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CHAPITRE PREMIER
de l’autre. Il lui recommanda donc de dessiner d’après leurs chefs-d’œuvre et surtout
d’après les statues et les monuments antiques.
David cependant était indécis. Il trouvait bien des qualités à Cortone dont la fougue
et la hardiesse l’attiraient. Mais enfin ses visites dans les Musées lui firent sentir la
justesse des conseils de son maître, et les bas-reliefs de la Colonne Trajane ache-
vèrent de le persuader. Il en fit monter plusieurs dans la chambre qu’il avait choisie
loin de ses camarades que l’état inquiet de son esprit lui faisait éviter. Là, seul avec
les restes d’un art empreint d’une certaine grandeur, bien que d’une époque de
décadence, il réfléchit, compara, et après six mois de travail il commença à pouvoir
diriger ses études, à traduire le caractère des antiques qu’il avait sous les yeux, à
oublier enfin ces formes françaises qui malgré lui revenaient sans cesse sous sa
main.
Une fois entré dans cette voie, il met à contribution toutes les collections existant à
Rome à cette époque. Il dessine l’Achille de la villa Borghèse, le Faune, l’Amour et Psyché
du Capitole. Dans ses croquis, nous retrouvons les plus beaux morceaux des palais, Gius-
tiniani, Mattéi, Spada, Rospigliosi et Farnèse, des villas, des Empereurs, Médicis, Albani
et Pamfili. Se trouve-t-il à une partie de plaisir, à un dîner comme celui donné à son
camarade Desprès à la villa Madame, il fait le croquis d’un cippe funéraire.
Dans ses courses à travers la ville il saisit sur son album ces fabriques, ces horizons si
pittoresques de forme et d’effet que Rome présente à chaque pas. Il place une scène de la vie
de César sur les rampes du Capitole et en reproduit quatre fois les beaux lions. En passant
à Albano il dessine des bufsses, des chevaux, etc. Tous ces dessins sont exécutés d’une
manière uniforme. Il traçait d’abord légèrement au crayon l’ensemble du modèle, puis il
en massait les ombres à l’encre de Chine et terminait en indiquant à la plume les contours
et les accents.
Les maîtres cependant n’étaient pas négligés. Il travailla d’après le Dominiquin, le
Guide, Michel-Ange et Raphaël pour lequel il avait conçu une admiration qu’il exprimait
ainsi dans le courant de sa carrière :
« Raphaël, homme divin, c’est toi qui par degré m'élevas jusqu'à l’antique. C’est toi,
peintre sublime, c’est toi parmi les modernes qui es aussi le plus près de ces inimitables
modèles. C'est toi-même qui m’as fait apercevoir que l’antique est encore au-dessus de
toi ! C’est toi, peintre sensible et bienfaisant, qui plaças ma chaise devant les restes
sublimes de l’antiquité. Ce sont tes doctes et gracieuses peintures qui m’en ont fait
découvrir les beautés. Aussi, après trois cents ans d’intervalle, daigne me reconnaître
pour un de tes élèves les plus dévoués. Mon enthousiasme pour tes ouvrages et ma recon-
naissance pour les lumières que tu m’as procurées m’autorisent à te reconnaître pour
mon maître. Tu m’en donnas un autre de ta main. C’est toi qui me plaças à l’école de
l'antique : que de grâces ne te dois-je pas ! Quel grand maître tu m’as donné, aussi je ne
le quitterai de ma vie. »
Aux indications puisées aux meilleures sources, il joignit des calques d’après les
vases étrusques d’Hamilton, les monnaies et les pierres gravées antiques. Il rassembla en
CHAPITRE PREMIER
de l’autre. Il lui recommanda donc de dessiner d’après leurs chefs-d’œuvre et surtout
d’après les statues et les monuments antiques.
David cependant était indécis. Il trouvait bien des qualités à Cortone dont la fougue
et la hardiesse l’attiraient. Mais enfin ses visites dans les Musées lui firent sentir la
justesse des conseils de son maître, et les bas-reliefs de la Colonne Trajane ache-
vèrent de le persuader. Il en fit monter plusieurs dans la chambre qu’il avait choisie
loin de ses camarades que l’état inquiet de son esprit lui faisait éviter. Là, seul avec
les restes d’un art empreint d’une certaine grandeur, bien que d’une époque de
décadence, il réfléchit, compara, et après six mois de travail il commença à pouvoir
diriger ses études, à traduire le caractère des antiques qu’il avait sous les yeux, à
oublier enfin ces formes françaises qui malgré lui revenaient sans cesse sous sa
main.
Une fois entré dans cette voie, il met à contribution toutes les collections existant à
Rome à cette époque. Il dessine l’Achille de la villa Borghèse, le Faune, l’Amour et Psyché
du Capitole. Dans ses croquis, nous retrouvons les plus beaux morceaux des palais, Gius-
tiniani, Mattéi, Spada, Rospigliosi et Farnèse, des villas, des Empereurs, Médicis, Albani
et Pamfili. Se trouve-t-il à une partie de plaisir, à un dîner comme celui donné à son
camarade Desprès à la villa Madame, il fait le croquis d’un cippe funéraire.
Dans ses courses à travers la ville il saisit sur son album ces fabriques, ces horizons si
pittoresques de forme et d’effet que Rome présente à chaque pas. Il place une scène de la vie
de César sur les rampes du Capitole et en reproduit quatre fois les beaux lions. En passant
à Albano il dessine des bufsses, des chevaux, etc. Tous ces dessins sont exécutés d’une
manière uniforme. Il traçait d’abord légèrement au crayon l’ensemble du modèle, puis il
en massait les ombres à l’encre de Chine et terminait en indiquant à la plume les contours
et les accents.
Les maîtres cependant n’étaient pas négligés. Il travailla d’après le Dominiquin, le
Guide, Michel-Ange et Raphaël pour lequel il avait conçu une admiration qu’il exprimait
ainsi dans le courant de sa carrière :
« Raphaël, homme divin, c’est toi qui par degré m'élevas jusqu'à l’antique. C’est toi,
peintre sublime, c’est toi parmi les modernes qui es aussi le plus près de ces inimitables
modèles. C'est toi-même qui m’as fait apercevoir que l’antique est encore au-dessus de
toi ! C’est toi, peintre sensible et bienfaisant, qui plaças ma chaise devant les restes
sublimes de l’antiquité. Ce sont tes doctes et gracieuses peintures qui m’en ont fait
découvrir les beautés. Aussi, après trois cents ans d’intervalle, daigne me reconnaître
pour un de tes élèves les plus dévoués. Mon enthousiasme pour tes ouvrages et ma recon-
naissance pour les lumières que tu m’as procurées m’autorisent à te reconnaître pour
mon maître. Tu m’en donnas un autre de ta main. C’est toi qui me plaças à l’école de
l'antique : que de grâces ne te dois-je pas ! Quel grand maître tu m’as donné, aussi je ne
le quitterai de ma vie. »
Aux indications puisées aux meilleures sources, il joignit des calques d’après les
vases étrusques d’Hamilton, les monnaies et les pierres gravées antiques. Il rassembla en