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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 9.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6770#0018
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L'ÉGLIPSE

NOUVELLE PRIME GRATUITE DE L'ECLIPSE

DONNÉE A TOUS LES NOUVEAUX ABONNÉS .D'UN AN OU AUX ABONNÉS ACTUELS QUI RENOUVELLERONT LEUR ABONNEMENT D'UN AN PAR ANTICIPATION

L'ÉCLIPSÉ a acquis le droit d'offrir en prime à ses abonnés le nouveau volume de Touchatout :

LES 50 LETTRES RÉPUBLICAINES DE GERVAIS MARTIAL

Formant an beau et fort volume grand in-8°

Toute personne qui prendra un abonnement d'un an ou qui renouvellera, par anticipation, son abonnement, également pour un an, aura le droit de
retirer gratuitement dans les bureaux de l'Éclipsé un exemplaire des 50 LETTRES RÉPUBLICAINES DE GERVAIS MARTIAL. — Les abonnés des départe-
ments qui désireront recevoir le volume à domicile devront envoyer 8 fr. 80 c, représentant ie prix de l'abonnement et les frais de port de la prime.

OE PENTE FATALE

Depuis que l'agence Havas a fait cette merveilleuse dé-
couverte que la majorité était acquise aux conservateurs
dans dix-huit départements sur douze, on aurait peine à
imaginer toutes les sollicitations auxquelles cette intéres-
sante administration est en proie.

Il n'y a plus un courrier qui n'apporte à son directeur une
demi-douzaine de lettres ainsi conçues :

« Merci, Monsieur, pour la cure merveilleuse <p»e vous
venez d'accomplir.

« Mon ami Faut-clianger-tout-ça, qui est un de nos con-
servateurs les plus convaincus, n'était pas à prendre avec
des pincettes depuis la nomination des inamovibles. Eh
bien, il est maintenant d'une humeur charmante.

« Il a suffi, pour le rendre méconnaissable à ce point, de
quelques lignes de vous : celles qui annonçaient que le
département des Trois-Sèvres, sur les deux cent soixante dé-
légués qu'il avait à nommer, a élu quatre cent deux conser-
vateurs.

« Soyez assez hon, Monsieur, pour lui continuer iffes
douces joies qui rendent sa société possible à ses nomhPeux

amis.
« Je suis, etc.

« X... »

Ou bien c'est une dame qui force la consigne pour venir
apporter elle-même aux pieds du représentant de l'agence
son'tribut de reconnaissance.

— Mil Monsieur, vous ne soupçonnez pas ce que je vous
dois ! A l'annonce du succès probable des n pulSicaïns,
mon mari, qui est très-nerveux, était priside crispations. Il
ne pouvait plus ouvrir un journal sans gitaeer des dents, et,

• la nuit, je me réveillais en sursaut sous le» coups d'oreiller
qu'il m'administrait parce qu'il me prenait pour le péril
social. Maintenant que vous lui avez assuré le triomphe de
M. Buffet dans les Vosges, «on sommeil est bon, il ne mord
plus. Il m'a payé, tantôt, une robe que je souhaitais depuis
longtemps. Pourvu que vous lui annonciez que M. Buffet
est élu dans les quatre-vingt-cinq départements, je ne doute
pas qu'eu égard à cette manifestation imposante, il ne
m'offre aussitôt une parure en brillants dont il avfrit -remis
l'achat à plus tard.

— Je n'ose croire, Madame... Ce n'est certes pas que je
le souhaite... Oh ! non... J'ai lieu toutefois do douter que les
quatre-vingt-cinq départements,tous ensemble...

— Soyez gentil, Monsieur, faites-le pour moi. Bah! une
petite...

Ici la dame a une légère hésitation, mais elle poursuit
bravement :

— Une petite blaguera plus ou de moins.

Le directeur s'est à Jeine débarrassé de sa solliciteuse
que deux nouveaux visiteurs sont introduits.

Pun se distingue par l'hébétement complet de sa physio-
nomie; i'autre est vêtu de uoir, cravaté de blanc. Il s'avance
le^premier.

— J'ai tean, Monsieur le directeur, à VOius présenter moi-
même un «as de giiépteoa remarquable, ïtoat4eut l'honneur
vous revient certainestetut. Monsieur — (Au sujet.) Avancez
donc — atteint depuis sa plus tendre enfjaace d'*Uâe réaction-
nite aiguë, en était arrivé, par suite des folle* terreurs que
sa maladie lui inspirait, à un ramollissement complet.
N'est-ce pas vrai, mon ami?

Le sujbt. — Be, be, be.

Lu médecin. — Vous voyez, il dit oui. Il a mainte-
nant conscience de son état. Ce qui l'en a tiré, Monsieur,
c'est la folle joie dans laquelle vos nouvelles électorales
l'ont plongé. N'est-ce pas que vous êtes content, mon
ami?

Le sujet. — Be, be, be.

Le médecin. — Vous voyez, il dit qu'il est montent. Il
rit. Depuis le 24 mai, il n'avait pas ri une seule fois. (Prenant
le directeur- à part.) Il faut que vous m'aidiez à compléter cette
cure. (Haut.) N'est-ce pas, Monsieur, que si Victor Hugo est
porté à Paris, c'est comme conservateur?...

Le directeur. — Hein?... Je...

Le médecin, lui faisant des signes. — N'est-ce pas que ce
sera demain dans les nouvelles que vous envoyez aux grands
journaux ?

Le directeur. — Pardon... mais...

Le médecin, vivement à son sujet. — Que vous disais-je?
Monsieur est là pour l'affirmer.

Le sujet.—Be, be, be.

Le médecin, au directeur. — Vous voyez, il témoigne sa
joie.

Le sujet. — Pc, be, be.

Le médecin. — Oui, mon ami. (Au directeur.) il félicite
l'agence de ses informations. (Bus.) Ah! .Monsieur, vous
n'aurez pas le cœur de laisser ce brave homme à moitié

guéri. Le jour où le nom de Victor Hugo sortira de l'urne,
vous le rangerez sous la mention : ministériel. Vous me le
promettez, Monsieur ?

Le directeur, après reflexion. — Nous verrons; je ne
dis pas non.

Le médecin. — Et si M. Iluffet, par malheur... Il faut
tout prévoir, n'est-ce pas? même l'impossible... Si M. Buf-
fet venait à rester sur le carreau électoral, en face de son
nom vous écririez : républicain.

Le directeur, rêveur. — Tiens, tiens, il y a peut-être
une idée là dedans.

Le médecin. — Oh! vous le ferez, n'est-ce pas?(Af«n-
trant son sujet.) Ça lui fera tant de bien !

Nous ignorons si l'agence Bavas a promis, mais pourquoi
aurait-elle hésité? Sur la pente où elle est en train de glis-
ser, il n'y a pas de raison pour qu'elle s'arrête.

Du moment que tous les médecins, qui ont des réaction-
naires dans leur clientèle, sont unanimes à constater que
les nouvelles bienfaisantes de l'agence leur rendent
à tous la gaieté, le bien-être, le doux fonctionnement des
organes, il serait cruel aux rédacteurs d'Havas de rien chan-
ger à leur manière de roa&seigner le public.

Pour notre part, nous avons des tentations de nous de-
mander si nous ne serions pas réactionnaires sans le sa-
voir, à sentir la joie dont lemrs renseignements nous inon-
dent.

Qu'il» continuent donc de regarder les événements répu-
blicains .'à travers des lunettes réactionnaires. Nous
n'avons pas l'ingratitude du rire.

Loin de dhorcher à nuiro à la transformation d'une
agence littéraire en agence médicale, nous serons les pre-
miers à envoyer en traitement dans ses bureaux les con-
^se^vatcurs malheureux.

Et si quelqu'un se plaint, ce ne sera pas noirs, le jour où
les deux Chambres fraîchement élues, ayant aoclamë en-
semble la Bépublique, l'agence Havas enverra gravement
aux journaux cette nouvelle rassurante :

« La monarchie est prod mit ! »

PAUL PARFAIT

Sous le titre : La Revanche du mari, M. Georges Vautler
vient de publier chez l'éditeur Ghio un charmant volume
de fantaisies d'un goût très-original, très-parisien.

Nous en détachons, avec l'autorisation de l'auteur,

LE MARI Dli MEDECIN

Je me mariai en 1880. Je ne pourrais plus vous dire exac-
tement le mois ni le jour.

Ma femme venait de passer avec la plus grande distinction
son dernier examen.

Nous vivions alors, — depuis quelques années déjà, —
sous le régime de l'usage nouveau, qui permettait aux
femmes d'exercer l'état de médecin.

Ma femme avait fait des études excessivement fortes. A
dix-sept ans, elle passait toutes ses journées à l'amphithéâ-
tre, au lieu de se promener, de danser, déjouer du piano,
ou de faire de la broderie.

Je l'avais connue dans des circonstances très-singulières.
Un jour de verglas, je m'étais assis sur le trottoir d'une fa-
çon très pénible : Je m'étais écorché à vif.

On alla la chercher pour me donner les premiers soins.
Elle sYl»fit *vec tant de délicatesse que je ne crus pas pou-
voir Jteire iutfsment, dès que je fus guéri, que de lui offrir
ma «nala, Vcus ««©prenez: ma position vis-à-vis d'elle était
assez Mieate.

Elle accepta avec empressement, — à la conaition pour-
tant que le mariage n'aurait lieu qu'après son dernier exa-
fiaen. C'était une tille studieuse; elle ne voulait pas être dis-
traite de ses chères éludai»

Pendant les premiers DWis de mon mariage, je fus très-
amoureux, — ce que l'on peut appeler réellement très-amou-
reux. Je crois que, de son côté, ma femme éprouvait pour
moi une certaine affection. Mais, comme elle avait étudié et
qu'elle étudiait encore tous les jours, elle savait mieux que
moi les dangers de la passion.

Elle me disait continuellement .-

— Mon ami, je ne veux pas que vous soyez amoureux,..
Cela donne des maux de tête et des maux d'estomac.

Je persistai. Elle me dit alors que si je ne devenais pas
plus raisonnable, j'aurais certainement avant peu une ma-
ladie de la moelle épinière ou un ramollissement du cerveau.

On a beau être amoureux de sa femme, — on est effrayé
quand ou entend son médecin tenir de tels discours. — Je
me calmai beaucoup.

Nous n'étions pas mariés depuis trois mois qu'il éclata
une épidémie, qui acheva à* nie calmer.

Je voyais très-peu ma femme dans la journée. Elle pas-
sait toutes ses matinées a l'hôpital; l'après-midi et le stir,
elle faisait ses visites. Elle avait fort à faire. Les médecins
des deux sexes étaient sur les deus.

Elle rentrait vers neuf ou dix heures habituellement. Je
dois déclarer que, n'étant pas encore tout à fait calmé à
cette époque, j'attendais ce moment avec impatience. Nous
soupions, et puis nous montions tranquillement à notre
chambre... Mais nous n'étions pas plutôtau lit qu'on venait
sonner à notre porte.

— Vite, madame le médecin, il faut venir pour sauver un
voisin qui vient d'être atteint de l'épidémie...

Les premières fois, je me mis à la fenêtre, et je déclarai
aux importuns qui venaient me troubler, que ma femme
avait autre chose à faire que d'aller, la nuit, soigner les ma-
lades.

Mais le lendemain, les malades firent insérer dans les
journaux des lettres où ils accusaient ma femme d'avoir
manqué à ses devoirs professionnels en refusant des secours-
à des gens atteints de l'épidémie.

Il fallut bien se résigner; et dorénavant quand on vint
encore sonner la nuit, elle se leva et je restai seul.

L'épidémie sévit pendant de longs mois; et ma femme dé-
coucha très-régulièrement.

Elle réussissait beaucoup; elle réussissait même trop. Elle
ne tarda pas à avoir une clientèle considérable.

Je ne vous ai pas dit encore, je crois, que ma femme était
excessivement jolie. De grands yeux bruns, bien ouverts,
bien éveillés. Des cheveux noirs légèrement ondulés. Un
teint de Ils et de rose. La bouche petite et vermeille. Une
taille de guêpe. Une main et un pied d'enfant. Et avec cela,
dans la tournure, je ne sais quoi deprovoquant... Les dames
ne l'aimaient pas; mais tous les messieurs voulaient être
soignés par elle.

Je ne m'inquiétai pas d'abord. Mais pourtant un jour,—
aux approches du jour de l'an, je dressais moi-même les
comptes des clients, parce qu'eBe n'avait pas le temps, — je
lis la remarque qu'elle ne soignait que des hommes.

Je la connaissais ; je savais^fue pour un médecin, les ma-
lades ne sont ni hommes niïeBBŒes,qu'ils sont uniquement
des malades. Mais je n'étais pas tout à fait content. Je suis
certain que vous comprenez ; car enfin, on a beau être sûr
de l'affection de celle que l'on aime, on craint toujours quel-
ques surprises...

Certes, je ne la croyais pas capable (te commencer. Mais
11 y a des malades si indélicats ! Biais je bien certain
qu'elle ne se laisserait pas, un jour eu l'autre, entraîner
par l'amour de la science ?

Je crus devoir lui faire quelques remontrances ; elle me
répondit que ees idées chagrines et inquiètes dénotaient
chez moi un état maladif et exigeaient des soins. J'insistai,
Elle insista, te son côté me fit montrer la langue, me tâta
le pouls, et 4éeflara que j'avais la jaunisse.

La Jaunisse ! Était-ce une Insultante plaisanterie ?

J'eus beau m'insurger, je dus subir un traitement. Ma
femme me soignait très-attentivement. Mais elle n'était ja-
mais à la maison : sa clientèle l'occupait au dehors de la
maison du matin au soir, et, seul dans mon fauteuil, je fai-
sais de bien tristes rétlexious.

Quand je parlais à ma femme de mes tristesses, elle me
disait :

— C'est votre jaunisse... Je vais vous faire une prescrip-
tion.

Elle avait peut-être raison, et j'avais peut-être tort de me
croire bien portant. Elle était médecin après tout, et je ne
l'étais pas.

Mon intérieur devint insupportable. Ma femme avait
installé dans un des coins de la chambre à coudier un
squelette dont la vue me causait, le soir quand j'étais seul,
des peurs horribles.

J'avais perdu le sommeil et le manger. D'un mot, elle
aurait pu me rendre le bonheur. Mais elle se contesta de
me dire :

— Les tniits tirés... Peu d'appétit... Cela ne va pas.

— Je ne suis pas heureux, Eulalie.

— Je sais ce que c'est... Cela vient de l'estomac.

— J'avais espéré trouver en mon méuagre...

— Ou peut-être des intestins...

— Eulalie, si tu voulais...

— Quoi, mon chéri?

— Il dépendrait de toi...

- Je sais ce qu il te faut. Voici une bonne bouteille, tu
en prendras deux cuillerées par heure, après avoir secoué...

— Eulalie, ce n'est pas cela...

— Tu préfères des pilules, peut-être .. Tu en auras.
Cela dura ainsi plusieurs années. Je souffrais beaucoup.
Un jour, j'appris que ma femme venait d'être nommée

médecin des Carmes. Je me fâchai. Elle se fâcha. Elle me
lit soigner pour la fièvre.

Au sortir de mon lit, je recommençai ma scène. Elle me
regarda fixement dans le blanc des yeux, écrivit quelques
mots sur une feuille de papier, et le soir j'étais enfermé,
comme atteint de monomanie jalouse, dans une maison de
santé où l'on me donne des douches depuis six mois...

Dieu bénisse ceux qui ont voulu que les femmes fussent
médecins !
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