20 Août 1876.
L'ECLIPSE, REVUE COMIQUE ILLUSTREE
Bref, le bonnetier rentra chez lui l'âme tout à
l'envers :
— Ah ! ma bonne amie, dit-il à sa femme, la voix
étranglée, je suis bien souffrant, va!
Et quand on pense que je ne m'en doutais pas!...
Il se laissa choir sur un siège, rempli de recon-
naissance pour un aussi bon voisin que l'apothicaire
qui venait de lui sauver la vie.
Et, dès ce jour, tisanes et potions entrèrent en
mouvement.
XX
Cependant, au commencement du mois suivant, le
docteur, ayant eu quelques clients sérieux, d'une
part, et, de l'autre, se croyant filouté par Fiairmon,
résolut de cesser une comédie qui ne profitait qu'à
son compère, et il annonça brusquement au bon-
netier qu'il était guéri.
— Guéri! moi! Y songez-vous? docteur.
— Mais, oui; mais, oui, parfaitement.
Ce fut une scène atroce :
— Non, je suis malade, très-malade, glapissait le
client, et vous voulez m'abandonner. Je vous en sup-
plie, docteur, ordonnez-moi quelque chose !
— Soit! répondit Dnchemin, je vais aller moi-
même vous préparer votre dernière potion.
Et prenant son chapeau, il courut chez l'apothi-
caire :
— Monsieur, lui dit-il, nous ne pouvons plus nous
entendre, vous le savez ; mais, pour couper court à
toute chicane entre nous, conservez la somme que
je vous réclamais; seulement pour Dieu!-débarrassez-
moi de cet imbécile qui m'assomme, et dites-lui qu'il
est sauvé.
— C'est bien, monsieur, répondit sèchement l'apo-
thicaire, en broyant une demi-douzaine de pois
cassés qu'il réduisit en poudre, et qu'il introduisit
dans une petite bouteille bizarre remplie d'eau
filtrée.
Dernièra potion de Vermisot, coût : 7 fr. 50.
Une rage sourde grondait dans ce cœur de phar-
macien.
— Misérable ! s'écria-t-il dès qu'il fut seul, tu as
voulu la guerre, soit ! elle sera féroce entre nous.
Et, dans sa colère, ayant brisé une petite fiole de
trois sous, il mit la potion du voisin à 0 fr. pour se
rattraper.
— Vous êtes très-malade, dit-il à ce malheureux;
le docteur sort d'ici, il ne me l'a pas caché ; lui seul
peut vous sauver. Voyez n'importe quel autre méde-
cin,je les connais, aucun d'eux ne vous guérira.
Ce fut alors une chasse infernale entre le bonnetier
et le docteur.
Ce dernier avait beau déménager, l'autre le pour-
suivait partout, la nuit, le jour, le dimanche, à la
porte des clients; fou de colère, Duchemin le souf-
fleta dans la rue; Vermisot, renversé, faillit être
écrasé par un fiacre. Duchemin fut arrêté.
Vermisot le réclama; mais après la période de la
patience vint celle de la colère.
— Ah! brigand, lui criait-il, tu ne veux pas me
soigner, je saurai t'yr contraindre. Ah! scélérat, nous
verrons qui cédera de nous deux.
Il lui arrachait tous ses cordons de sonnette et lui
faisait donner congé de partout par le scandale qu'il
causait.
— Si vous le faites arrêter, lui avait dit Fiairmon,
je dis toutau tribunal; je m'en moque; je viens d'héri-
ter, et je n'ai plus besoin de personne.
— Eh bien ! je ne céderai pas, s'était dit Duche-
min, je ne lui ordonnerai pas seulement pour deux
sous de réglisse.
VIE ET AVENTURES DE CÉSARIN JOLI-COCO (Suite)
L'ECLIPSE, REVUE COMIQUE ILLUSTREE
Bref, le bonnetier rentra chez lui l'âme tout à
l'envers :
— Ah ! ma bonne amie, dit-il à sa femme, la voix
étranglée, je suis bien souffrant, va!
Et quand on pense que je ne m'en doutais pas!...
Il se laissa choir sur un siège, rempli de recon-
naissance pour un aussi bon voisin que l'apothicaire
qui venait de lui sauver la vie.
Et, dès ce jour, tisanes et potions entrèrent en
mouvement.
XX
Cependant, au commencement du mois suivant, le
docteur, ayant eu quelques clients sérieux, d'une
part, et, de l'autre, se croyant filouté par Fiairmon,
résolut de cesser une comédie qui ne profitait qu'à
son compère, et il annonça brusquement au bon-
netier qu'il était guéri.
— Guéri! moi! Y songez-vous? docteur.
— Mais, oui; mais, oui, parfaitement.
Ce fut une scène atroce :
— Non, je suis malade, très-malade, glapissait le
client, et vous voulez m'abandonner. Je vous en sup-
plie, docteur, ordonnez-moi quelque chose !
— Soit! répondit Dnchemin, je vais aller moi-
même vous préparer votre dernière potion.
Et prenant son chapeau, il courut chez l'apothi-
caire :
— Monsieur, lui dit-il, nous ne pouvons plus nous
entendre, vous le savez ; mais, pour couper court à
toute chicane entre nous, conservez la somme que
je vous réclamais; seulement pour Dieu!-débarrassez-
moi de cet imbécile qui m'assomme, et dites-lui qu'il
est sauvé.
— C'est bien, monsieur, répondit sèchement l'apo-
thicaire, en broyant une demi-douzaine de pois
cassés qu'il réduisit en poudre, et qu'il introduisit
dans une petite bouteille bizarre remplie d'eau
filtrée.
Dernièra potion de Vermisot, coût : 7 fr. 50.
Une rage sourde grondait dans ce cœur de phar-
macien.
— Misérable ! s'écria-t-il dès qu'il fut seul, tu as
voulu la guerre, soit ! elle sera féroce entre nous.
Et, dans sa colère, ayant brisé une petite fiole de
trois sous, il mit la potion du voisin à 0 fr. pour se
rattraper.
— Vous êtes très-malade, dit-il à ce malheureux;
le docteur sort d'ici, il ne me l'a pas caché ; lui seul
peut vous sauver. Voyez n'importe quel autre méde-
cin,je les connais, aucun d'eux ne vous guérira.
Ce fut alors une chasse infernale entre le bonnetier
et le docteur.
Ce dernier avait beau déménager, l'autre le pour-
suivait partout, la nuit, le jour, le dimanche, à la
porte des clients; fou de colère, Duchemin le souf-
fleta dans la rue; Vermisot, renversé, faillit être
écrasé par un fiacre. Duchemin fut arrêté.
Vermisot le réclama; mais après la période de la
patience vint celle de la colère.
— Ah! brigand, lui criait-il, tu ne veux pas me
soigner, je saurai t'yr contraindre. Ah! scélérat, nous
verrons qui cédera de nous deux.
Il lui arrachait tous ses cordons de sonnette et lui
faisait donner congé de partout par le scandale qu'il
causait.
— Si vous le faites arrêter, lui avait dit Fiairmon,
je dis toutau tribunal; je m'en moque; je viens d'héri-
ter, et je n'ai plus besoin de personne.
— Eh bien ! je ne céderai pas, s'était dit Duche-
min, je ne lui ordonnerai pas seulement pour deux
sous de réglisse.
VIE ET AVENTURES DE CÉSARIN JOLI-COCO (Suite)
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Vie et aventures de Césarin Joli-Coco (suite)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 9.1876, S. 27_063
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg