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10 Décembre 1876.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
187
beignet est parfait; je féliciterai moi-môme le chef;
c'est un artiste.
Après avoir bu un dernier verre de màcon, Paulus
se renversa à demi, s'étira, poussa un soupir de con-
tentement, et s'écria :
— Or çà, mon vieux Pamphile, tu vas prendre un
peu de café avec moi. Garçonne, deux demi-tasses!
A peine le garçon eut-il versé le café, que le pau-
vre Pamphile se jeta sur sa tasse et l'avala avec avi-
dité.
— Malheureux ! s'écria Pamphile en arrêtant le bras
de son ami ; malheureux ! que fais-tu là? Est-ce ainsi
que l'on boit le café? Le café, cette liqueur sainte,
cette liqueur divine, cet indispensable complément
de l'exquis déjeuner que nous venons de faire! le café
ne se boit pas, mon vieux Pamphile, il se fume. Oui,
il se fume. Tiens, regarde.
Et gorgé, repu, écarlate, prêt à éclater, les yeux à
demi fermés, Paulus souleva sa tasse avec recueille-
ment, la porta à ses lèvres, et doucement, posément,
en artiste, il but une gorgée de moka.
— Il existe à Londres, reprit Paulus, un club (en
anglais prononcez clob) de dégustateurs. Pour être
admis à faire partie de ce clob, il est nécessaire de
subir quelques' examens. Vous devez déguster suc-
cessivement, et sous l'œil d'experts, un nombre dé-
signé de liqueurs: Ce n'est pas pour me vanter, mon
vieux Pamphile, mais je crois que, si je veux m'en
donner la peine, je pourrai faire partie de ce clob...
Mais toi, mon pauvre ami, tu as une bien déplorable
façon de boire le café.
— Mon Dieu... balbutia Pamphile... c'est bien pos-
sible... seulement... tu sais... chacun a sa méthode...
chacun a...
— Du tout, interrompit Paulus avec colère, du tout;
je le nie, nego. 11 n'y a pas, il ne peut pas y avoir
deux manières de prendre le café. Une seule existe,
la mienne ! la mienne, entends-tu, mon vieux Pam-
phile? Toute autre est absurde, illogique, fausse, ab-
solument ridicule. Quant à moi, je ne regarderai ja-
mais comme mon ami l'homme qui boira autrement.
Paulus se leva, fit avancer une voiture, y monta,
et, tendant la main à Pamphile :
— Sans rancune, mon vieux, lui dit-il ; une autre
fois tu sauras boire le café.
Pamphile regarda la voiture s'éloigner; puis, en-
trant dans une boulangerie, il jeta deux sous sur le
comptoir.
— Pour dix centimes de pain, murmura-t-il.
G. T.
LES PETITES FLOUERIES PARISIENNES
Les vieilles Armures
Tous les métiers ne sont pas consignés dans l'An-
nuaire Bottin ; la preuve, c'est que l'on y cherche-
rait en vain les fabriques d'armures antiques.
Cependant, il s'en fait à Paris une telle consom-
mation que l'antiquité n'y suffirait certainement
pas.
J'ose à peine dire que cette petite flouerie est
presque excusable ; mais il n'y a que cela tout
juste.
Elle n'atteint et ne dupe que des bonshommes
assez ridicules pour singer le connaisseur en vieil-
leries, alors qu'ils sauraient à peine distinguer un
casque romain d'un moule à pâtisserie.
Frelatage pour frelatage, je me sens beaucoup
plus tolérant pour le vert-de-gris au moyen duquel
on donne à une cuirasse de neuf francs une valeur
CE PAUVRE MONSIEUR CORNARD (suite)
On ne voit pas bien. | On voit mieux. | Oh! les femmes! i Ob.! les amis!
10 Décembre 1876.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
187
beignet est parfait; je féliciterai moi-môme le chef;
c'est un artiste.
Après avoir bu un dernier verre de màcon, Paulus
se renversa à demi, s'étira, poussa un soupir de con-
tentement, et s'écria :
— Or çà, mon vieux Pamphile, tu vas prendre un
peu de café avec moi. Garçonne, deux demi-tasses!
A peine le garçon eut-il versé le café, que le pau-
vre Pamphile se jeta sur sa tasse et l'avala avec avi-
dité.
— Malheureux ! s'écria Pamphile en arrêtant le bras
de son ami ; malheureux ! que fais-tu là? Est-ce ainsi
que l'on boit le café? Le café, cette liqueur sainte,
cette liqueur divine, cet indispensable complément
de l'exquis déjeuner que nous venons de faire! le café
ne se boit pas, mon vieux Pamphile, il se fume. Oui,
il se fume. Tiens, regarde.
Et gorgé, repu, écarlate, prêt à éclater, les yeux à
demi fermés, Paulus souleva sa tasse avec recueille-
ment, la porta à ses lèvres, et doucement, posément,
en artiste, il but une gorgée de moka.
— Il existe à Londres, reprit Paulus, un club (en
anglais prononcez clob) de dégustateurs. Pour être
admis à faire partie de ce clob, il est nécessaire de
subir quelques' examens. Vous devez déguster suc-
cessivement, et sous l'œil d'experts, un nombre dé-
signé de liqueurs: Ce n'est pas pour me vanter, mon
vieux Pamphile, mais je crois que, si je veux m'en
donner la peine, je pourrai faire partie de ce clob...
Mais toi, mon pauvre ami, tu as une bien déplorable
façon de boire le café.
— Mon Dieu... balbutia Pamphile... c'est bien pos-
sible... seulement... tu sais... chacun a sa méthode...
chacun a...
— Du tout, interrompit Paulus avec colère, du tout;
je le nie, nego. 11 n'y a pas, il ne peut pas y avoir
deux manières de prendre le café. Une seule existe,
la mienne ! la mienne, entends-tu, mon vieux Pam-
phile? Toute autre est absurde, illogique, fausse, ab-
solument ridicule. Quant à moi, je ne regarderai ja-
mais comme mon ami l'homme qui boira autrement.
Paulus se leva, fit avancer une voiture, y monta,
et, tendant la main à Pamphile :
— Sans rancune, mon vieux, lui dit-il ; une autre
fois tu sauras boire le café.
Pamphile regarda la voiture s'éloigner; puis, en-
trant dans une boulangerie, il jeta deux sous sur le
comptoir.
— Pour dix centimes de pain, murmura-t-il.
G. T.
LES PETITES FLOUERIES PARISIENNES
Les vieilles Armures
Tous les métiers ne sont pas consignés dans l'An-
nuaire Bottin ; la preuve, c'est que l'on y cherche-
rait en vain les fabriques d'armures antiques.
Cependant, il s'en fait à Paris une telle consom-
mation que l'antiquité n'y suffirait certainement
pas.
J'ose à peine dire que cette petite flouerie est
presque excusable ; mais il n'y a que cela tout
juste.
Elle n'atteint et ne dupe que des bonshommes
assez ridicules pour singer le connaisseur en vieil-
leries, alors qu'ils sauraient à peine distinguer un
casque romain d'un moule à pâtisserie.
Frelatage pour frelatage, je me sens beaucoup
plus tolérant pour le vert-de-gris au moyen duquel
on donne à une cuirasse de neuf francs une valeur
CE PAUVRE MONSIEUR CORNARD (suite)
On ne voit pas bien. | On voit mieux. | Oh! les femmes! i Ob.! les amis!
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Ce pauvre monsieur Cornard (suite)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 9.1876, S. 27_187
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg