SOIXANTE-DEUXIÈME ANNÉE
MARDI 24 JANVIER 1893
Prix du Numéro : 25 ceutîmes
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 18 fr.
Six mois. 36 —
Un an. 72 —
(lus mandats télégraphiques ne sont pas reçus)
tes abonnements partent des 1" et ts de chaque moit
DIRECTION
Politique, Littéraire et Artistique
PI EUR B V É 11 0 ;\l
Bédactoor en Chef
BUREAUX
DK LA RÉDACTION ET DE L'ADMINISTRATION
Rue de la Victoire 20
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Trois mois. 20 fr
six mois..;;;;;; 40 _■
Un an. go _
(i.RS MANDATS TÉLÉGRAPHIQUES NE SONT PAS REÇUS)
l. abonnement d’un an donne droit à la prime gratuite
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Éi'il scieur en Chef
ANNONCES
ACOLPIIE EWiG, FERMIER DE LA PÜBLÎCITÙ
92, Rue Richelieu
LE CHARIVARI
bulletin politique
Est-elle assez piteuse, la lettre de M. d’Haus-
sonville à son ami Hervé!
Il paraît que M. Hervé voulait savoir ce que
ponse le Prince (avec un grand P). Sur quoi
M. d’Haussonville lui répond en la bémol :
« Il pense à la France et il souffre. »
Si l’on grattait encore de la guiiare, la chose
pourrait prendre la forme de la romance et se
chanter en roulant des yeux sentimentaux.
On pourrait aussi l’adapter sur le vieux thème
du Petit Faust.
— Il pense à son vieux père.
— Et s’il n’a pas de père ?
— Il pense à sa vieille mère.
— Et s’il n’a pas de mère ?
— Il pense à sa future.
— Et s’il n’a pas de future ?
— Il se contente alors de panser sa blessure.
C’est plus fort : le comte de Paris fait les deux
du même coup. Il pense à la France et panse sa
blessure, avec l’aide de M. d’Haussonville remplis-
sant l’office de sœur de charité.
Ce qui semble ragaillardir la souffrance du pré-
tendant, c’est que notre pays lui paraît rabaissé
par les scandales actuels et qu’une restauration
peut en sortir pour lui.
Mais, au fond, il n’y compte pas beaucoup,
Philippe VII. Il parle bien de former une ligue de
l’honnêteté publique, comme si l’orléanisme n’avait
pas vu des ministres mis en prison pour vol. Seu-
lement, cette ligue va compter avec une foule de
difficultés que M. d’Haussonville souligne malgré
lui.
Il reconnaît que, pour trouver un terrain d’en-
tente, les monarchistes auront à faire certains
sacrifices. Mais il sent si bien que l’on reste irré-
médiablement divisé, qu’il en est réduit à ajou-
ter :
« Il serait prématuré de déterminer dès à pré-
sent la plate-forme électorale, et, lorsqu’il en sera
temps, j’aurai à communiquer aux monarchistes
des instructions précises à propos de l’attitude
qu’ils devront prendre. Mais puisque les conser-
vateurs ne sont malheureusement pas d’accord
sur la forme du gouvernement, mon sentiment
actuel est, qu’à moins d’événements imprévus,,
les monarchistes feront mieux de ne point la
mettre en cause devant les électeurs. Le pays
leur saura gré de cette abnégation, et ils montre-
ront par là qu’ils ne sont ni des hommes de parti
ni des égoïstes. »
N’essayez pas, pou adroit confident, de vous
faire de nécessité vertu. Vous ne vous entendrez
jamais entre monarchistes, parce que vous vou-
lez tous garder le gâteau pour vous, parce que
les bonapartistes cherchent à duper les royalistes
et réciproquement.
Ohl ce ne sont pas les mauvaises intentions
qui manquent. La preuve, c’est que M. d Haus-
sonville nous montre son prince embusqué et
guettant une crise nationale pour violer la Cons-
titution..
M. d’IIaussonville n’oublie qu’une chose : c’est
que, pour violer, il faut d’abord ne pas être im-
puissant.
Pierre Véron
LE QUATRAIN D’HIER
Demain, Tout pour l’honneur quitte, dit-on, l'affiche
Au Gymnase. C'était bien à prévoir, vraiment.
Trop de gens se disaient : L’auteur de nous se fiche
Quand il prend un tel titre en un pareil moment !
SIFFLET.
CHAPITRE DE LA PEAU
Les astronomes, qu’on supposait occupés à
contempler tout le temps la lune, s’offrent, pa-
raît-il, par-ci. par-là, quelques distractions. Il en
est qui ne dédaignent pas d’abaisser leurs re-
gards, avec ou sans lorgnettes, jusqu’aux épaules
des jolies femmes.
Une comtesse vient de léguer « la peau de son
dos » à un astronome, en souvenir d’une soirée
pendant laquelle le savant avait longuement
admiré le satin de sa nuque et des environs.
Nos lecteurs ont déjà entendu parler de cette
histoire à la fois comique et macabre; je n’ai pas
l’intention de la leur raconter à nouveau.
Je voudrais seulement constater que le livre
de l’amour peut être considéré comme augmenté
d’un chapitre inédit : le chapitre de la peau.
Jusqu’à présent, on s’était généralement con-
tenté d’envoyer à son adorée ou à son bien-aimé
une boucle de cheveux que l’adorée ou le bien-
aimé faisait monter en bague, — quand ce n’était
pas en blague. On va pouvoir faire beaucoup
mieux. Juliette fera parvenir à Roméo des frag-
ments de muqueuse, et Roméo ripostera par l’ex-
pédition franco d’une notable partie de son sys-
tème cutané.
Un homme suffisamment épris ne s’en tiendra
plus à offrir son terme à une jolie fille; il lui
offrira, par dessus le marché, son derme, et l’ex-
pression quelque peu voyoucratique : « Et la
peaul » deviendra l’épilogue obligé de tout ro-
man bien conditionné.
C’est par la peau que la passion commence, ce
sera également par la peau qu’elle finira. Dire
de quelqu’un : « J’aurai sa peau! » ne signifiera
plus qu’on lui a voué une haine corse, une guerre
au. couteau; mais, au contraire, tout le monde
comprendra que vous et la personne dont vous
parlerez ainsi, constituez en quelque sorte une
■ paire de pendants à Daphnis et Ghloé, Héloïse et
Abélard, Paul et Virginie, et autres couples
d’amants plus ou moins célèbres.
Bref, Chamfort aura de plus en plus raison.
L’amour sera une affaire toute d’épiderme, avant,
pendant, et même après. Certaines femmes, qui
changent d’affection chaque printemps, regret-
teront de ne pas changer aussi de peau, comme
le serpent, afin de laisser leur ancienne enve-
loppe, en guise de fiche consolatrice, aux mains
de l’adorateur congédié.
Don Juan, le matin, mettra ses pieds nus sur
la dépouille, convenablement tannée, de quel-
qu’une des « mille et trois », et Boireau, pour
bourrer sa pipe, prendra du tabac dans une
blague dont il pourra dire, avec un mélancolique
soupir :
— Telle que vous la voyez, c’est le mollet d’une
femme qui m’a bien aimé!
D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi, dans cetie
utilisation posthume, on s’en tiendrait exclusi-
vement aux choses de l’amour. La peau humaine,
Dieu merci, se prête à ions les usages. Elle pos-
sède autant de qualités que la peau des bêtes. Un
spécialiste l’a même dit carrément : bien mégie,
comme grain et comme souplesse, elle ressemble
à de la peau de truie... La comparaison est on ne
peut plus flatteuse, et c’est le cas ou jamais de
modifier un alexandrin bien connu, en disant
désormais :
Tout homme a, dans la peau, du cochon qui sommeille.
Généralisons un peu cette mode nouvelle, vou-
lez-vous.11 Je me rappelle avoir lu dans un roman
de George Sand — c’est encore dans les romans
qu’on apprend le mieux l'histoire — que de la
peau d’un certain Ziska, de son vivant chef des
Hussiles, on avait fabriqué un tambour qui con-
duisait encore, longtemps après sa mort, ses
troupes à la victoire... Un tambour, c’est parfait
pour un guerrier posthume. Mais de la peau de
certains charlatans, on pourrait faire des grosses
caisses ; de la peau de certains députés, des outres
pour contenir le vin ; et ainsi de suite.
Par exemple, dans la peau d’un ministre, on
taillerait des portefeuilles.
Seulement, si tanné qu’ait été le ministre, je
crois que les portefeuilles ne dureraient pas
longtemps.
Paul Girard.
PR IMES POUR 1893
Le Charivari, comme les aimées précédentes, offre à ses
abonnés une attrayante collection de primes :
PRIMES GRATUITES
OFFERTES AUX ABONNÉS D’UN AN SEULEMENT
Tout abonnement b’UN AN, FAIT D’UNE SEULE FOIS ET
SANS INTERMÉDIAIRE, donne droit à une des deux primes
gratuites suivantes :
1° LE PETIT JOURNAL POUR RIRE
PARAISSANT TOUTES LES SEMAINES
Huit pages de texte et de dessins comiques, 52 numéros par an
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Il paraît que M. Hervé voulait savoir ce que
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M. d’Haussonville lui répond en la bémol :
« Il pense à la France et il souffre. »
Si l’on grattait encore de la guiiare, la chose
pourrait prendre la forme de la romance et se
chanter en roulant des yeux sentimentaux.
On pourrait aussi l’adapter sur le vieux thème
du Petit Faust.
— Il pense à son vieux père.
— Et s’il n’a pas de père ?
— Il pense à sa vieille mère.
— Et s’il n’a pas de mère ?
— Il pense à sa future.
— Et s’il n’a pas de future ?
— Il se contente alors de panser sa blessure.
C’est plus fort : le comte de Paris fait les deux
du même coup. Il pense à la France et panse sa
blessure, avec l’aide de M. d’Haussonville remplis-
sant l’office de sœur de charité.
Ce qui semble ragaillardir la souffrance du pré-
tendant, c’est que notre pays lui paraît rabaissé
par les scandales actuels et qu’une restauration
peut en sortir pour lui.
Mais, au fond, il n’y compte pas beaucoup,
Philippe VII. Il parle bien de former une ligue de
l’honnêteté publique, comme si l’orléanisme n’avait
pas vu des ministres mis en prison pour vol. Seu-
lement, cette ligue va compter avec une foule de
difficultés que M. d’Haussonville souligne malgré
lui.
Il reconnaît que, pour trouver un terrain d’en-
tente, les monarchistes auront à faire certains
sacrifices. Mais il sent si bien que l’on reste irré-
médiablement divisé, qu’il en est réduit à ajou-
ter :
« Il serait prématuré de déterminer dès à pré-
sent la plate-forme électorale, et, lorsqu’il en sera
temps, j’aurai à communiquer aux monarchistes
des instructions précises à propos de l’attitude
qu’ils devront prendre. Mais puisque les conser-
vateurs ne sont malheureusement pas d’accord
sur la forme du gouvernement, mon sentiment
actuel est, qu’à moins d’événements imprévus,,
les monarchistes feront mieux de ne point la
mettre en cause devant les électeurs. Le pays
leur saura gré de cette abnégation, et ils montre-
ront par là qu’ils ne sont ni des hommes de parti
ni des égoïstes. »
N’essayez pas, pou adroit confident, de vous
faire de nécessité vertu. Vous ne vous entendrez
jamais entre monarchistes, parce que vous vou-
lez tous garder le gâteau pour vous, parce que
les bonapartistes cherchent à duper les royalistes
et réciproquement.
Ohl ce ne sont pas les mauvaises intentions
qui manquent. La preuve, c’est que M. d Haus-
sonville nous montre son prince embusqué et
guettant une crise nationale pour violer la Cons-
titution..
M. d’IIaussonville n’oublie qu’une chose : c’est
que, pour violer, il faut d’abord ne pas être im-
puissant.
Pierre Véron
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Demain, Tout pour l’honneur quitte, dit-on, l'affiche
Au Gymnase. C'était bien à prévoir, vraiment.
Trop de gens se disaient : L’auteur de nous se fiche
Quand il prend un tel titre en un pareil moment !
SIFFLET.
CHAPITRE DE LA PEAU
Les astronomes, qu’on supposait occupés à
contempler tout le temps la lune, s’offrent, pa-
raît-il, par-ci. par-là, quelques distractions. Il en
est qui ne dédaignent pas d’abaisser leurs re-
gards, avec ou sans lorgnettes, jusqu’aux épaules
des jolies femmes.
Une comtesse vient de léguer « la peau de son
dos » à un astronome, en souvenir d’une soirée
pendant laquelle le savant avait longuement
admiré le satin de sa nuque et des environs.
Nos lecteurs ont déjà entendu parler de cette
histoire à la fois comique et macabre; je n’ai pas
l’intention de la leur raconter à nouveau.
Je voudrais seulement constater que le livre
de l’amour peut être considéré comme augmenté
d’un chapitre inédit : le chapitre de la peau.
Jusqu’à présent, on s’était généralement con-
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pas en blague. On va pouvoir faire beaucoup
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Un homme suffisamment épris ne s’en tiendra
plus à offrir son terme à une jolie fille; il lui
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C’est par la peau que la passion commence, ce
sera également par la peau qu’elle finira. Dire
de quelqu’un : « J’aurai sa peau! » ne signifiera
plus qu’on lui a voué une haine corse, une guerre
au. couteau; mais, au contraire, tout le monde
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Bref, Chamfort aura de plus en plus raison.
L’amour sera une affaire toute d’épiderme, avant,
pendant, et même après. Certaines femmes, qui
changent d’affection chaque printemps, regret-
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le serpent, afin de laisser leur ancienne enve-
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de l’adorateur congédié.
Don Juan, le matin, mettra ses pieds nus sur
la dépouille, convenablement tannée, de quel-
qu’une des « mille et trois », et Boireau, pour
bourrer sa pipe, prendra du tabac dans une
blague dont il pourra dire, avec un mélancolique
soupir :
— Telle que vous la voyez, c’est le mollet d’une
femme qui m’a bien aimé!
D’ailleurs, je ne vois pas pourquoi, dans cetie
utilisation posthume, on s’en tiendrait exclusi-
vement aux choses de l’amour. La peau humaine,
Dieu merci, se prête à ions les usages. Elle pos-
sède autant de qualités que la peau des bêtes. Un
spécialiste l’a même dit carrément : bien mégie,
comme grain et comme souplesse, elle ressemble
à de la peau de truie... La comparaison est on ne
peut plus flatteuse, et c’est le cas ou jamais de
modifier un alexandrin bien connu, en disant
désormais :
Tout homme a, dans la peau, du cochon qui sommeille.
Généralisons un peu cette mode nouvelle, vou-
lez-vous.11 Je me rappelle avoir lu dans un roman
de George Sand — c’est encore dans les romans
qu’on apprend le mieux l'histoire — que de la
peau d’un certain Ziska, de son vivant chef des
Hussiles, on avait fabriqué un tambour qui con-
duisait encore, longtemps après sa mort, ses
troupes à la victoire... Un tambour, c’est parfait
pour un guerrier posthume. Mais de la peau de
certains charlatans, on pourrait faire des grosses
caisses ; de la peau de certains députés, des outres
pour contenir le vin ; et ainsi de suite.
Par exemple, dans la peau d’un ministre, on
taillerait des portefeuilles.
Seulement, si tanné qu’ait été le ministre, je
crois que les portefeuilles ne dureraient pas
longtemps.
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