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L'ÉCLIPSÉ, REVUE
COMIQUE ILLUSTRÉE
A Février 1877.
— Attendez... Oui, oui. Il n'y en a pas long.
— Eh bien?
— C'est que...
— Lis donc, mon Dieu ! lis donc.
Carmen lit :
« M1,c Arabelle est suffisante clans son rôle de
soubrette, et elle est assez jolie pour avoir le droit
de se passer de talent. »
Arabelle. — Qu'est-ce que je disais? Quel mons-
tre !... Suffisante, jolie, pas de talent ! 0 Dieu 1 Et
on appelle cela de la justice !... Relis-moi donc en-
core ce qu'il a dit... Donne le journal... Ah ! oui, des
compliments à Olympe, une demi-colonne... Enfin,
je n'ai pas âe chance. Voyons le Constitutionnel. Ah !
on est gracieux pour moi, voilà de la critique. (Elle
prend les journaux du samedi et les journaux de
I braire.)
— Je suis sûre que madame trouvera dans ce tas-
là des opinions qui valent bien celles de M. Sarcey.
— Je le déteste, Sarcey ; mais, au moins, il s'oc-
cupe des artistes. Je crois qu'on a sonné.
— Je vais voir, madame.
(Arabelle dévore fiévreusement sa montagne de
papier. Carmen rentre.)
— Qui est-ce?
— C'est le professeur de piano. Je lui ai dit que
vous n'étiez pas levée.
— Tu as bien fait. Il faut que j'étudie mon rôle.
Ah ! par exemple, voilà un article bien fait, écoute :
« Il est impossible de se montrer aussi parfaite
que M110 Arabelle. Elle n'a que quelques mots à dire,
mais elle les dit avec une grâce si charmante qu'elle
sait s'y tailler un rôle. Nous serons bien étonnés si,
en passant dans le champ du télescope des critiques,
ils n'inscrivent pas ce nom nouveau au firmament
dramatique comme une étoile de première gran-
deur. Mllc Arabelle est très-jeune, c'est son seul dé-
faut. Elle est belle à ravir, sa diction est pure, son
jeu distingué, et elle a l'étoffe d'une comédienne.
« Une pièce nouvelle, un rôle plus en relief... (on
entend un coup de sonnette), et elle prendra, sans
hésiter, la place réservée aux artistes consacrés. »
(Deuxième coup de sonnette.)
i— Madame, c'est Monsieur.
— Dis-lui que je prends ma leçon de déclamation
rue des Martyrs.
— Et s'il y va?
— On lui dira que je viens de partir.
(Carmen sort, et rentre au bout de quelques ins-
tants.)
— Il est parti... pas content.
— Qu'est-ce que ça me fait?... Quid mimi, comme
dit Jules. "Voyons, il faut que j'étudie mon rôle.
— Madame devrait s'habiller... si madame s'enrhu-
mait...
— Tu as raison. Donne-moi ma robe de chambre.
Voilà.
— Madame ne déjeune pas.
— Tout de suite. Tiens, prend la brochure, et
donne-moi la réplique. (Elle fait trois pas, s'arrête
devant Carmen et récite.
« Monsieur le baron m'a dit de bien dire à ma-
dame... »
Carmen (lisant). — « Cela ne m'intéresse pas, le
baron est un sot. »
Arabelle (récitant). — « Qu'il dirait lui même à
madame... »
Carmen (lisant). —Vous êtes une sotte, laissez-
moi. Exit. (Parlé.) Qu'est-ce que cela veut dire, ma-
dame, exit?
— Je crois que cela veut dire : « émue. »
— Ah !... Faut-il lire la scène IV?
— C'est fini, voilà mon rôle : dix-huit mots. Ça
La première barbe d'Eugène Beaupiî (Suite)
L'ÉCLIPSÉ, REVUE
COMIQUE ILLUSTRÉE
A Février 1877.
— Attendez... Oui, oui. Il n'y en a pas long.
— Eh bien?
— C'est que...
— Lis donc, mon Dieu ! lis donc.
Carmen lit :
« M1,c Arabelle est suffisante clans son rôle de
soubrette, et elle est assez jolie pour avoir le droit
de se passer de talent. »
Arabelle. — Qu'est-ce que je disais? Quel mons-
tre !... Suffisante, jolie, pas de talent ! 0 Dieu 1 Et
on appelle cela de la justice !... Relis-moi donc en-
core ce qu'il a dit... Donne le journal... Ah ! oui, des
compliments à Olympe, une demi-colonne... Enfin,
je n'ai pas âe chance. Voyons le Constitutionnel. Ah !
on est gracieux pour moi, voilà de la critique. (Elle
prend les journaux du samedi et les journaux de
I braire.)
— Je suis sûre que madame trouvera dans ce tas-
là des opinions qui valent bien celles de M. Sarcey.
— Je le déteste, Sarcey ; mais, au moins, il s'oc-
cupe des artistes. Je crois qu'on a sonné.
— Je vais voir, madame.
(Arabelle dévore fiévreusement sa montagne de
papier. Carmen rentre.)
— Qui est-ce?
— C'est le professeur de piano. Je lui ai dit que
vous n'étiez pas levée.
— Tu as bien fait. Il faut que j'étudie mon rôle.
Ah ! par exemple, voilà un article bien fait, écoute :
« Il est impossible de se montrer aussi parfaite
que M110 Arabelle. Elle n'a que quelques mots à dire,
mais elle les dit avec une grâce si charmante qu'elle
sait s'y tailler un rôle. Nous serons bien étonnés si,
en passant dans le champ du télescope des critiques,
ils n'inscrivent pas ce nom nouveau au firmament
dramatique comme une étoile de première gran-
deur. Mllc Arabelle est très-jeune, c'est son seul dé-
faut. Elle est belle à ravir, sa diction est pure, son
jeu distingué, et elle a l'étoffe d'une comédienne.
« Une pièce nouvelle, un rôle plus en relief... (on
entend un coup de sonnette), et elle prendra, sans
hésiter, la place réservée aux artistes consacrés. »
(Deuxième coup de sonnette.)
i— Madame, c'est Monsieur.
— Dis-lui que je prends ma leçon de déclamation
rue des Martyrs.
— Et s'il y va?
— On lui dira que je viens de partir.
(Carmen sort, et rentre au bout de quelques ins-
tants.)
— Il est parti... pas content.
— Qu'est-ce que ça me fait?... Quid mimi, comme
dit Jules. "Voyons, il faut que j'étudie mon rôle.
— Madame devrait s'habiller... si madame s'enrhu-
mait...
— Tu as raison. Donne-moi ma robe de chambre.
Voilà.
— Madame ne déjeune pas.
— Tout de suite. Tiens, prend la brochure, et
donne-moi la réplique. (Elle fait trois pas, s'arrête
devant Carmen et récite.
« Monsieur le baron m'a dit de bien dire à ma-
dame... »
Carmen (lisant). — « Cela ne m'intéresse pas, le
baron est un sot. »
Arabelle (récitant). — « Qu'il dirait lui même à
madame... »
Carmen (lisant). —Vous êtes une sotte, laissez-
moi. Exit. (Parlé.) Qu'est-ce que cela veut dire, ma-
dame, exit?
— Je crois que cela veut dire : « émue. »
— Ah !... Faut-il lire la scène IV?
— C'est fini, voilà mon rôle : dix-huit mots. Ça
La première barbe d'Eugène Beaupiî (Suite)
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La première barbe d'Eugène Beaupif (suite)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Objektbeschreibung
Bildunterschrift: "D'abord ce n'est qu'en tremblant qu'Eugène Beaupif approche de sa figure le fer redoutable." "Mais bientôt, son appréhension premiére disparait. Eugène Beaupif se racle en appuyant de plus en plus fort, sans que le léger duvet qu'il a sous le nez veuille disparaitre." Signatur: "A. L. P."
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 10.1877, S. 1_250
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg