PARISIENNERIES
256
— Comment! Lili, tu enfermes ton bébé dans le placard?
— Petit père... Bébé, c’est M. Charles... et je joue à Maman quand tu rentres
sans être attendu...
L’ANNÉE PARISIENNE
Sous ce titre, notre ami et collaborateur Henriot
fait paraître, chez Longuet, un charmant petit vo-
lume illustré de fins dessins par l'auteur; car Hen-
riot a, comme vous le savez, un joli brin de plume
emmanché dans son crayon.
Tous les événements de l’année sont passés en
revue, mois par mois, dans un malicieux déballage
mi-prose et mi-vers.
Voici, par exemple, le rondeau des Coltineurs :
Des coltineurs tu vois ici l’histoire,
Depuis l’aïeul, qui fut le père Atlas,
Et sur son dos portait comme une poire
Le monde entier et n’était jamais las !
Énée arrive en tordant sa chemise
Et dans ses bras, avec affection,
Porte, tremblant, le vieux bonhomme Anchise,
Qu’il a sauvé des flammes d’Illion.
Vitellius, las de la grande fête,
Tout bedonnant, — sunt lacrymœ rerum, —
Porte son ventre avec une brouette,
Et le transporte au vomiturium
Voici venir le sage Diogène
Criant aux fous : « Tonneau 1 tonneau 1 tonneau ! »
Un riche hôtel, ce n’est pas ce qui l’gêne,
Mais il n’a pas à payer d’proprio!
Voici Bias, le philosophe antique,
Portant toujours son bagage avec lui.
Pour voyager, la méthode est pratique,
Avec sa malle on n’a jamais d’ennui.
De Marathon, le héros qui s’affaisse,
Fut un célèbre et noble coltineur :
De long en large il traversa la Grèce
Pour annoncer que l’on était vainqueur!
Voici, chargé des opprobres du chèque,
Un député marchant faible et « mouché »,
Sur son domaine il n’a plus d’hypothèque,
Car chacun sait l’argent qu’il a touché.
Enfin, voici des coltineurs la reine,
Eve superbe en sa maternité...
Pendant neuf mois elle porte sans peine
Le poids qui fait vivre l’humanité!
Lestement tourné, comme vous voyez.
Les nouveaux députés sont aussi salués d’une salve
de rimes.
Le Salon est chanté poétiquement sur ce rythme :
C’est le tambour de la Revue
Immortalisé par Raffet,
Dont la forme m’est apparue...
Ah! ce tambour, eomme il tapait !
Et voilà que, parmi les salles,
Des cadres et des piédestaux,
Descendent, courant sur les dalles,
Les marbres blancs et les tableaux I
Voici le Saint-Jean Chrysostôme,
Invitant pour le menuet,
Avec une voix de rogomme,
La grosse fille de Roybet.
Et ces peintures, peu bégueules,
S’éreintent toutes en passant.
J’entends crier : « Voyez ces gueules ! »
« Ces peintres n’ont aucun talent! »
J’entends aussi que l’on débine
L’autre Salon du Champ-de-Mars...
— Là-bas, ce n’est qu’une cuisine...
La Morgue des peintres épars!...
De belles œuvres, l’on ricane,
O Dagnanl... O Delort!... Et l’on
Appelle Puvis de Chavanne ;
« Décorateur de mirliton ».
Enfin, vient s’asseoir près d’un arbre,
Superbe dans sa nudité,
Une exquise muse de marbre,
La Poésie — ou la Beauté.
C’est la sœur d’Ève, notre mère,
Et de la Diane au croissant,
Chantant la gloire de Falguière
Sur sa lyre aux cordes d’argent.
Puis, la coupole se colore :
C’est le soleil qui fait pi-ouit!...
Tout se rendort... Voici l’aurore.
Les tableaux sont pour les trois-huit.
Grâce au froid de l’architecture,
Je me réveille en plein frisson...
J'ai pris la bonne courbature
A passer ma nuit au Salon!
La place me manque pour emprunter à l’Année
parisienne quelques échantillons d’esprit sans rime.
Mais je vous renvoie au volume lui-même. Vous
passerez avec Henriot une heure charmante.
P. V.
O doux spectacle de famille...
Après dîner, clignant de l’œil,
Monsieur Sarcey, près de sa fille,
i S’épanouit dans un fauteuil.
256
— Comment! Lili, tu enfermes ton bébé dans le placard?
— Petit père... Bébé, c’est M. Charles... et je joue à Maman quand tu rentres
sans être attendu...
L’ANNÉE PARISIENNE
Sous ce titre, notre ami et collaborateur Henriot
fait paraître, chez Longuet, un charmant petit vo-
lume illustré de fins dessins par l'auteur; car Hen-
riot a, comme vous le savez, un joli brin de plume
emmanché dans son crayon.
Tous les événements de l’année sont passés en
revue, mois par mois, dans un malicieux déballage
mi-prose et mi-vers.
Voici, par exemple, le rondeau des Coltineurs :
Des coltineurs tu vois ici l’histoire,
Depuis l’aïeul, qui fut le père Atlas,
Et sur son dos portait comme une poire
Le monde entier et n’était jamais las !
Énée arrive en tordant sa chemise
Et dans ses bras, avec affection,
Porte, tremblant, le vieux bonhomme Anchise,
Qu’il a sauvé des flammes d’Illion.
Vitellius, las de la grande fête,
Tout bedonnant, — sunt lacrymœ rerum, —
Porte son ventre avec une brouette,
Et le transporte au vomiturium
Voici venir le sage Diogène
Criant aux fous : « Tonneau 1 tonneau 1 tonneau ! »
Un riche hôtel, ce n’est pas ce qui l’gêne,
Mais il n’a pas à payer d’proprio!
Voici Bias, le philosophe antique,
Portant toujours son bagage avec lui.
Pour voyager, la méthode est pratique,
Avec sa malle on n’a jamais d’ennui.
De Marathon, le héros qui s’affaisse,
Fut un célèbre et noble coltineur :
De long en large il traversa la Grèce
Pour annoncer que l’on était vainqueur!
Voici, chargé des opprobres du chèque,
Un député marchant faible et « mouché »,
Sur son domaine il n’a plus d’hypothèque,
Car chacun sait l’argent qu’il a touché.
Enfin, voici des coltineurs la reine,
Eve superbe en sa maternité...
Pendant neuf mois elle porte sans peine
Le poids qui fait vivre l’humanité!
Lestement tourné, comme vous voyez.
Les nouveaux députés sont aussi salués d’une salve
de rimes.
Le Salon est chanté poétiquement sur ce rythme :
C’est le tambour de la Revue
Immortalisé par Raffet,
Dont la forme m’est apparue...
Ah! ce tambour, eomme il tapait !
Et voilà que, parmi les salles,
Des cadres et des piédestaux,
Descendent, courant sur les dalles,
Les marbres blancs et les tableaux I
Voici le Saint-Jean Chrysostôme,
Invitant pour le menuet,
Avec une voix de rogomme,
La grosse fille de Roybet.
Et ces peintures, peu bégueules,
S’éreintent toutes en passant.
J’entends crier : « Voyez ces gueules ! »
« Ces peintres n’ont aucun talent! »
J’entends aussi que l’on débine
L’autre Salon du Champ-de-Mars...
— Là-bas, ce n’est qu’une cuisine...
La Morgue des peintres épars!...
De belles œuvres, l’on ricane,
O Dagnanl... O Delort!... Et l’on
Appelle Puvis de Chavanne ;
« Décorateur de mirliton ».
Enfin, vient s’asseoir près d’un arbre,
Superbe dans sa nudité,
Une exquise muse de marbre,
La Poésie — ou la Beauté.
C’est la sœur d’Ève, notre mère,
Et de la Diane au croissant,
Chantant la gloire de Falguière
Sur sa lyre aux cordes d’argent.
Puis, la coupole se colore :
C’est le soleil qui fait pi-ouit!...
Tout se rendort... Voici l’aurore.
Les tableaux sont pour les trois-huit.
Grâce au froid de l’architecture,
Je me réveille en plein frisson...
J'ai pris la bonne courbature
A passer ma nuit au Salon!
La place me manque pour emprunter à l’Année
parisienne quelques échantillons d’esprit sans rime.
Mais je vous renvoie au volume lui-même. Vous
passerez avec Henriot une heure charmante.
P. V.
O doux spectacle de famille...
Après dîner, clignant de l’œil,
Monsieur Sarcey, près de sa fille,
i S’épanouit dans un fauteuil.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Parisienneries
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
Le charivari
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
ZST 207 D RES
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1893
Entstehungsdatum (normiert)
1888 - 1898
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
Le charivari, 62.1893, Décembre, S. 1411
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg