a bien un petit liséré blanc;
mais si peu que rien ! Pas la peine d’en parler.
Les intéressés sauront, d’ailleurs, s’arranger
de façon à le faire peu à peu disparaître, en com-
binant le nœud avec un art propice.
Et dire que l’on est capable de vouloir embêter
ce pauvre révérend pour les malheureux trente
francs qu’il demande à la clientèle!
Dire qu’on est capable de lui faire porter à lui-
même une couronne d’épines qu’il n’a pas prévue,
en le poursuivant devant un tribunal correction-
nel quelconque.
Ce serait déplorablernent injuste.
La création des ordres à prix fixe serait, si l’on
mettait de côté des pudibonderies saugrenues,
une agréable façon de venir en aide à la dèche
des budgets.
On pourrait aussi, par ce procédé, recueillir de
fortes sommes dont on ferait bénéficier les pau-
vres et qui permettraient de secourir des misè-
res intéressantes.
Les amateurs se payeraient des insignes comme
on achète une bague ou une épingle de cravate.
Du moment où ils n’auraient pas conscience du
ridicule attaché à leur acquisition, pourquoi les
empêcherait-on d’ouvrir leur porte-monnaie?
Il y aurait ainsi un certain nombre d’ordres à
vendre, qui ne porteraient nul préjudice aux
autres.
Recevez donc mes félicitations, brave révé-
rend, hardi pionnier, et puissent vos épines ne
pas être sans roses.
Allons, les acheteurs! Du courage à la poche!
QUIVALA.
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pire le 15 Janvier sont priés de le renou-
v0ler immédiatement s’ils ne veulent pas
éprouver d’interruption dans l’envoi du
journal. Nous rappelons que les mandats
télégraphiques ne sont pas reçus.
BULLETIN POLITIQUE
gueule du loup, cela n’a rien qui nous surprenne ;
mais que, de gaîté de cœur, ils s’y jettent en
même temps, c’est plus difficile à comprendre.
Si c’est leur foi qui leur suggère d’aussi extra-
vagants projets, cela prouve me fois de plus
qu’il n’y a rien de commun entre l’Espric-Saint et
l’esprit sain.
Pierre Véron,
LE QUATRAIN D HIER
Il est clair aujourd’hui que les crises ministé-
rielles ne suffisent plus à la joie des monarchis-
tes. C’est une crise présidentielle qu’ils cher-
chent à préparer. L’appétit vient en mangeant.
Leur règle de conduite peut se résumer en
cette formule :
— Troublons l’eau d’abord, nous verrons en-
suite s’il y a quelque chose à y pêcher.
L’hypothèse fait peu d’honneur à leur clair-
voyance. Il faut qu’ils aient des yeux pour ne pas
v°ir, des oreilles pour ne rien entendre ; sans
*Ihoi, comment pourraient-ils conserver une illu-
si°ü sur la possibilité d’exploiter à leur profit
j0s ruines qu’ils préparent?
Un prétendant quelconque, qu’il se présente
au nom de la royauté ou au nom de l’empire,
ferait pas vingt pas dans les rues de Paris
aans être étranglé par la foule furieuse.
Gomment! on entend bouillonner la lave dans
|e cratère révolutionnaire, et ils oseraient venir
jeter un tel défi à la démocratie! Ce serait de la
^«îence.
Si donc, par leurs intrigues, ils arrivaient à,
renverser’ia République calme, c’est la Républi-
que furieuse qui interviendrait aussitôt, c’est le
s°cialisme et l’anarchie qui deviendraient les
Maîtres de la situation, et leur premier soin se-
rait, fort légitimement d’ailleurs, de mettre la
’ttain au collet de ces monarchistes qui travail-
lât si témérairement à leur préparer les voies.
Ge que serait une crise présidentielle à 1 heure
011 nous sommes, nul ne peut le prévoir.
Qu’on se rappelle seulement l’aspect de Paris,
le jour où il s’agit de remplacer à l’improviste
M. Gfrévy.
) Et Paris pourtant, à cette époque-lâ, n’était pas
1 énervé, l’enfiévré d’aujourd’hui.
Personne n’est capable de prononcer un nom
Sar lequel se grouperait, je ne dis pas avec cer-
titude, mais même avec probabilité, une majorité
dans le Congrès.
Or,voyez-vous l’aspect de la capitale attendant
Pendant deux ou trois jours la décision de Ver-
SaÜles ?
Ceux qui prennent à partie M. Carnot, cher-
chant à en faire la victime de demain, n’ont donc
Pas une seule minute envisagé ces hypothèses
effroyables?
Que les bons monarchistes soient fraternelle-
®ut désireux de jeter les républicains dans la
dette nuit, l'Opéra donne son premier bal,
Mais ce n’est plus la, date autre. ' -in "''-lamée.
Aux chienlits l'époque est trop accoutumée
Par un éternel carnaval'.
SIFFLET.
LE CARNET DU» ACTIMISTE
AVIS AUX AMATEURS
Ils étaient tant soit peu dans le marasme, les
coureurs de décorations.
Pour l’instant, la France leur est peu propice.
On a refusé de créer récemment un ordre nou-
veau. La distribution des palmes académiques a
été restreinte à une seule répartition de rubans
par an. Il y a même des gens qui parlent d’abolir
la croix de la Légion d’honneur pour les civils.
Ah 1 oui, ils étaient dans le marasme, les cou-
reurs de décorations.
Mais voici qu’une grande âme vient à leur se-
cours.
Ce n’est pas du Sâr Péladan que je veux par-
ler. Vieille histoire !
Elle a eu peu de succès, la Rose-Croix; moins
de succès même que n’en eut jadis le grand-cor-
don d’Orélie, roi d’Araucanie.
Le novateur auquel nous faisons allusion est
un estimable révérend, du nom de Fircken. Il
réside à New-York et est membre de plusieurs
académies, bien entendu.
Avec le concours de deux évêques, dont I’uq
est nègre, pour que rien ne manque à la mise en
scène de l’histoire, il a fondé l’ordre de la Cou-
ronne d’Epines.
Un ordre symbolique que pas mal de gens se-
raient en droit de porter chez nous pour le quart
d’heure.
cUT*
c/IV»
Pour faire à son ordre des fondations solides,
. l’excellent révérend a commencé par bombarder
d’office commandeurs un certain nombre de prin-
ces appartenant à des familles régnantes.
Puis, après avoir ainsi amorcé, le révérend a
rédigé des prospectus d’une mirobolante simpli-
cité.
Ah! c’est un gaillard qui entend les affaires et
qui n’y va pas par quatre chemins, comme vous
l’allez voir.
Son prospectus déclare, en effet, qu’il met à la
disposition de toute personne qui lui adressera
une demande accompagnée d’une notice biogra-
phique, d’un portrait et de la somme de... six
.dollars (30 francs), un ruban de chevalier, rouge
et liséré presque invisiblement de blanc.
Ce n’est pas tout. Tout chevalier qui procure
trois nouveaux candidats à l'Ordre est nommé
officier et a le droit de porter la croix en émail
blanc, entourée d’une couronne d’épines en or,
pourvu toutefois qu’il ait le soin d’adresser une
offrande supplémentaire de dix dollars (50 francs).
A la bonne heure! C’est marqué en chiffres
connus. Doux et deux font quatre.
C\Pl
Ü\Si
Vous voudrez bien remarquer, je vous prie, la
subtilité de l’inventeur, à qui la vanité humaine
doit ce nouveau hochet.
Il s’est dit que le plus recherché de tous les ru-
bans est encore le ruban français. En conséquence,
il a eu soin de faire rouges les insignes de sa Cou-
ronne d’Epines. Il y a bien un petit liséré blanc;
mais si peu que rien ! Pas la peine d’en parler.
Les intéressés sauront, d’ailleurs, s’arranger
de façon à le faire peu à peu disparaître, en com-
binant le nœud avec un art propice.
Et dire que l’on est capable de vouloir embêter
ce pauvre révérend pour les malheureux trente
francs qu’il demande à la clientèle!
Dire qu’on est capable de lui faire porter à lui-
même une couronne d’épines qu’il n’a pas prévue,
en le poursuivant devant un tribunal correction-
nel quelconque.
Ce serait déplorablernent injuste.
La création des ordres à prix fixe serait, si l’on
mettait de côté des pudibonderies saugrenues,
une agréable façon de venir en aide à la dèche
des budgets.
On pourrait aussi, par ce procédé, recueillir de
fortes sommes dont on ferait bénéficier les pau-
vres et qui permettraient de secourir des misè-
res intéressantes.
Les amateurs se payeraient des insignes comme
on achète une bague ou une épingle de cravate.
Du moment où ils n’auraient pas conscience du
ridicule attaché à leur acquisition, pourquoi les
empêcherait-on d’ouvrir leur porte-monnaie?
Il y aurait ainsi un certain nombre d’ordres à
vendre, qui ne porteraient nul préjudice aux
autres.
Recevez donc mes félicitations, brave révé-
rend, hardi pionnier, et puissent vos épines ne
pas être sans roses.
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