PARISIENNER1ES
18
pra
— Adorable, hein P Mais pas un sou de dot !
— Dis donc, elle apporte une assez jolie corbeille !
C'étaient doux bonnes filles ; celle d'Isidore s’ap-
pelait Follette et celle de Népomucène Camélia.
_ Tiens! dit Follette en entrant chez Isidore, vous
avez mis un paillasson.
— Oui, répondit Isidore l’air abattu.
Et il la mit rapidement au courant de ce qui se
passait.
—'Ali! bah! dit-elle, ça vous embête tant queça!
— Tu ne comprends donc pas que ce monsieur
semble se considérer comme mon supérieur!..
— Attendez, c’est bien facile.
Elle sortit sur le palier et, d'un coup de pied, elle
lança très loin le paillasson de Népomucène.
Mais celui-ci avait entendu; il était justement en
train de raconter ses ennuis à Camélia
— Tu vois ! lui dit-il en ouvrant la porte.
— Bon! y a qu’à envoyer dingucr le sien à son
tour! répondit cette jeune personne.
Et, de la pointe de sa bottine, elle fit pirouetter le
paillasson d’Isidore jusqu’au bout du palier.
Follette s'avança vers Camélia.
— Dis donc, s’écria-t elle, tu sais, toi, cest pas
chic ce que tu fais là!
— Fiche-moi la paix, hein?
— Tu insultes le paillasson de mon oncle!
Isidore et Népomucène sortirent juste pour voir
ces deux jeunes personnes s’empoigner et se livrer
à un crépage de chignons soigné.
— On égorge ma nièce ! Tel fut le cri qui s’échappa
de la poitrine des deux ennemis.
— La mienne a le dessus ! dit Isidore avec satis-
faction en voyant faiblir Camélia.
— Non, mossieu, c’est la mienne ! tonna Népomu-
cène au moment où, victime d'un croc-en-jambe,
Follette allait rouler sur un des paillassons.
Au bruit de la lutte, la concierge était montée.
Follette était furieuse.
— Dire que voilà deux mufles qui n'ont pas eu le
courage de venir nous séparer 1
— Oui, renchérit Camélia, des pignoufs qui lais-
sent des femmes s’abîmer pour leurs sales paillas-
sons !
— D’abord, je lâche mon maniaque .. J’ai mieux
que ça en vue !
— Moi aussi !...
Et elles s’en allèrent bras dessus bras dessous.
— Le respect do la famille s’en va! crut devoir
dire Népomucène.
Ils rentrèrent chacun chez soi, pendant que la con-
cierge se tordait de rire, remettant les paillassons à
leur place.
Mais les deux ennemis ne se tenaient pas pour sa-
tisfaits.
Népomucène possédait un chien ; il lui apprit à
souiller abominablement le paillasson d’Isidore.
Et celui-ci, qui avait chez lui un angora, le dressa
à s’oublier compendieusement sur le paillasson de
Népomucène.
Ce fut un duel terrible.
Pendant une quinzaine, chaque soir, en sortant,
les deux ennemis marchèrent héroïquement sur
leur paillasson, en disant avec un air de forfante-
rie :
— Ça porte bonheur !
A la fin, poussés à bout, ils résolurent de convo-
quer un arbitre.
— Et si ça ne suffît pas, dirent-ils avec rage, nous
irons jusqu’en cassation !
L’arbitre leur dit, après s’être fait expliquer le
cas :
— Ce sont vos angles qui vous gênent; supprimez-
les, et vos deux paillassons se caseront très bien.
— Si je coupe le mien, dit Népomucène, monsieur
coupera aussi le sien?
— Certainement.
— Dès lors que notre dignité se trouve sauvegar-
dée, répliquèrent-ils tous deux, cela suffit.
L’opération fut faite séance tenante. Et alors, très
ému, Népomucène dit à son voisin ;
— Vous voyez, monsieur, il n’y a rien de tel que
de s'entendre.
— Oui, dit Isidore.
Et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, ré-
conciliés.
— Avec tout ça, soupira Isidore en se redressant,
nous avons perdu nos deux nièces !
— Bah! dit Népomucène, nous en trouverons bien
d’autres.
Jules Demollicns.
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— Adorable, hein P Mais pas un sou de dot !
— Dis donc, elle apporte une assez jolie corbeille !
C'étaient doux bonnes filles ; celle d'Isidore s’ap-
pelait Follette et celle de Népomucène Camélia.
_ Tiens! dit Follette en entrant chez Isidore, vous
avez mis un paillasson.
— Oui, répondit Isidore l’air abattu.
Et il la mit rapidement au courant de ce qui se
passait.
—'Ali! bah! dit-elle, ça vous embête tant queça!
— Tu ne comprends donc pas que ce monsieur
semble se considérer comme mon supérieur!..
— Attendez, c’est bien facile.
Elle sortit sur le palier et, d'un coup de pied, elle
lança très loin le paillasson de Népomucène.
Mais celui-ci avait entendu; il était justement en
train de raconter ses ennuis à Camélia
— Tu vois ! lui dit-il en ouvrant la porte.
— Bon! y a qu’à envoyer dingucr le sien à son
tour! répondit cette jeune personne.
Et, de la pointe de sa bottine, elle fit pirouetter le
paillasson d’Isidore jusqu’au bout du palier.
Follette s'avança vers Camélia.
— Dis donc, s’écria-t elle, tu sais, toi, cest pas
chic ce que tu fais là!
— Fiche-moi la paix, hein?
— Tu insultes le paillasson de mon oncle!
Isidore et Népomucène sortirent juste pour voir
ces deux jeunes personnes s’empoigner et se livrer
à un crépage de chignons soigné.
— On égorge ma nièce ! Tel fut le cri qui s’échappa
de la poitrine des deux ennemis.
— La mienne a le dessus ! dit Isidore avec satis-
faction en voyant faiblir Camélia.
— Non, mossieu, c’est la mienne ! tonna Népomu-
cène au moment où, victime d'un croc-en-jambe,
Follette allait rouler sur un des paillassons.
Au bruit de la lutte, la concierge était montée.
Follette était furieuse.
— Dire que voilà deux mufles qui n'ont pas eu le
courage de venir nous séparer 1
— Oui, renchérit Camélia, des pignoufs qui lais-
sent des femmes s’abîmer pour leurs sales paillas-
sons !
— D’abord, je lâche mon maniaque .. J’ai mieux
que ça en vue !
— Moi aussi !...
Et elles s’en allèrent bras dessus bras dessous.
— Le respect do la famille s’en va! crut devoir
dire Népomucène.
Ils rentrèrent chacun chez soi, pendant que la con-
cierge se tordait de rire, remettant les paillassons à
leur place.
Mais les deux ennemis ne se tenaient pas pour sa-
tisfaits.
Népomucène possédait un chien ; il lui apprit à
souiller abominablement le paillasson d’Isidore.
Et celui-ci, qui avait chez lui un angora, le dressa
à s’oublier compendieusement sur le paillasson de
Népomucène.
Ce fut un duel terrible.
Pendant une quinzaine, chaque soir, en sortant,
les deux ennemis marchèrent héroïquement sur
leur paillasson, en disant avec un air de forfante-
rie :
— Ça porte bonheur !
A la fin, poussés à bout, ils résolurent de convo-
quer un arbitre.
— Et si ça ne suffît pas, dirent-ils avec rage, nous
irons jusqu’en cassation !
L’arbitre leur dit, après s’être fait expliquer le
cas :
— Ce sont vos angles qui vous gênent; supprimez-
les, et vos deux paillassons se caseront très bien.
— Si je coupe le mien, dit Népomucène, monsieur
coupera aussi le sien?
— Certainement.
— Dès lors que notre dignité se trouve sauvegar-
dée, répliquèrent-ils tous deux, cela suffit.
L’opération fut faite séance tenante. Et alors, très
ému, Népomucène dit à son voisin ;
— Vous voyez, monsieur, il n’y a rien de tel que
de s'entendre.
— Oui, dit Isidore.
Et ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre, ré-
conciliés.
— Avec tout ça, soupira Isidore en se redressant,
nous avons perdu nos deux nièces !
— Bah! dit Népomucène, nous en trouverons bien
d’autres.
Jules Demollicns.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le charivari
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
ZST 207 D RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1893
Entstehungsdatum (normiert)
1888 - 1898
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le charivari, 62.1893, Janvier, S. 95
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg