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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 9.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6770#0022
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départe-

LES MAINS VIDES

ballade

Sans être misanthrope, sans demander le rétablissement
de la place d'insulteur romain derrière les chars de triom-
phe; en un mot, sans rééditer, pour mon usage, la littéra-
ture mortellement triste d'Young, l'auteur des Nuits, et tout
simplement peut-être par amour des contrastes, j'aime à
considérer l'envers de la joie, dans ses grandes manifesta-
tions publiques.

Ainsi, tout en suivant la ligne des boulevards, hier, entre
des flots de promeneurs chargés de joujoux, de paquets
ficelés de rouge, d'où s'exhalait une suave odeur d'oranges,
je me pris à penser soudain à ceux que le gai jour do l'an
trouve — les mains vides.

Et m'arrêtant, méditatif, devant une humble petite table
couverte de papier bleu, sur lequel d'infimes bonbons s'éta-
laient, tout suintant,de liqueur, j'écrivis cette ballade en
prose, à la lueur d'une lanterne de papier rouge.

Puisse sa lecture, âmes charitables, vous faire souvenir
que le tronc des pauvres n'est pas loin de vous, à l'heuro
où dans Paris il est tant d'innocents qui n'ont pas les mains
pleines !

II

I ; ,,

Tenez, regardez cette petite fille, là-bas, qui rôde autour
des boutiques étincelantes ; comme ses yeux brillent. Les
poupées élégantes et roides ne daignent pas abaisser sur
elle leurs regards d'émail.

Hélas ! non, la pauvre petite n'est pas digne d'un sourire
de poupée. Et pourquoi voulez-vous que cette belle dame
en gaze rose, avec un chapeau de bergère, qui vaut trente-
cinq sous, sans compter les espérances, fasse des agaceries
à la petite fille qui n'a pas d'argent dans sa poche?

Ce chat à tout poil aussi, avec ses yeux presque vivants,
ne permettrait pas à l'enfant misérable de le caresser. Al-
lons donc!

Les ménages, tout fer battu, ne veulent pas d'une cuisi-
nière aussi pauvre. Arrière, Cendrillon !

La petite malheureuse tourne, retourne devant les étala-
ges, paradis à prix fixe, et, le cœur bien navré, allez, voit
les acheteurs emporter, une à une, toutes les admirables
choses qu'elle convoite innocemment.

Les messieurs et les dames, avec un sans façon remar-
quable, manient les objets qu'il semble à l'enfant qu'on ne
doit toucher qu'avec respect et amour.

Perdue au sein de la foule, bousculée, grelottante, elle
voit partir pour toujours les jouets ardemment désirés.

On enlève la belle dame au chapeau de bergère. On met
le chat dans du papier. On enveloppe les minages.

Tout part. Tout est pris. Les bébés en chemise disparais-
sent à leur tour.

Et la pauvre enfant, seule, demain, ne trouvera pas sur
son lit de ces beaux joujoux que l'on donne à gogo aux au-
tres petites filles.

Ce qu'il y a de souirrances poignantes dans l'âme de
cette fillette aux yeux allumés devant les baraques du bou-
levard, ne se peut écrire. Pauvres petites mains vides !

1 III

Ici le tableau change. Montons au cinquième étage d'une
maison de la rue Croulebarbe, dans le quartier Mouffetard.

Un homme, en paletot râpé à l'excès, mais propre, vient
de nous précéder dans un galetas où deux enfants, à côté
d'une femme pâle et maigre, sont assis devant un feu de
résidus de houille brûlée — par d'autres.

— Pas d'argent ! a dit le père en montrant un pain ; mais
voici de quoi mangeT.

Il s'assied, il coupe le pain, il en distribue les morceaux.
On mange silencieusement.

— Et l'atelier ? dit la femmo.

— Fermé. Le patron en Belgique, On reprendra la besogne
dans huit jours.

Pas de plaintes, pas de jurons. Une détresse calme. La
femme est malade, convalescente si vous l'aimez mieux.
L'homme sans ouvrage, ifs ont mangé les quelques pièces
de cent sous amassées. Les bureaux auxiliaires du Mont-de-
Piété ont pris le reste. Ça va très-mal. L'espérance est là,
voyez-vous. Mais la misère a bien mal pris son temp6. —
Venir au jour de l'an ! c'est dur. — Ces petits n'auront pas
un sucre d'orge seulement. Un peu de bouillon pour la ma-
lade aurait été de bien belles étrennes ; mais il n'y a pa*
moyen d'en faire. — La dure vie !

Dans la maison tout est noir, dans la rue tout est sombre.
L'n grand silence plane sur tout cela. JJe temps eu temps, dans
le lointaia,une voix désespérée crie : —LaValence ! Ce n'est
pas'gai,

— Couchons-nous, dit le père, nous aurons plus chaud.

— Papa, demande doucement un des enfants, pourquoi
donc le petit Noël ne vient-il pas cette année ?

— Dame, réplique l'autre gamin d'un air grave ! on a
peut-être fermé l'atelier où il travaillait.

Et le père essuie une larme en regardant sa femme. —
Pauvres rudes mains vides !

IV

Rien dans les mains, rien dans les poches. Tel est sans
fard le bilan du jeune homme qui passe roide comme balle
devant nous.

Suivons-le, c'est un garçon de talent, un poète. Il regrette
qu'on no puisse se faire des rimes sur l'Etat. Il serait riche.
Présentement, il n'a pas le sou. Les rentrées littéraires se
font si mal ! En outre, ses souliers sont percés. C'est un
détail; mais c'est un détail terrible.

Car il se rend en visite dans une maison où son couvert
est mis mensuellement, et; dame, pour cacher le trou du
soulier, il le trempe dans la boue. La boue, ça glace le pied;
niais l'honneur est sauf.

Dans la maison hospitalière qui le reçoit sont deux jeunes
filles, des anges ou à peu près. Doublo récif sur lequel sa
résignation va faire naufrage.

Quand il entrera dans ce salon rempli de visiteurs, em-
baumé de l'odeur des boires et des sacs de bonbons, les
regards des deux enfants se braqueront sur lui. On scrutera
le contenu probable de ses poches. Regards perdu9, hélas !
mais poignards cruels, quoique innocents.

Pas de chance. — S'il pouvait emprunter une étoile au
bon Dieu, il la porterait bien chez ma tante. Mais cela ne
se peut point. Donc, rien dans les mains, rien dans les
poches.

Et, le pied mouillé, rolevant le collet de son habit, il passe
roide comme balle dans la foule, en regardant si, par
hasard, il no trouverait pas par terre uno petite pièce
de 3.000 francs.

La pièce se faisant attendre, il continue sa route en réc i-
tant des vers d'Horace.

Hélas! mon pauvre littérateur, l'homme pout «voir sans
broncher s'icroutr les empires, » mais il no peut, sans amer-
tume, voir arriver le jour de l'an.

Passez, studieuses mains vides !

V

Voici d'autres mains vides. Ne les citons que pour mé-
moire. Ne plaignons pas le personnage dont nous allons
nous occuper.

Egoïste, avare, deux jolies qualités pour une, un être,
riche comme une loterie, suit les rues encombrées. Il a do
l'or plein son gousset Ak le caresse du doigt ; mais, n'ayez
pas peur, il n'en fera pas usago.

Lui, acheter des cadeaux, la bonne plaisanterie! Et pour
qui donc? grand Dieu! 11 vit seul, sans famille, sans amis,
sans tous ces liens enfin qui coûtent de l'argent et ne rap-
portent que des désagréments , dit-il. Mais soyez sans
crainte, il a des regrets sur la planche pour touto sa vieil-
lesse.

Du reste, il appelle cette triste conduite « se soustraire à
des obligations absurdes, à des usages bétes, » et il est fier de
ce grand courage.

Les petits enfants le connaissent bien, par Instinct. Ce
n'est pas à lui qu'ils viennent. Jamais ils ne grimpent sur
ses genoux. Et quand, pour faire la eour aux parents, il
veut les embrasser, les petits se reculent.

— Pouah ! laissons-le tranquille. Une vaut pas un blâme.
Qu'il passe avec son cœur et se» mains vides !

VI

Enfin, amis, vous tous qui avez été enfants, vous tous
qui avez attendu avec impatience, au fond de votre lit
douillet, l'aube grise du jour des étrennès, et le moment
d'embrasser les parents ; spuvenez-vous de ceux que les
nouvelles années ne touchent plu».

Beaucoup, beaucoup do pères à cheveux gris, beaucoup
de mères, ô enfants! ne peuvent plu» entendre les gouhaits
de bonne année et de longue vie que vous exprimiez jadis.

— Beaucoup, oh I beaucoup aujourd'hui, tout seuls sous
le* eyprès blanchis de givre, ne recevront pas le baiser
d'oubli et de paix.

Loin des boulevards murmurants, où sang cosse circulent
de joyeux visages, loin du foyer entouré d'amis rêveurs, ils
reposent dans la terre froide, et peut-être se rappellent-ils
les bonheurs intimes du premier de janvier.

Enfants, et vous <Iue !'avide mort oublie encore sur la
route pénible de la vie, souvenez-vous que le chemin est
court qui mène de Paris, aux cimetières abandonnés pen-
dant l'hiver; souvenez-v°us des vieux parents.

Et au milieu des mains Pleines qui se tendent vers vousj
que l'œil de votre coeur distingue tout à coup les pauvres
mains décharnées quiP0?*} là-bas, les pauvres mains à ja-
mais vides !

ERNEST D'HERVILLYd

LES MÉMOIRES D'UNE COCOTTE

Ecrits en une heure, sur le modèle des Mémoires du comte
Rostopchin, écrits en dix minutes.

ma naissance:

Je suis née rue du Four-Saint-Germain. Mes parents te-
naient un petit commerce de fruiterie. Mon enfance s'écoula
à côté des poules et des lapins vivants qu'on élevait dans
la boutique, à écosser des pois et à manger des pommes. A
dix ans, j'entrai en apprentissage chez une blanchisseuse
du carrefour de la Croix-Rouge.

Un souvenir bien vivant de cette époque est le jour de ma
première communion. J'avais une robe blanche et un grand
voile de mousseline. Ma mère m'envoya changer de la mon-
naie chez un voisin. J'entrai chez un charbonnier. Ce que
ma mère m'administra de coups ce jour-là peut passer pour
une récapitulation générale. On m'arracha de ses mains et
on iinit par me trouver une autre robe. C'est ainsi que com-
mença le plus beau jour de ma vie.

mon éducation.

Mon éducation, ébauchée dans la maison paternelle et
chez les blanchisseuses qui me faisaient porter d'énormes
paniers, fut continuée par un vieillard auquel je portais du
linge tous les samedis. Ce bon vieillard avait de beaux che-
veux blancs, longs, soyeux et bouclés. J'avais alors quinze
ans et demi. 11 s'Intéressa à moi et je lui dois de n'être pas
bossue, car les paniers commençaient à me déformer la taille
et les hanches. Je ne suis pas la seule d'ailleurs qu'il prit
ainsi sous sa protection.

Je savais lire et un peu écrire. Grâce à ses sages conseils,
je quittai l'atelier et je me cachai dans une petite chambre
garnie dont il payait le loyer ainsi que mes autres dépenses.
Le lion vieillard venait me voir souvent et m'exhortait à la
sagesse. Au jour de l'an, il me fit cadeau d'un piano d'oc-
casion et me donna un professeur « à tout apprendre. »

A quelque temps de là, J'eus l'occasion d'aller à un bal
des Champs-Elysées avec une amie qui m'offrit de venir de-
meurer avec elle. J'abandonnai donc mon bienfaiteur. Mon
éducation se perfectionna et j'acquis des connaissances nom-
breuses, riches et variées.

mes souffrances.

Entre autros souffrances, je dois mentionner l'extraction
d'une œillère et de nombreuses indigestions que je dois à
ma passion pour le homard.

Bien que je n'aie pas ce qui s'appelle un gros pied, j'ai tou-
jours beaucoup soutl'ert en portant des bottines neuves.

époques mémorables.

Après des alternatives de succès et de revers, comme on
dit dans les livres, je rencontrai un jeune homme qui
venait d'hériter de soixante mille francs. Cette petite fortune
dura deux années, pendant lesquelles il me fit voyager un
peu de tous les côtés. Quand tout fut dépensé, il me con-
sulta sur le projet qu'il avait do chercher une petite place
et do in'épou»er. Je lui fis comprendre l'impossibilité de ce
mariage. H partit alors pour le Brésil en qualité de courtier
de commerce et y mourut de la fièvre jaune en m'instltuant
ga légataire universelle. C'est si peu de chose qu'il est Inutile
d'en parler.

Vers l'âge de vingt-trois ans, j'eus l'idée de m'essayer au
théâtre. Après avoir pris un maître de déclamation et étudié
le répertoire des ingénues de Scribe et de Molière, je parvins
ô débuter dans un rôle à'ondine à la Porte-Saint-Martin. Mon
début suivant eut lieu dans une Fontaine vivante. Je réclamai
un rôle parlé et j'obtins de jouer les Fées du berceau. Enfin,
comme on ne voulut pas, à tort ou à raison, me confier de
rôles plus importants, je renonçai au théâtre qui, cependant,
me fut très-utile et me procura des relations avantageuses.

Parmi les autres époques mémorables de ma vie, je me
rappelle le jour où deux jeunes gens faillirent se battre pour
moi. Bien que le duel n'ait pas abouti, 11 contribua à nie
poser.

Mon Dieu! que les hommes sont stupides ! *

portrait au physique.

On m'a fait mon portrait de bien des façons, mais jamais
très-ressemblant, même par la photographie.

Quand j'allais en Allemagne, voici ce qu'on écrivait sur
mon passeport :

« Cheveux et sourcils châtains, — front moyen, — yeuX
bleu foncé, — nez ordinaire, — bouche moyenne, — menton
rond, — visage ovale, — taille : 1 mètre 60 centimètres. —
Signe particulier : nul. »

portrait au moral.

J'ai sans doute une grande sensibilité, car je ne puis seu-
lement voir un malade sans répugnance et le spectacle de
la misère nie dégoûte.
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