^SOIXANTE-DEUXIÈME ANNÉE
Prix do Mnméro : SB centime»
Vendredi 20 janvier 1893
abonnements
PARIS
Trois mois. 1R fp
Six mois. or _
Un an.72 —
(les mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
Us abonnements parlent des t" et te de chaque mois
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
BUREAUX
DE LA RÉDACTION ET DE L’aDMINISTRATIOM
Rue de la Victoire 20
abonnements
départements
Trois mois.
20 fr.
Six mois.40 —
Un an
80 —
(les MANDATS TELEGRAPHIQUES NE SONT PAS REÇUS)
l abonnement d'un an donne droit à la prime gratuite
direction
Politique, Littéraire et Artistique
PIERRE VÉRON
Rédacteur en Chef
ANNONCES
AjOLPHE EWIG, fermier de i.a publicité
92, Rue Richelieu
LE CHARIVARI
BULLETIN POLITIQUE
On ne peut pas dire que nous vivions dans le
siècle des Pangloss. Ah! non! La consigne n’est
pas de chercher à prouver que tout est pour le
mieux dans le meilleur des mondes.
Le naïf qui prendrait au sérieux toutes les si-
nistres nouvelles répandues chaque matin, tous
les canards noirs auxquels on donne la volée quo-
tidienne, serait, après quinze jours de cet exer-
cice, mûr pour Sainte-Anne ou pour Charenton.
On dirait, en vérité, que certaines gens se sont,
sous 'prétexte de patriotisme, imposé la tâche
de ruiner notre crédit, d’affoler toutes les cer-
velles, de nous faire passer aux yeux de l’étran-
ger pour un ramassis de gâteux et de scélérats.
Ici, on déclare que la Banque de France est à
la veille de sauter; là, que la guerre ne peut tar-
der plus d’un mois à éclater terrible et générale;
un troisième dit que le Président de la République
a des chances de comparaître prochainement en
cour d’assises; un quatrième...; un cinquième...
Et de toute part, en grande vedette, au fron-
ton des gazettes populaires, des titres de ce
genre :
Nouvelles arrestations ;
Révélations écrasantes ;
Complications lamentables ;
Révolution imminente;
Effroyable crise...
Et ainsi de suite.
On ne peut plus trouver une vieille boîte de
sardines au coin d’une rue sans qu’elle soit aus-
sitôt métamorphosée par l’imagination des nou-
vellistes en machine iüfernale.
Si un marchand des quatre saisons a une dis-
pute avec un sergent de ville, certains journaux
poussent ce cri :
— Le peuple se soulève !
Si un monsieur meurt d’une indigestion de ga-
lette au lendemain des Rois, les faits-divers
mentionnent en gros caractères •. Redoutable
retour de l’épidémie.
Telle est la note du jour. C’est â ce charmant
diapason que s’accordent les instruments qui
nous donnent la sérénade.
Il serait peut-être temps de réagir -contre ces
lugubreries systématiques qui finiront par chan-
ger en un peuple de croqueinorts la nation jadis
la plus folâtre de la terre.
Il en serait d’autant plus temps que qui veut
trop prouver ne prouve rien et que ces mises en
scène terrifiantes n’aboutissent qu’à provoquer
la lassitude ou l’éclat de rire.
Il y aurait aussi un grave danger à continuer
ce système de fantaisies macabres. A force de hur-
ler au loup! tous les jours, il arriverait, comme
dans la fable, que personne ne croirait plus au
cri d’alarme, le jour où il serait sérieusement
motivé.
Sans parler du commerce, que l’on affame en
faisant vivre la France dans cet état de transes
continuelles et de maladif nervosisme. Sans par-
ler de notre crédit, que l’on compromet en pro-
pageant la défiance, en semant l’inquiétudo.
Ajoutons qu’au simple point de vue du dilet-
tantisme, il serait bon de se rappeler que l’en-
nui naquit un jour de l’uniformité, et de modi-
fier un peu l’éternel menu que l’on sert aux ba-
dauds depuis deux mois’, — menu sur lequel
l’épouvante figure comme entrée et l’infamie
comme dessert.
Pierre Véron.
LE QUATRAIN D'HIER
Petit raisonnement qui ne parait pas sot :
— Si la réaction, à comploter subtile,
Cherche à faire tomber le Président Carnot,
C’est qu’à la République elle le sait utile.
SIFFLET.
CHIQUBITA’QTDSS
Cette chère Gazette de France publiait hier
un article intitulé : Tout est possible.
Tout?... Excepté au moins, pauvre Gazette, de
rétablir la royauté.
Lu plusieurs articles, ces jours-ci, sur les re-
liures en peau humaine.
Le fait est que le moment serait opportun pour
en propager la mode.
Nos contemporains s’entre-écorchent si bien
tout vifs!
Deux passants arrêtés devant l’affiche du Gym-
nase :
— Tout pour Vhonneur !... Ça ne doit pas être
une actualité.
On cherche chicane à M. Eiffel.
C’est injuste.
Ne lui avait-on pas répété sur tous les tons :
— Plus haut! Plus haut!
Ses additions ont pris l’exhortation pour elles.
Une damé poète vient d’accepter d’être candi-
date aux prochaines élections.
Il faut croire qu’elle a envie de faire connais-
sance avec les plus laides proses
A propos de candidature.
Un fantaisiste avait proposé celle d’Yvette Guil-
bert.
Est-ce pour cela qu’elle, pas bête, va filer cet
été en Amérique?
Dialogue populaire :
— Cinq cents nouveaux millions de billets de
banque... Grénoml
— Dommage que ça soit pas des papiers pu-
blics I
NIGK.
AUÏDGRAPHQMAKtlE
Un Anglais, grand collectionneur d’autogra-
phes, M. Charles Robinson, vient de révéler,
avec un cynisme tout à fait britannique, les trucs
variés grâce auxquels les autographomanes —
et lui-même, par conséquent — parviennent à se
procurer quelques lignes des gens célèbres.
Savez-vous le plus ingénieux de ces « trucs » ?
Il consiste à écrire, aux grands hommes dont on
convoite l’autographe, une lettre où Ton se fait
passer pour un riche armateur et où Ton propose
au personnage de donner son nom à un navire
prêt à prendre la mer. Il paraît que la réponse
ne se fait jamais attendre et que le « grand
homme » se déclare toujours ravi de l’honneur
qu’on lui fait. L’illustre historien Carlyle, no-
tamment, sollicité dans ce sens par M. Robinson,
adressa au faux armateur les plus chaleureux
remerciements, ajoutant : « J’espère que l’esquif
qui va porter mon nom naviguera plus heureuse-
ment sur les mers que je ne navigue à travers
la vie. »
Voilà ce que l’on pourrait définir « l’art de
monter des navires à ses contemporains ». C’est
ingénieux, sans doute, mais, à Paris, personne
ne couperait dans le pont des navires deM. Ro-
binson.
Collectionneurs d’autographes, mes amis,
croyez-moi, ne vous fiez pas aux perfides avis de
ce Robinson qui n’est même pas Suisse, et cher-
chez autre chose; inventez des trucs plus en har-
monie avec les goûts et les aspirations de nos
célébrités politiques, artistiques, littéraires,, mili-
taires, religieuses, et autres. Et puisque lauto-
graphomane anglais a fait des révélations, j en
veux faire aussi. Je vais vous dire comment j aj
Prix do Mnméro : SB centime»
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PARIS
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On ne peut pas dire que nous vivions dans le
siècle des Pangloss. Ah! non! La consigne n’est
pas de chercher à prouver que tout est pour le
mieux dans le meilleur des mondes.
Le naïf qui prendrait au sérieux toutes les si-
nistres nouvelles répandues chaque matin, tous
les canards noirs auxquels on donne la volée quo-
tidienne, serait, après quinze jours de cet exer-
cice, mûr pour Sainte-Anne ou pour Charenton.
On dirait, en vérité, que certaines gens se sont,
sous 'prétexte de patriotisme, imposé la tâche
de ruiner notre crédit, d’affoler toutes les cer-
velles, de nous faire passer aux yeux de l’étran-
ger pour un ramassis de gâteux et de scélérats.
Ici, on déclare que la Banque de France est à
la veille de sauter; là, que la guerre ne peut tar-
der plus d’un mois à éclater terrible et générale;
un troisième dit que le Président de la République
a des chances de comparaître prochainement en
cour d’assises; un quatrième...; un cinquième...
Et de toute part, en grande vedette, au fron-
ton des gazettes populaires, des titres de ce
genre :
Nouvelles arrestations ;
Révélations écrasantes ;
Complications lamentables ;
Révolution imminente;
Effroyable crise...
Et ainsi de suite.
On ne peut plus trouver une vieille boîte de
sardines au coin d’une rue sans qu’elle soit aus-
sitôt métamorphosée par l’imagination des nou-
vellistes en machine iüfernale.
Si un marchand des quatre saisons a une dis-
pute avec un sergent de ville, certains journaux
poussent ce cri :
— Le peuple se soulève !
Si un monsieur meurt d’une indigestion de ga-
lette au lendemain des Rois, les faits-divers
mentionnent en gros caractères •. Redoutable
retour de l’épidémie.
Telle est la note du jour. C’est â ce charmant
diapason que s’accordent les instruments qui
nous donnent la sérénade.
Il serait peut-être temps de réagir -contre ces
lugubreries systématiques qui finiront par chan-
ger en un peuple de croqueinorts la nation jadis
la plus folâtre de la terre.
Il en serait d’autant plus temps que qui veut
trop prouver ne prouve rien et que ces mises en
scène terrifiantes n’aboutissent qu’à provoquer
la lassitude ou l’éclat de rire.
Il y aurait aussi un grave danger à continuer
ce système de fantaisies macabres. A force de hur-
ler au loup! tous les jours, il arriverait, comme
dans la fable, que personne ne croirait plus au
cri d’alarme, le jour où il serait sérieusement
motivé.
Sans parler du commerce, que l’on affame en
faisant vivre la France dans cet état de transes
continuelles et de maladif nervosisme. Sans par-
ler de notre crédit, que l’on compromet en pro-
pageant la défiance, en semant l’inquiétudo.
Ajoutons qu’au simple point de vue du dilet-
tantisme, il serait bon de se rappeler que l’en-
nui naquit un jour de l’uniformité, et de modi-
fier un peu l’éternel menu que l’on sert aux ba-
dauds depuis deux mois’, — menu sur lequel
l’épouvante figure comme entrée et l’infamie
comme dessert.
Pierre Véron.
LE QUATRAIN D'HIER
Petit raisonnement qui ne parait pas sot :
— Si la réaction, à comploter subtile,
Cherche à faire tomber le Président Carnot,
C’est qu’à la République elle le sait utile.
SIFFLET.
CHIQUBITA’QTDSS
Cette chère Gazette de France publiait hier
un article intitulé : Tout est possible.
Tout?... Excepté au moins, pauvre Gazette, de
rétablir la royauté.
Lu plusieurs articles, ces jours-ci, sur les re-
liures en peau humaine.
Le fait est que le moment serait opportun pour
en propager la mode.
Nos contemporains s’entre-écorchent si bien
tout vifs!
Deux passants arrêtés devant l’affiche du Gym-
nase :
— Tout pour Vhonneur !... Ça ne doit pas être
une actualité.
On cherche chicane à M. Eiffel.
C’est injuste.
Ne lui avait-on pas répété sur tous les tons :
— Plus haut! Plus haut!
Ses additions ont pris l’exhortation pour elles.
Une damé poète vient d’accepter d’être candi-
date aux prochaines élections.
Il faut croire qu’elle a envie de faire connais-
sance avec les plus laides proses
A propos de candidature.
Un fantaisiste avait proposé celle d’Yvette Guil-
bert.
Est-ce pour cela qu’elle, pas bête, va filer cet
été en Amérique?
Dialogue populaire :
— Cinq cents nouveaux millions de billets de
banque... Grénoml
— Dommage que ça soit pas des papiers pu-
blics I
NIGK.
AUÏDGRAPHQMAKtlE
Un Anglais, grand collectionneur d’autogra-
phes, M. Charles Robinson, vient de révéler,
avec un cynisme tout à fait britannique, les trucs
variés grâce auxquels les autographomanes —
et lui-même, par conséquent — parviennent à se
procurer quelques lignes des gens célèbres.
Savez-vous le plus ingénieux de ces « trucs » ?
Il consiste à écrire, aux grands hommes dont on
convoite l’autographe, une lettre où Ton se fait
passer pour un riche armateur et où Ton propose
au personnage de donner son nom à un navire
prêt à prendre la mer. Il paraît que la réponse
ne se fait jamais attendre et que le « grand
homme » se déclare toujours ravi de l’honneur
qu’on lui fait. L’illustre historien Carlyle, no-
tamment, sollicité dans ce sens par M. Robinson,
adressa au faux armateur les plus chaleureux
remerciements, ajoutant : « J’espère que l’esquif
qui va porter mon nom naviguera plus heureuse-
ment sur les mers que je ne navigue à travers
la vie. »
Voilà ce que l’on pourrait définir « l’art de
monter des navires à ses contemporains ». C’est
ingénieux, sans doute, mais, à Paris, personne
ne couperait dans le pont des navires deM. Ro-
binson.
Collectionneurs d’autographes, mes amis,
croyez-moi, ne vous fiez pas aux perfides avis de
ce Robinson qui n’est même pas Suisse, et cher-
chez autre chose; inventez des trucs plus en har-
monie avec les goûts et les aspirations de nos
célébrités politiques, artistiques, littéraires,, mili-
taires, religieuses, et autres. Et puisque lauto-
graphomane anglais a fait des révélations, j en
veux faire aussi. Je vais vous dire comment j aj