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Le charivari — 62.1893

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LE CHARIVARI

autour de vous : ils vous diront combien, au prix
où est le beurre et du train dont vont les choses,

Il est difficile de se caser;

et si les places sont rares pour l’animal à deux
pieds et sans plumes que nous sommes, il en est
de même pour les écus. En dehors des trois ou
quatre combinaisons indiquées ut supra, il n’y a
que peu de choix. De guerre lasse, les capitaux
se sont jetés sur les placements à l’étranger. Ce
n’est pas ce qu’ils ont fait de plus ingénieux,
puisque ledit étranger nous a posé quelques la-
pins, si j’ose ainsi m’exprimer. Lapins de tout
poil et de toute provenance, et qui, en se multi-
pliant (on sait que ce rongeur est tort prolifique),
nous ont coûté cher à nourrir. Cette garenne in-
ternationale ne nous dit rien qui vaille, et nous
sommes très disposés à arrêter les frais. Nous
avons déjà commencé en ce qui concerne les pays
du sud de l’Amérique; je regrette infiniment
qu’on n’ait pas pris la même attitude à l’égard de
pays beaucoup plus voisins. Et cela me fait pen-
ser que, pas plus tard que la semaine dernière,
je vous engageais à vous méfier de l’Italien.

Je disais en propres termes : « Il est clair
comme le jour que, lorsque les tripoteurs auront
fini de faire leurs petits tripotages, le cours de
83 francs rentrera dans le néant. » Huit jours se
sont passés, et le cours de 83 francs n’est plus :
le cours de 81 francs a même été perdu. J’ajou-
tais, il m’en souvient : « Les personnes qui pos-
sèdent de l’Italien feront bien de s’en débarrasser
dès qu’elles constateront le moindre signe de
lassitude chez les syndicataires. » Il me semble,
j’ose le dire, que je n’avais pas tout à fait tort de
crier : Au feu !

Mais il me semble aussi que je n’ai plus besoin
de pousser le public à se défaire de toutes ces
mauvaises valeurs exotiques qui encombrent le
portefeuille. Le branle est donné maintenant.
Tout au plus me risquerai-je à insinuer que, si
vous devez réaliser, autant vaut le faire tout de
suite. J’ai comme une idée que tout n’est pas fini,
et que les valeurs exotiques en question nous
réservent encore quelques petites surprises au-
près desquelles celles dont nous avons joui jus-
qu’à présent ne seront que

De la gnognotte,

comme disent les enfants. Hâtez-vous, hâtez-
vous ! Mieux vaut avoir son argent improductif
dans son secrétaire que de le voir courir la pré-
tantaine. On ne touche pas d’intérêts, c'est vrai;
mais au moins on ne risque pas de perdre son
capital. Donc, si vous m’en croyez,vous réaliserez j
tout de suite. Si le cœur vous en dit,vous pourrez
toujours employer votre argent dans les cinq ou
six valeurs sûres qui figurent sur la cote ; et, en
tout cas, il ne s’écoulera pas un bien longtemps
avant que les espérances à nous données par la
bonne volonté de la Chambre se transforment en
fructueuses réalités. Ces réalités-là, nous ne les
aurons pas pour le moment des étrennes, bien
sûr; et il est inutile de mettre nos sabots dans la
cheminée avec l’espoir que le « Petit Noël » de
1893 fera quelque chose pour nous. Mais nous ne
sommes pas des enfants, et nous ne tenons pas à
ce qu’on nous fasse des cadeaux à jour fixe.
Pourvu qu’ils viennent, c’est tout ce qu’il faut.

Castorine.

CHANSON DE GESTES

L’esthétique est une belle chose, qui peut nous
consoler de beaucoup de désagréments.

Or, comme ce ne sont pas les ennuis, petits ou
grands, qui manquent dans la vie, il est toujours
bon d’avoir sous la main, sinon un remède ab-
solu, du moins un palliatif pour tous nos maux.

En ce temps-ci principalement, où les catas-
trophes en tous genres pleuvent de tous côtés, où
il n’arrive guère que des malheurs, où nous

assistons à tant de canailleries et de crimes, que,
s’il fallait geindre ou s'indigner tout le temps,
nos gilets seraient complètement trempés et nous
ne saurions bientôt plus où donner de l’invec-
tive.

Heureusement, vous dis-je, l’esthétique est
là, bonne fille, toujours prête à vous essuyer les
yeux et à mettre un coin rose dans le noir tra-
gique de l’existence.

Par exemple, tenez, à propos de crime... Ce
n’est pas, en général, une chose bien admirable
qu’un crime. Eh bien, grâce à l’esthétique, on
peut tout de même y trouver matière à admirer.
Un philosophe contemporain, qui n’était certes
pas des premiers venus, n’a-t-il pas écrit :

— C’est beau, un beau crime !

Un poète quelque peu décadent, dernièrement,
est allé encore plus loin. Ces jeunes gens, rien ne
les arrête, et ils prétendent dépasser tous les
maîtres, Donc, le soir même du jour où la dyna-
mite avait fait son entrée, heureusement plus
bruyante que meurtrière,au Palais-Bourbon, des
littérateurs, des artistes, des journalistes dînaient
dans un restaurant de Paris.

Un interviewer qui se trouvait là — où ne s’en
trouve-t-il pas? — eut l’idée de faire circuler
autour de la table un petit papier sur lequel il
priait lesbanqueteurs démarqué de vouloir bien
donner leur avis sur l’événement.

Le poète en question, pris d’un accès de ly-
risme intempestif, s’écria, ou à peu près :

— Qu’importe l’acte, pourvu que le geste soit
beaul

Cette phrase a fait, depuis, son petit bonhomme
de chemin, et a causé un certain tapage dans ce
grand Landerneau qu’on appelle Paris. Il s’en est
même suivi un échange de balles, par bonheur
sans résultat, entre deux galants hommes. Mais
l’affaire n’en restera pas là, au point de vue des
conséquences morales, et on peut affirmer que
la phrase malencontreuse du rimeur mal inspiré
n’a pas dit son dernier mot.

Du moment que la forme du geste peut non
seulement atténuer, mais supprimer la brutalité
du fait, — comme dans la célèbre scène des Four-
chambault d’Emile Augier, où un baiser efface
un soufflet, — iln’y àplus qu’à négliger le fait lui-
même pour s’attacher seulement au geste.

Un monsieur reçoit une gifle. Le vieux jeu
consisterait à se fâcher, à riposter, à jeter sa
carte au nez de ce mal-appris, à lui envoyer en-
suite deux témoins, plus, si possible, une leçon
de savoir-vivre sous forme de bon coup d’épée
entre deux côtes.

Mais appelez l’esthétique à la rescousse, tout
change aussitôt.

Le giflé ne pense pas un seul instant à la gifle;
il a tout le temps devant, les yeux le geste « dé-
sinvoltureux » à la fois gracieux et énergique du
gifleur.

Etre giflé n’est donc plus rien, à la condition
d’être giflé artistiquement. Et c’est là un détail
aussi essentiel au moins pour le gifleur que pour
le giflé. Je ne saurais, par conséquent, trop vous
conseiller, si vous avez l’intention de vous adon-
ner à ce genre d’exercice consistant à promener
vos cinq doigts sur le visage de vos contempo-
rains, de consacrer d’abord quelques séances de-
vant une armoire à glace à la consciencieuse ,
étude du geste. Vous arriverez ainsi bien vite à
vous faire des admirateurs enthousiastes de tous
les gens que vous aurez souffletés,

Un banquier véreux a-t-il abusé de votre igno-
rance des affaires pour vous soutirer quelques
billets de mille, sous prétexte de souscription à
je ne sais quelle émission de... fausse monnaie?
Pardonnez-lui l’indélicatesse du fait en faveur
de l’habileté du geste.

Etait-il assez entortilleur, cet animal-là, avec
ses prospectus promettant de magnifiques divi-
dendes? Il faisait miroiter les résultats de l’opé-
ration avec une telle prestesse, que l’on n’y
voyait plus que du bleu (couleur des billets de
banque) ou du feu (celui qui vous a consumé votre
braise, hélas!). Finalement, le bon filou vous a
retourné et vidé vos poches, c’est évident; vous
avez été refait, mais le tour a été si bien fait! Le
financier fripon est donc un artiste qui a droit à
tous vos hommages. Saluez, mais cachez votre
montre une autre fois.

Ecoutez, maintenant, ce vieux jobard qui se
laisse duper par une jeune femme, sa maîtresse.
Avec un baiser, une caresse, elle en tire toujours
plume ou aile; mais elle le vole avec tant de j

grâce, qu’il est enchanté de se laisser voler. Il n’a
pas plus tôt le dos tourné, qu’elle se galvaude
avecPierre ou Paul, et il le sait; mais, quand il la
regarde, quand elle le regarde, il oublie tout le
reste. Et volontiers, si vous lui faites un peu de
morale, il vous dira :

— Oui, je ne l’ignore pas, en me disant qu’elle
m’aime, elle me met dedans; mais elle me met
dedans si gentiment!

Enfin, et ce sera le bouquet, nous en vien-
drons, vous verrez, au mari rentrant à l’impro-
viste, surprenant sa femme sur les genoux du
plus intime de ses amis, et s’écriant aussitôt avec
enthousiasme :

— Dans mes bras, mes enfants, dans mes bras.
Je vous pardonne! Votre conversation était des
plus criminelles, mais votre geste était si beau!

Henri Second.

APERITIF MUGNIER

au Vin de Bourgogne. FRÉDÉRIC MUGNIER, à Dijon'

MÉDAILLE D’OR. EXPOSITION UNIVERSELLE PARIS I8BB

PLUME HÜÏÏBOÎUT";

PATES de FOIES GRAS extra-fins

MIOSiSEIR ■zr’ RÈRES

IVAIVCY

CHRONIQUE DU JOUR

Profondément mélancoliques, les ventes après
décès, surtout quand le décès est survenu dans
d’aussi lamentables conditions que celui du pauvre
Guy de Maupassant.

Ce déballage d’intimités est quelque chose qui
navre. On souffre à voir la badauderie fureter dans
ces reiiques et. la spéculation s’arracher ces lam-
beaux d’une existence éteinte.

Pour Guy de Maupassant, le résultat matériel n’a
pas été très brillant non plus, malgré quelques en-
chères qui remontaient le moral du commissaire-
priseur.

Un détail des ventes de ce genre ajoute générale-
ment à la tristesse en ce qui concerne les amitiés
du défunt.

S’il s'agit d'un homme de lettres en vue, souvent
il laisse après lui des souvenirs artistiques : es-
quisses, tableaux ou dessins qui lui furent offerts.

Et voilà que l’issue de la vente devient pénible
pour les affectueux donateurs, lorsque les prix
baissent et font tomber ainsi sur la cote un nom
connu.

C’est précisément ce qui est arrivé à la vente
Maupassant pour quelques-uns. Nous ne nomme-
rons personne, mais il y a eu des désillusions.

Poor Yorick!

A propos d’artistes, la santé de Cavelier donne de
grandes inquiétudes, et là encore est apparu le
néant des gloires humaines.

Huit personnes sur dix, en apprenant la nouvelle,
se sont écrié :

— Commentl Cavelier n’était pas mort?

Que nous voilà loin du temps où sa Pénélope fut
le grand événement de l’art I

Le fait est que Cavelier s’était laissé terriblement
oublier. Une poussée de renommées nouvelles s’est
produite surtout en sculpture, et les anciens...
Dame ! les anciens sont relégués au troisième plan.

Sic transit gloria mundi !

Dans la plaidoirie qu’a prononcée le défenseur du
cocher Moore, un détail m’a paru bizarre.

L’avocat a dit à peu près au jury :

— Vous ne pouvez pas condamner un homme que
Victor Hugo a invité à dîner et pour qui il s’est
montré bienveillant.

Voilà un raisonnement qui pourrait mener loin.

L’amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux.

Je connais le vers. Je professe, en outre, pour le
souvenir du grand Hugo un culte fervent. Mais il
peut arriver qu’un homme illustre montre de la
sympathie pour un individu qui plus tard commette
un délit ou un crime, et je ne vois pas du tout en
quoi cette sympathie passée peut atténuer le crime
ou le délit. Au contraire.
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