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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 9.1876

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L'ECLIPSE

NOUVELLE PRIHS GRATUITE

DE L'ECS, î^S

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actuels qui renouvelleront leur abonnement d'un an
par anticipation.

L'ÉCLIPSÉ a acquis le droit d'offrir en prima à ses abon-
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LES 50 LETTRES RÉPUBLICAINES

DE GERVAIS MARTIAL

Formant un beau et fort volume grand in-8"

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RÉPUBLICAINES DE GERVAIS MARTIAL. — Les abon-
nés des déparlements qui désireront recevoir le volume à
domicile devront envoyer 8 fr. 80 c, représentant le prix de
l'abonnement et les frais de port de la prime.

LE CANDIDAT INDIEN

Le costumier auquel M. Soubigou doit déjà ce costume
breton qui fait la joie des trois spectateurs ordinaires du
Sénat, vient, dit-on, de recevoir la commando d'un costume
indien : turban à aigrette, robe de soie blanche, large pan-
talon serrant aux chevilles, quincaillorie variée agrémentée
de bouchons de carafe pour le cou, les bras et les oreilles.

Lorsque celui qui venait faire cette commande a donné
sa carte : Emile Ollivier, la costumier n'a pas douté que le
chevalier du Cœur-Léger ne voulilt se distraire do ses der-
nières mésaventuros électorales en allant exécuter le Pas
de la Veste au prochain bal Valcntino.

Erreur !

La vérité est que M. Emile Ollivier, qui ne peut se faire
aux douceurs de la vlo privée... de portefeuille, a imaginé,
de se présenter comme candidat sénateur... Où cela? Non,
je ne vous donne pas à chercher, je vous lo dis tout do
suite :

Dans nos possessions indiennes.

L'idée seule d'aller solliciter le suffrage des délégués de
l'Hlndouslan est une mirifique trouvaille.
Pends-toi, bravo Buffet, tu n'avais pas imaginé celle-là 1
Castelsarrasin suffisait à ta modestie. Tu te disais :

— A deux cents lieues de chez moi, je dois avoir des
chances de me faire élire ; on no m'y connaît peut-être pas.

— A deux cents lieues, c'est beaucoup trop près, réplique
Emile Ollivier, éclairé d'ailleurs par l'expérience ; à deux
mille, à la lionne heuro I

Et, ayant mesuré sur la carte notre colonie la plus éloi-
gnée, il s'est bravement présenté aux électeurs de l'Inde.

On ignore les termes dans lesquels M. Emile Ollivier a
rédigé sa profession de foi, mais tout porte à croire qu'ello
est ainsi conçuo :

Messieurs cl chers délégués,

Vous ne m'avez jamais vu, je ne vous ai jamais vus non
plus. Excellente condition pour solliciter vos suffrages !

Dans les questions que je ne connaîtrai nullement et que
vous pourrez avoir à me soumettre , vous êtes assurés
de ma complète impartialité.

Je ne doute pas que la renommée n'ait porté mes hauts
faits jusqu'à vous; toutefois, comme il y a des choses qui
se détériorent en voyageant, et que les biographies peu-
vent être de ce nombre, je crois bon de préciser à votre
intention les principaux traits de ma carrière politique.

Porté, par les républicains do Paris, à la députation sous
l'Empire, je me suis toujours fait remarquer, à la Chambre,
par la solidité de mes convictions.

Ce fut même cette solidité de conviction qui lit créer
pour moi le titre d'irréconciliable, et me valut d'être réélu
en 1860, en manière de protestation contre le sieur Bancel,
si tristement connu par ses tergiversations politiques.

Le pouvoir impérial avait trouvé en moi son plus impla-
cable ennemi. Jamais je ne voulus faire de concessions, ja-
mais d'avances au gouvernement qui avait emprisonné et
exilé mon père.

L'Empire devait ambitionner de rallier à lui nn adversaire
aussi redoutable ; aussi les offres les plus tentantes ne me
furent-elles pas ménagées, mais devant ma fermeté elles
rencontrèrent toujours l'insuccès le plus complet.

Lorsque M. de Morny eut l'impudence de m'offrir, comme
entrée de jeu, le poste de conseiller judiciaire du vice-roi
d'Egypte, on sait avec quelle indignation je repoussai cette
grasse sinécure. Ce n'est que par suite d'une fatale erreur
que l'ordre des avocats crut devoir à cette occasion me
rayer do son tableau.

Mon triomphe lut cette entrevue avec l'empereur où je
lui refusai si énergiquement. le portefeuille qu'il m'offrait,
avec le soin de former un nouveau ministère..

On ne saura jamais ce que je souffris dans mon âme de
républicain de pouvoir être supposé capable de m'employer
au tardif replâtrage du gouvernement de décembre.

Je ne donnai jamais dans cette pauvre illusion de l'Em-
pire libéral, et le plébiscite — triste manœuvre d'un gouver-
nement aux abois ! — trouva en moi un adversaire dé-
claré.

Si quelque chose me fait regretter de ne pas m'etre trouvé
alors au timon des affaires, c'est l'idée que j'aurais pu écrire
à tous les préfets et jusqu'au dernier des gardes-champê-
tres : « Faites voter Non ! »

Lorsque, peu de temps après, la guerre fut déclarée si fol-
lement, ce ne fut pas sans de vives protestations de ma
part.

M. Tniers ayant osé dire à la tribune que la responsabilité
de cet acte, il l'acceptait « d'un cœur léger », on sait en
quels termes chaleureux je me récriai.

La suite des événements n'a que trop justifié mes funes-
tes appréhensions, et les paroles prophétiques que je pro-
nonçai à cette occasion sont dans toutes les mémoires.

A cette époque, je venais d'être appelé à l'honneur de
remplacer Lamartine à l'Académie française. J'aurais re-
poussé cette distinction avec tout l'élan d'un cœur indigné,
si j'avais cru la devoir à la pression du gouvernement.

Depuis 1870, j'ai montré le souverain mépris que j'avais
pour les distinctions publiques, en me tenant éloigné d'un
pouvoir que nul pourtant n'a plus que moi contribué à
élever.

Si je sors de mon obscurité pour solliciter vos suffrages,
c'est qu'il me semble qu'un pays où lo soleil fait mal aux
yeux ne peut être mieux représenté que par un sénateur à
lunettes.

Croyez aux sentiments profonds avec lesquels, etc..

Emile Ollivier.
P.-S. — Je suis l'homme des situations nettes. Si vous

aviez par hasard quelque question à m'adresser sur l'attitude
politique que je compte suivre au Sénat, je serais enchanté
d'y répondre par le plus prochain courrier. Il vous suffira
de jeter un mot à la poste, à cette adresse :

A Ollivier le Supcrb ,
Carreau restant,
Var.

Si l'on pouvait douter que la circulaire ci-dessus fût vrai-
ment de M. Emile Ollivier, il ne serait plus possible de con-
server de doute après avoir lu le post-scriptum.

L'idée de répondre par lottres aux questions politiques
qui pourraient lui être posées, trahit assez par sa subtilité
le génie de l'homme qui so fuit gloire d'être un disciple de
Machiavel.

En effet, pour qu'nno lettre fasse le seul trajet de Pondi-
chéry à Marseille, il faut, par Suez, quarante jours, et par
le Cap cent dix jours.

Or, comme la période électorale pour la nomination des
sénateurs est de quinze jours...

Très-fin, n'est-ce pas ?

Si l'élection de M. Emile Ollivier à Pondichéry venait par
hasard à révéler nos colonies comme le paradis des black-
boulés, il pourrait être curieux de voir, au Sénat, la mémo
droite qui, il y a quelques mois, refusait aux colonies au-
cun représentant, faire tout à coup la risette à nos posses-
sions lointaines et réclamer pour elles une représentation
capable d'enfoncer celle de la métropole.

— Messieurs, s'écriera l'un, n'est-ce pas pitié de voir
l'Inde nous envoyer un seul sénateur, quand nous y avons
plusieurs comptoirs? Ce serait bien le moins que chacun de
ces comptoirs fût représenté.

— Ce n'est pas assez d'un représentant par comptoir,
s'empressera d'objecter un autre; nous devons faire à nos
colonies cet honneur de leur en demander un par district.

— Un par ville ! s'écriera un troisième...

Arrètons-là. L échée de M. Emile Ollivier — même à Pon-
dichéry — pourrait bien faire évanouir ce beau rêve.

En ce cas, nous espérons que son costume indien ne sera
pas perdu pour le publie.

Le fils de Démostbènes — de par l'état civil — ne man-
quera pas sans douto do le rovêtir et de se promener de
temps en temps ainsi attifé sur le boulevard, à la grande
joie des badauds.

Nous n'attendons pas moins d'un homme dont le plus vif
désir a toujours été — chacun sait ça — de chercher à ne
pas se faire remarquer.

PAUL PARFAIT.

—---♦-

Tilili--tilili--tiûM!l)ûim!(„i,1

chœur des lecteurs. — Ti li li—ti li li — boum,

boum ! {bis),...???

l'auteur.- Oui, Mesdames, oui, Messleurg, c'est à
prendre ou à laisser.

chœur des lecteurs. — ÏW« h'...? comprends pas ce
titre.

l'auteur, avec an sourire calme. — Vais vous l'expli-
quer.

chœur des lecteurs. — Bon.

l'auteur. — C'est une petite chose à laquelle il ne
manque guère que les paroles et la musique pour être un
air, comme dit Musset.

chœur des lecteurs. — Un fredon?

l'auteur. — Un fredon, c'est cela I Ti li li — ti li li !
boum, boum ! (bis) est le fredon de M0 Fibredur, ancien
avoué.

chœur des lecteurs. — Ah ! ah 1

l'auteur. — Et je commence.

I

Mc Fibredur, ancien avocat, ancien avoué, ancien huis-
sier, ancien tout ce qu'il vous déplaira, et présentement
araignée de proie, tend quotidiennement, sous le nom de
Cabinet d'affaires, une toile savamment ourdie, aux mouehes
imprudentes, au rez-de-chaussée d'une affreuse maison
qui serait passable si elle n'était que borgne, située dans
un des plus vilains quartiers de Paris.

Un de ces hideux quartiers dans les rues desquels on
trouve encore de la boue, lorsque partout ailleurs la pous-
sière poudroie au soleil.

Je vous en parle longuement, parce que j'espère bien
que vous n'y avez jamais mis les pieds.

Me Fibredur, qui a eu ici-bas des malheurs parce qu'il
avait cru, sur la foi de l'Evangile, que la justice ne se ren-
drait que là-haut, — même pour les affaires d'argent, —
Me Fibredur, dis-je, demeure depuis un grand nombre de
lentes et sombres années au rez-de-chaussée — donnant sur
la coir / — d'une vieille bicoque du faubourg du Temple.

H

Le soleil, ce gentilhomme, daigne annuellement faire
l'aumône d'un rayon d'or tout neuf à Mc Fibredur.

Le 22 juin, lendemain du solstice d'été, quand il fait
extrêmement beau, le soleil descend, tout pimpant, dans la
cour de la vieille maison en question, enjambe la barre
d'appui de la fenêtre du cabinet d'affaires de M" Fibredur,

et, pendant dix minutes environ, sème de la poudre d'or
sur les dossiers jaunis et froids de ce triste gratte-papier
véreux.

Pendant dix minutes seulement.

Après quoi, plus rayonnant que jamais, il s'évade du ca-
binet de M" Fibredur, pour une année, laissant dans
l'ombre des casiers remplis de cartons verts croître les
champignons pleins d'effroi.

111

Cela posé, passons au Ti li li — ti li li boum, boum! [bis)
de M" Fibredur.

Le 22 juin dernier, il n'y a guère comme vous voyez,
M" Fibredur, bonhomme long, maigre, noir comme une
taupe, rasé comme un œuf, et chauve comme un boa,
descendit de la chambre qu'il occupe au cinquième étage
(sur la cour), et vint s'installer dans son antre d'affaires.

Il pouvait être dix heures du matin.

M0 Fibredur était depuis quelques minutes plongé dans
une muette contemplation, devant les becs mal taillés, ou
fourbus, de ses plumes d'oie, lorsque le soleil fit galam-
ment son apparition annuelle.

IV

Galamment, tout battant neuf, au moment où le crasseux
célibataire allongeait ses doigts velus vers un dossier, le
dossier 34, affaire lielaboul, le soleil fit son entrée par la
fenêtre, rapide comme une flèche.

Comme une flèche, et il ficha son rayon la pointe en avant,
dans la table de travail (un travail qui auiait dû être forcé)
de M° Fibredur.

Les papiers tressaillirent. Le dossier 34, affaire Belaboul,
frissonna. Les deux bouts de la ficelle rouge qui l'entourait
se mirent à faire la boucle comme un cheveu follet sur la
nuque charmante d'une dame.

Oui, la ficelle rouge frisotta.

'.- ' - ,

— Tiens! — tiens: — tiens! !! se demanda le maigre pra-
ticien. Qu'est-ce que c'est que cela?

Comme M0 Fibredur, depuis un grand nombre de lentes
et sombres années, faisait faire toutes ses courses par un
clerc aux appointements de 12 fr. 30 c. par mois, il ne con-
naissait le soleil que de réputation.

Et quelle réputalion!

Il attribuait, en effet, au soleil toutes les débauches des
jeunes gens, et, par suite, leurs billets innombrables pro-
testés avec amour, et dont lui, Fibredur, poursuivait le
payement avec passion.

Pour mieux s'assurer de ce que pouvait bien être cette lu-
mière soudaine, insolite, insolente même, Mc Fibredur mit
la main sur le rayon.

— Ehl mais! C'est chaud! fit-il.

Enchanté, quoique étonné, M" Fibredur passa la main une
seconde fois sur le dos du rayon.

VI

La paume de la main humide et froide de Me Fibredur fut
très-agréablement chatouillée, à ce qu'il parait, car, tout à
coup, l'homme d'affaires, gontlant ses joues, avançant les
lèvres, se mit à expectorer des sons bizarres, auxquels il ne
manquait guère que les paroles et la musique pour être un
air gai.

Gai, mais d'une gaieté sobre :

— Ti li li — Ti li li — boum ! boum ! fit M« Fibredur.

Et il ajouta en vile prose :

— Eh ! eh! le soleil J Ce n'est pas trop bête, cette inven-
tion-là...!

En murmurant ces paroles, M6 Fibredur chauffait les ex-
trémités de sa noire carcasse au soleil de juin, et, de temps
à autre, oubliant son dossier, l'affaire Belaboul et son clerc
en retard, il chantonnait ;

— Ti li li — Ti li U — botm! botm !

VII

M" Fibredur poursuivit en ces termes :

— S'il y a du soleil, il doit y avoir des arbres verts à la
clef. Les arbres verts, c'est gentil. Et sous les arbres verts,
dans les bois, on rencontre parfois des...

Sans achever sa pensée, Me Fibredur sourit.

11 y avait bien trois ans que M" Fibredur n'avait souri.

Cela lui fit mal au coin des lèvres.

Mais comme il n'y a que le premier sourire qui coûte,
M* Fibredur, saisissant une règle, se mit à battre un accom-
pagnement inouï sur la table à son éternel Ti U U — Ti li li
— boum! boum!

En l'écoutant, les misérables champignons germés dans
tous les coins sentaient leur âme moisie les quitter.

Les enfants de l'ombre expiraient dans leur obscurité na-
tale.

VIII

Ce sourire « décida du sort de la journée », comme dirait
un historien militaire.

M0 Fibredur prit son chapeau antique, mais peu solennel,
mit des gants troués comme des contrats modernes par le
canif de l'adultère.

Il s'arma de sa canne.

Enfin, le nœud véritablement par trop fantastique de la
corde noire qui servait de cravate fut refait, bout ci, bout là,
mais enfin il fut refait.

Sa toilette achevée, Mc Fibredur se glissa dans la rue,
ébloui : tel un hibou que l'on convie brusquement à aller se
promener.

Sur le trottoir que longeait Mp Fibredur passa une fillette
assez gentille.

— Peuh 1 la beauté du diable. Voilà tout. L'enfant allait à
son magasin.

— Charmante créature ! Ti li li — Ti li li — boum l boum !
fit Mc Fibredur en la frôlant du coude.

La jeune fille lui tira la langue.

— C'est égal, elle est ravissante ! reprit en riant l'homme
d'affaires, chassant sur son ancre, comme dirait un matelot;
et il ajouta tout haut :

— Ti li li — Ti li li — boum ! boum l
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