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CHAPITRE VII

coupée par une cloison mobile, elle s’étend sur toute l’épaisseur du pavillon central, et,
grâce à une autre salle qui la termine perpendiculairement, elle s’éclairait au nord sur la
place de l’Oratoire, et au midi sur la cour du Louvre. Ces salons, autrefois de l’Académie
royale d’Architecture, servaient il y a quelques années aux réceptions du comte de Niewer-
kerke, Surintendant des beaux-arts pendant le règne de Napoléon III.
Ce local, si bien choisi dans ce palais consacré aux arts, avait été gracieusement mis
par le gouvernement à la disposition de David, et pourvu de tous les accessoires néces-
saires. Le tableau, disposé sous un jour favorable, était vu de près et de loin par le public
qui pouvait juger aussi bien de l’ensemble que des détails; une grande psyché, en le
réfléchissant, augmentait encore la reculée. Damame, élève de David, était chargé de la
surveillance et s’en acquittait avec soin.
On remettait à chaque visiteur la notice que nous avons donnée précédemment et qui
expliquait le sujet du tableau. Elle était d’autant plus utile que bien des personnes s’atten-
daient à voir le rapt des Satines plutôt que leur intervention au milieu de la bataille livrée
entre leurs pères et leurs époux. Elle indiquait aussi le but que s’était proposé David en
organisant une exposition particulière de son ouvrage, au lieu de l’envoyer au Salon.
Enfin, elle donnait les motifs qui avaient décidé le peintre à représenter ses héros entiè-
rement nus.
Cette innovation, bien qu’appuyée sur des documents autorisés, fut l’objet de nom-
breuses critiques : les unes sérieuses, d’autres badines; quelques-unes enfin s’adressant,
comme celle-ci, directement à l’auteur :
En habillant, in natural/ibus,
Et Tatius et Romulus,
Et de jeunes beautés, sans fichus ni sans cottes,
David ne nous apprend que ce que l’on savait ;
Depuis longtemps Paris le proclamait
Le Raphaël des sans-culottes.
Mais l’antique étant alors à la mode, la foule ne s’arrêta pas aux* cris de la pudeur
alarmée et continua à se presser au Louvre. 11 devint même de bon ton d’aller à l’expo-
sition des Satines. Les élégantes se piquaient d’en observer et d’en signaler à haute voix
toutes les beautés et tous les défauts, désignant chaque muscle par son nom et insistant
avec une liberté toute masculine sur l’ampleur ou la maigreur des formes. On nous les
décrit promenant sur tous les détails du tableau un lorgnon attentif. Quant aux dames qui
n’étaient pas arrivées à ce degré de haute désinvolture, un éventail, dans les branches
duquel on avait ajusté un verre, leur permettait de contrôler l’à-propos des réflexions faites
autour d’elles et de cacher leur confusion tout en satisfaisant leur curiosité.
Ce succès donna aux vaudevillistes Dieu-la-Foi, Piis et Longchamps l’idée d’une pièce
intitulée le Tatleau des Satines, pour le théâtre de l’Opéra-Comique. L’action se passait
dans l’antichambre du Salon d’exposition. Une mère brûlant de voir cet ouvrage si vanté,
mais n’osant offenser les chastes regards de sa fille Laure, la laisse aux soins d’un prétendu
 
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