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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 10.1877

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https://doi.org/10.11588/diglit.6772#0148
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362

L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE

13 Mai 1877.

pie, vousjalliez installer une colonie dans les sava-
de l'Inde; mais, si vous partez en campagne,
regardez un soldat et faites comme lui.

— Heureusement, je n'ai encore rien acheté. Il me
semblait que les bazars du commerce ne me suffi-
raient pas.

— Il y a deux écucils h éviter : emporter trop de
choses ou pas assez. 11 faut le nécessaire et rien de
plus.

— Je ne peux cependant pas faire la campagne
avec un pantalon de nankin et des cigares?

— Certainement non. II y a quatre choses absolu-
ment indispensables pour suivre une armée, qui
sont :

1°Être vêtu;

2° Être nourri ou à peu près ;
3° Être logé ou abrité ;
4° Enfin, se transporter.

— Voyons.

— Pour le vêtement, du drap très-solide. Panta-
lon large, casquette et bottes épaisses.

— Du drap? en Orient? avec une température de
vers à soie?

— Il fait chaud le jour; mais, la nuit, si par
hasard vous couchez en plein air, vous serez trempé
par la rosée.

— Et pourquoi une casquette?

— Un chapeau de soie peut durer huit ou dix
jours, en le ménageant bien, et c'est aussi commode
qu'un bonnet à poil.

— Et pourquoi des bottes? J'aimerais mieux des
bottines.

— Mettez des escarpins de bal, si vous voulez. Ils
ne vous suivront pas, voilà tout.

— Bon! drap, casquette, bottes, c'est convenu.

— Ceinture de laine ou de flanelle faisant cinq ou
six fois le tour du corps.

— J'étoufferai !

— Vous ne vous apercevrez même pas que vous
en avez une. C'est la tenue d'Afrique et des Indes.

— Va pour la ceinture de flanelle.

— Chemise aussi. Vous ne trouverez pas énormé-
ment de blanchisseuses de fin en campagne, surtout
si vous marchez tous les jours. Maintenant, pour
manger, vous vous arrangerez comme vous pourrez.
Quand une armée aura passé dans un bourg ou un
village, vous songerez aux sauterelles de l'Écriture.
L'or est lui-même inutile en ces circonstances; mais
la faim est bonne conseillère, et on finit par ne pas
mourir complètement d'inanition. Appliquez-vous
donc à vous créer des relations sérieuses avec les
états-majors, l'intendance, et surtout les médecins.
Dans tous les pays du monde, un médecin trouverait
des artichauts sur un tas de cailloux. Faites-vous des
amis par des lettres de recommandation et une inal-
térable égalité d'humeur, même dans les moments
de crises et de vicissitudes.

— Bon!

— Quant à vous loger, c'est problématique. Si on

campe, c'est encore plus douteux. Si vous suivez la
campagne de loin, de ville en ville...

— Non, je veux voir de près.

— Munissez-vous d'une bonne couverture. Pour
vous transporter, ce sera encore plus difficile. Cepen-
dant, il y a énormément de fourgons et de chariots.
Si vous connaissez des officiers, vous aurez cette
ressource.

— Alors, ça n'est pas toujours amusant?

— Cela dépend des mouvements de l'armée, et
des chemins qu'elle suit. S'il y a des villes, et même

des villages, on s'arrange; si on marche à travers j
choux, on s'aperçoit que la civilisation a ses bons
côtés, sans médire de la belle nature.

— Voilà tout?

— Non. Vous achetez un sac de troupier contenant
votre linge, un costume d'été, et une paire de chaus-
sures de rechange. Vous y joignez quelques objets
de toilette, un bon guide, une carte, une gourde et
une lorgnette de course, plus un revolver dans la
poche.

— Vous êtes pour le revolver?

— Tout à fait. Excellent, le revolver. Quand vous
entrez dans une habitation pour manger ou coucher,
vous débouclez votre sac et vous posez votre revolver
dessus. Ça ne tue personne, mais cela inspire immé-
diatement de la considération.

— Merci, j'aurai un revolver.

— Outre cela, vous achèterez un sac de cuir qui
se porte en bandoulière, pouvant contenir dans une
poche : 1° un mémento daté pour notes, du papier
à lettres, enveloppes gommées avec le timbre-poste
collé d'avance; plumes et encrier; 2° vos papiers,
lettres, etc. ; 3° votre argent ; 4° ustensiles de fumeur,
tabac et cigares; en vous couchant, vous y fourrez
votre montre et autres objets ; 5° enfin, dans la partie
principale, une bouteille de vin, du pain et quelques
réserves, comme viande froide, saucisson et fromage.

— J'avais pensé à du chocolat.

— Pas mauvaise idée ; mais alors mettez le cho-
colat dans le grand sac de troupier. L'autre ne doit
contenir que les objets précieux ou d'usage fréquent.
Je crois qu'avec ces renseignements généraux vous
pourrez circuler.

— Mais si la campagne dure assez longtemps?

— Emportez une malle que vous laisserez à l'hôtel
d'une grande ville. Si les circonstances le permet-
tent, vous la ferez suivre de ville en ville. Peut-être
un mulet voudra-t-il bien s'en charger, si son pro-
priétaire est votre ami.

— Vous avez raison ; j'emportais un tas de choses
bêtes, des livres...

—■ Dans la malle, oui.

— Pas dans le sac de troupier?

— L'auteur favori. C'est là qu'on prend la mesure
des livres préférés, quand il faut les trimballer.

— Les deux volumes de poésies de Musset et mon
Guide.

— Parfait. Autre chose. Une fois en campagne,
vous ne saurez absolument rien de ce qui se passe.
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