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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 9.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6770#0046
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L'ÉCLIPSE

NOUVELLE PRIME GRATUITE

DE L ECLIPSE

Donnée à tons les nouveaux abonnés d'un an ou aux abonnés
actuels qui renouvelleront leur abonnement d'un an
par antioipation.

L'ÉCLIPSÉ a acquis le droit d'offrir en prime à ses abon-
nés le nouveau voiume de Touchatout :

LES SO LETTRES RÉPUBLICAINES

DE GERVAIS MARTIAL
Formant un beau et fort volume grand in-8"

Toute personne qui prendra un abonnement d'un an ou
qui renouvellera, par anticipation, son abonnement, éga-
lement pour un an, aura le droit de retirer gratuitement dans
les.bureaux de l'Eelipse un exemplaire des 80 LETTRES
REPUBLICAINES DE GERVAIS MARTIAL. — Les abon-
nés des départements qui désireront recevoir le volume à
domicile devront envoyer 8 fr. 80 c, représentant le prix de
l'abonnement et les frais de port de la prime.

L'EXPOSITION DE DUIOCLÈS

Vous vous les rappelez, Parisiens, mes frères, les délices
de l'année 1867. J'ai assez confiance dans l'amertume de
vos souvenirs pour être persuadé que vous no les avez pas
oubliés.

L'année précédente, quelques personnages graves, so
prenant la tête dans les mains, avaient fait la réllexion
suivante :

— Il y a, d'une part, dans nos usines des machines que
tous ceux qu'elles peuvent intéresser connaissent parfaite-
ment. Si nous les offrions en spectacle à ceux qu'elles n'in-
téressent pas ? D'autre part, nos étalages regorgent d'in-
nombrables objets qui sont la distraction des flâneurs. Ces
objets, qu'on peut admirer partout gratuitement et sans
fatigue, nul doute que le publie, qui est très-bête, ne se fit
un plaisir de payer pour les voir, si nous les réunissions en
masses serrées dans un bâtiment très-laid et où il serait
très-fatigant de les regarder.

Là-dessus, le chœur des gens sérieux s'écria :

— Parbleu 1 c'est une idée merveilleuse !

Ainsi s'éleva au Champ-de-Mars l'horrible édifice,disposé
par cercles, qui semblait calqué sur VEnfer du Dante,

Et tandis que cela se construisait, on sa disait les uns
aux autres :

— Voilà qui va furieusement élever le niveau des con-
naissances industrielles !

Soit. Je veux bien admettre qu'en sortant, les quatre-vingt;
dix-huit centièmes des visiteurs ne confondaient pas le
marteau pilon avec l'appareil à repasser les chapeaux. Au
point de vue de l'élévation du niveau des connaissances
industrielles, vous voyez que je suis très-large.

Par exemple, au point de vue du charme que nous en
retirâmes, nous autres Parisiens, je le serai moins.

Vous ne les avez pas oubliés, ô mes frères ! ces six cruels
mois pendant lesquels, dérangés dans vos habitudes, pour-
suivis dans vos travaux, traqués dans vos plaisirs, heurtés,
bousculés, hasCelés sans cesse par une foule étrangère qui
se croyait chei vous en pays conquis, vous savourâtes les
premiers comme un avant-goût des douceurs do l'inva-
sion.

C'était le beau temps où votre propriétaire, so faisant
annoncer ûn matin chez vous, entamait, après force salu-
tations, la ôonversation suivante :

— Mon cher locataire, je viens voua donner une preuve
de l'intérêt que je vous porte.

Vous èsquissiez naturellement un sourire.

— Une famille moldo-valaque, qui vient à Parti pour
l'Exposition, m'offrait, continuait le propriétaire, dix-huit
cents francs par mois de votre appartement... J'ai refusé.

Ici, votre main allait serrer avec effusion celle de votre
propriétaire qui continuait:

— J'ai bien fait, n'est-ce pas ? Mais vous serez le premier
à reconnaître que j'ai droit à un léger dédommage-
ment. Je crois qu'en vous augmentant seulement de deux
mille francs par an, je fais encore un grand sacrifice...

Vous vous mettleï à table en famille et la bonne appor-
tait pompeusement sur un plat... un pilon de volaille.

— Qu'est-ce que c'est que ça ? demandait madame,

— C'est le poulet que madame a commandé.

— Vous plaisantei ?

— Madame comprendra que je n'ai pas osé l'acheter
entier. On me le faisait trois cents francs.

— Trois cents francs !

— Ahl dame, pendant l'Exposition!...

Vous aviez une course à faire. Vous vouliez prendre l'om-
nibus : complet ! Vous héliez un fiacre, mais le cocher re-
connaissant du premier coup, à votre accent, que vous
n'étiez pas capable de lui donner, par erreur, vingt-cinq
francs d'une course, claquait son fouet et disparaissait en
vous faisant un pied de nez.

Vous aviez des employés.

— Voilà qui est bizarre, pensiez-vous. Ordinairement ils
me font le double d'ouvrage. Comment se fait-il donc que
rien ne marche ?

Comment? L'explication était bien simple. La moitié do la
journée, vos employés, au lieu d'être à leurs écritures,
étaient aux fenêtres pour voir passer le grand Khan do
Tartarie ou la dernière députation malgache.

Vous entriez demander dans une librairie la dernière
œuvre parue.

On vous offrait le Guide de l'étranger à Paris.

Et si vous manifestiez qu'une autre nouveauté serait
mieux de votre goût :

— Nous avons encore YIndicateur Parisien.

— Non, merci.

— Et les Visites aux monuments de Paris.

— Au diable 1

Vous vouliez entrer dans un théâtre, Pas de place t

Ce qui vous consolait, c'est que vous aviez déjà vu deux
fois la pièce, qui était modérément plaisante.

Et si, rencontrant une des personnes de la maison, vous
lui demandiez :

— Est-ce que vous allez nous donner encore ce spectacle-
là longtemps?

— Tant qu'il y aura des étrangers, mon ami !

— Et s'il plaisait aux étrangers de no plus s'en aller?

— Nous la jouerions toute la vie.

Vous alliez pour voir la dame de vos pensées.
Sur le seuil, la camériste vous arrêtait :

— Madame vous prie do repasser. Elle est en ce moment
avec un boyard qui désire prendre des leçons do français.

— Ah ! quand faut-il que je repasse?

— Tantôt.

Vous reveniez dans l'après-midi.

— Madame est visible?

— Non. Elle donne encore une leçon. Le boyard de ce
matin l'a recommandée à un prince sauioyède qui voulait
étudier la règle des participes. Si vous voulez revenir ce
soir.

Vous reveniez le soir, et vous appreniez que la belle venait
de sortir avec un Maharajah, apparemment recommandé
par le prince samoyède.

Alors vous rentriez chez vdus furieux, et dans votre lit,
horreur! vous trouviez mollement étendu, en bonnet de
coton, un étranger auquel votre femme de ménage, vous
croyant absent pour la nuit, avait sous-loué votre couche

Vous mettiez dehors cet étranger, bien entendu, avec les
égards suffisants pour un homme qui ne vous comprend
pas. Et quand seul enfin, aspirant après un moment do tran-
quillité, vous allongiez la main sous votre lit pour saisir vos
pantoufles, c'était une botte au lieu d'une pantoufle dont
votre main s'emparait.

Vous tiriez la botto, et cette botte amenait une jambe,
puis un corps, puis une tête, enlln un individu complet, le-
quel ivre-mort, son guide à la main, vous demandait, dans
une langue à peine intelligible, la colonne Vendôme ou le
chemin des catacombes...

Et cela a duré six mois, vous vous en souvenez, Parisiens !
Et quelques farceurs, parmi lesquels notre regretté souve-
rain, si j'ai bonne mémoire, no dédaignèrent pas d'appeler
cette longue bacchanale ta fête de la Paix.

La fête de la paix, — ironie amôre !

Ce fut bien quand sa dernière heure eut sonné, qu'un sou-
pir de soulagement s'échappa de la poitrine de tous les amis
de la paix et de la tranquillité.

On so disait, en reprenant possession de ses trottoirs :

— Ah!!! c'est donc fini! On pourra faire dou.vipas dehors
sans trouver le passage intercepté par une caravane ; entrer
n'importe où sans y voir sa place prise par un autre. Ces
envahisseurs vont donc cesser d'encombrer nos maisons et
nos rues, d'accaparer nos endroits publics, de froisser nos
goûts, d'entraver nos plaisirs, do nous rendre la vie intel-
lectuelle aussi impossible que la vie matérielle !

Et, jugeant que l'épreuve avait été suffisante, on s'écriait
en tombant dans les bras les uns des autres :

— Dieu merci, cela no se verra plug!

Eh bien, nous nous trompions. C'est incroyable, mais c'est
pourtant commo cela ! fies personnages graves — les mêmes
peut-être! — se sont encore une fois pris la tête dans les
mains, et, après les réflexions qu'on connaît déjà (voir ci-
dessus), ils n'ont pas craint d'émettre cette ponsée coupable :

— Si nous organisions une nouvelle Exposition.

Elle vous terrifie cette pensée, n'est-il pas vrai, Parisiens,
mes frères ? Hien que d'en parler la sueur me perle au front.
Comment, elle recommencerait cette fête de la paix! elle re-
commencerait cette sarabande !

0 vous qui n'êtes ni gargotiers, ni maîtres d'hôtel, ni
marchands de contremarques, j'en appelle à vous, n'est-ce
pas que vous ne le tolérerez pas?

Plusieurs journaux font appel aux architectes, aux ingé-
nieurs, aux industriels, pour les supplier de se mettre à
l'œuvre au plus vite. Eh bien, nous, nous faisons un appel
à tous les vrais Parisiens ennemis des gêneurs, des pick-
pokets et du renchérissement des denrées pour les conjurer
d'aviser.

11 se fait une campagne en faveur de l'Exposition, nous en
commençons une contre elle; et, tandis qu'ailleurs on ose
chercher les moyens d'organiser cette chose déployable,
nous ouvrons largement, hospitaliôremont nos colonnes à
tous ceux qui ont le noble souci de la voir rater.

PAUL PARFAIT, paritien.
» -------»--

LA BARNABON

A P.... tout le monde connaît la Barnabon. Tout le monde
sans exception, même les petits enfants qui viennent de
l'école. Ils la connaissent et ils en ont peur. Quand ils la
rencontrent, ils s'en sauvent comme des moineaux sous le
pas d'un cheval. Mais les filles sont plus hardies que les
garçons : elles suivent de l'œil, curieusement, la Barnabon
qui passe, et, tout bas, entre elles, elles murmurent je ne
sais quoi de méprisant pour cette femme.... les gamins, eux,
so contentent de fairo des dessins dêshonnêtes sur la porte
de la Barnabon, rue du Cep, et sur le mur do son jardin, qui
longe les nemparts, dans la ville basso.

Tout le monde connaît la Barnabon à P.... Mais il est de
bon goût de n'en parler jamais. Les jeunes gens, employés
et clercs de notaires, affectent de ne pas savoir de quoi il
s'agit, quand ce nom-là frappe leurs oreilles. Dans la con-
versation, les célibataires n'ouvrent jamais une parenthèse
à propos de la Barnabon, comme ils en ouvrent aussitôt
que l'un d'eux parle de la pâle M"0 Ledoux-Laisné, ou de
Mm8 Villardeau-Blot, ou de Julie Ladoupé.

Quand on parle de Julie Ladoupé, de Mlle Ledoux-Laisné,
ou de Mmc Villardeau-Bmt, on prend un air mystérieux. On
lance des mots. Ou risque des interrogations. On fait des
allusions. Qn questionne. On tâche de savoir au juste si

réellement Mme Villardeau-Blot, la femme du receveur géné-
ral, qui monte à cheval, etc., etc., a pour amant le colo-
nel B...., en garnison à 11.... (six lieues de distante).

Mais quand le nom de la Barnabon vient à être lâché par
mégarde, la conversation s'arrête court.

La pâle M"0 Ledoux-Lainô, c'est évident, pique un soleil
tous les dimanches, sur le cours, où la Société fait de la
musique, quand passe le petit Valladon, le professeur de
rhétorique du collège. Ils sont au mieux, c'est.sûr et certain.
Et puis ce teint, voyez-vous, et cette démarche.... enfin je
plains les parents qui ont une fille comme celle-là !..,

Julie Ladoupé est une petite ouvrière — la trentaine déjà.
On sait ce qu'elle est, au moins. Bonne fille. Toujours sur
le point de se marier. Mais, crac, au beau moment, tou-
jours dans une position intéressanto. Elle demeure trop
près du Palais. Les avocats sont persuasifs.... Bref, Julie La-
doupé, entre nous, et malgré ses trente ans, est une excel-
lente fille.

Mais la Barnabon !... oh !

La Barnabon? connais pas.

On no parle de cette créature-là à quelqu'un, et encore le
fait-on à voix basse, avec un sourire contraint et en rougis-
sant, que lorsque ce quelqu'un, qui est uù ami de Paris, ar-
rivé depuis quatre jours à P..., dit un soir, en sortant du
café du Commerce :

— Ah çà ! dites donc, mon cher.... est-ce que... ?

— Plus bas ! je vous prie! murmure l'indigène consulté.

— Bon. Eh Lien, est-ce que vous ne connaissez pas, ici,
une jeune vestale.... qui voudrait se charger d'entretenir....

— Oh! plus bas, je vous prie....

— Quel mystère!... c'est pourtant bien simple. Je vous
demando l'adrcsso d'une cocotte eu disponibilité.

— Plus bas ! les pavés ont des oreilleli je vous dis. Ah!
Parisien! si vous connaissiez notre fie âH lotis les jours,
vous sauriez combien il en cuit de dire tout ÎûtuI ce qu'on a
l'intenlion de faire.

— Comment cela! — Alors vous vivaz donc comme des
moines, dans cette ville ?.,.. quelles montagnes â propos et
quels pavés glissants !

— Non. Mais.... on se contente de ce qu'on'cdnnaît.... et
puis IL... est à deux pas.... on y va facilement....

— Bigre ! six lieues à faire le jour.... où.... Ah ! vous êtes
des gaillards.... vous avez dula suite dans vos idées, vous!...
et une constance !... ■£ *r^T. "^if*

— Ali! vous ne savez pas ce que c'est que la province....
vous.... L'œil de Jéhovah, qui sonde Içs feifls et le cœur, est
l'œil d'un myope en comparaison de l'œil des dtunes deP...
Plus de soirées.... plus rien.... si l'un est cité comme un
débauché.... plus rien que la solitude et l'ennui.

— Quoi ! c'est être débauché que de....

— Oui, mon cher.... on ne regarde pas à la quantité....
C'en est fait de vous, si quelqu'un vous a vu, même à trente
lieues d'ici, donnant le bras à une.... créature, comme di-
sent ces dames.... vêtue comme.... un chien savant.... et
effrontée! oh! effrontée!.... toujours comme disent ces
dames, On ne vous pardonnerait pa» cela.... Allez donc
vous marier avec un dossier composé parles dames de P...!
Le tabou est prononcé.

— lle-in ?,.. enfin.... alors, vous n'a$w pas non plus
de....?

—•Plus bas! je vous en conjure.... Non.... D'ailleurs,
nous ne sommes pas une ville de garnison, comme H....
un établissement semblable ne ferait pas ses frais chez
nous....

— Bah? Cependant P.... est une place de commerce....
L'hôtel de YEpinard bleu est rempli de voyageurs. On y
mange bien.

— Que vous dirai-je !.... Il y a des fabriques dans la ville
haute.... des ouvrières.... Les gens qui ne sont pas dégoûtés
peuvent se contenter de cela....

— En résumé, pas de grisettes ?

— Pas une !

— Quelle sagesse! mais c'est l'Eden que ce pays.... Je
plains beaucoup, s'il en est ainsi, les magistrats retraités et
les vieillards frivoles....

— Chut !... la vie privée ne nous regarde pas.

— En résumé, voyons, monsieur ; fendez-vous d'un ren-
seignement en ma faveur.... que diable, vous ne poûvez pas
laisser un ami dans l'embarras ?

— Non, niais c'est bien difficile. Oh ! si vous étiez de la
ville.... au bout de trois mois, vous parviendriez sans nul
doute à faire une honnête petite maîtresse.... ou parmi les
demoiselles-... qui dansent au jardin de la ville.... mais,
comme ça, de but enblanc, c'est impossible....

— Alors, allons nous coucher !... Votre sacré pavé est d'un
pointu....

A ce moment, l'indigène, poussé dans ces derniers re-
tranchements, et qui, très-heureux de posséder urr compa-
gnon jovial pour quelques jours, voudrait rendre Service à
ce compagnon jovial, s'arrête, prend entre ses doigts le pa-
remant d'habit de son interlocuteur, et dit avec un certain
tremblement dans la voix :

— filon cher ami... écoulez... il y a bien la Barnabon...
mais...

— La Barnabon? Qu'ést-ce que c'est que ça?... Une
femme ?

— Oh !... je ne la connais pas ! croyez-le bien...

— Allons donc, farceur !

— Non, mais non !... mais je sais qu'elle existe...

— La Barnabon? beau nom... et est-elle jolie, la Bar-
nabon ?

— Pas laide du tout.

— Tiens, mais alors, vous ne connaissez qu'elle !...

— Par ouï-dire... réplique l'insulaire d'un air hypocrite
et rayonnant à la fois...

— Allez, mon ami, je coupe dans le pont... Continuez
votre description...

Enfin, après mille tergiversations , vous apprenez de
l'habitant de P... que la Barnabon est une femme... ma-
riée... à moitié bourgeoise, à moitié paysanne...qui depuis
un temps immémorial demeure rue du Cep... à ce qu'on
assure, du moins. Elle tient un petit café borgne, pour ne
pas dire aveugle comme son mari.:, où l'on peut aller faire
un punch...

Ce premier pas fait, les autres ne coûtent rie», et le»
renseignements sur les Barnabon pleuvent.
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