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L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
8 Juillet 1877.
PHYSIOLOGIE DES ENFANTS
Sera batteur en grange. Futur gommeux. Sera le coq du village.
LE PRIX MONTHYON
« L'homme qui, passant ses nuits au j'en
ou h la Maison d'or, voit nécessairement
lever l'aurore et les balayeurs, cet homme,
messieurs, est-il vertueux ? »
(Discours à l'Académie.)
La vertu récompensée me fait toujours rire. J'ad-
mire cet original qui lègue sa fortune à une ména-
gerie, comme vous avez pu le voir dans les journaux
étrangers, mais je professe un culte pour ces bien-
faiteurs de l'humanité qui, après avoir vu le rideau
retomber sur la farce humaine, fondent des prix
pour l'amélioration des races vertueuses.
Autrefois, je prenais au sérieux cette cérémonie.
Mais aujourd'hui, riche de la perte de mes illusions,
la rude expérience des hommes et des choses m'a
depuis longtemps appris que le sol de Nanterre
n'est pas, comme le sable de la mer, mêlé de coquil-
lages, et les prix de vertu me paraissent un pré-
texte merveilleux à des discours littérairement aca-
démiques et souverainement ennuyeux.
N'est-ce pas une excellente plaisanterie que de
proclamer, en plein Institut, des aphorismes comme
celui-ci :
« N'accusons pas le siècle et ne désespérons pas
de l'humanité; nous avons jeté le .filet au milieu
d'une population de 38 millions d'âmes, et nous
avons péché vingt personnes vertueuses. »
Vingt honnêtes gens en France, c'est peut-être
beaucoup dire...
Si de tels résultats prouvaient quelque chose, c'est
qu'il faut deux millions d'individus pour former un
lauréat. Comme cela repose le cœur, n'est-ce pas?...
La statistique me fait parfois rêver.
Je ne puis résister au plaisir de donner ici quelques
extraits du règlement officiel sur les prix de vertu :
PRIX MONTYON POUR L'ANNEE 18 . .
PRIX DE VERTU
Ce prix est distribué annuellement par l'Académie;
tous les départements de la France sont admis à con-
courir; il peut être donné intégralement, ou partagé
en plusieurs prix et en un certain nombre de médailles
ou récompenses. L'Académie fixe, lors du jugement du
concours, la somme qui sera allouée à chacune des
actions qui ont mérité d'être distinguées par elle.
Ces sommes sont payables au secrétariat de l'Insti-
tut; les personnes doivent se présenter elles-mêmes,
ou se faire représenter par un fondé de pouvoirs muni
d'un titre notarié.
Les demandes d'admission au concours des prix de
vertu sont faites notamment par les autorités du lieu
où réside la personne présentée.
On adresse un mémoire très-détaillé de l'action ou
des actions vertueuses; on a soin d'indiquer les nom,
prénoms, lieu de naissance, âge de la personne pré-
sentée, l'époque et la durée de l'action, qui doit s'être
prolongée jusque dans le cours des deux années pré-
cédentes, le nom et le domicile des personnes qui en
ont été l'objet.
J'ai bien étudié ce chef-d'œuvre, qui renferme le
catalogue de toutes les vertus, je n'y vois pas la
modestie. Eh ! si vous voulez que j'admire vos lau-
réats, messieurs de l'Académie, ne les payez pas !
Pour moi, qui n'aurai jamais le Prix Montyon,
ni vous non plus, cruelle Cydalise, la première fois
que je vous rencontrerai, je voue dirai le syllogisme
des écoles :
« Il faut aimer ce qui nous rend heureux :
Donc, madame, je ne puis aimer la vertu. »
D. D. D.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
8 Juillet 1877.
PHYSIOLOGIE DES ENFANTS
Sera batteur en grange. Futur gommeux. Sera le coq du village.
LE PRIX MONTHYON
« L'homme qui, passant ses nuits au j'en
ou h la Maison d'or, voit nécessairement
lever l'aurore et les balayeurs, cet homme,
messieurs, est-il vertueux ? »
(Discours à l'Académie.)
La vertu récompensée me fait toujours rire. J'ad-
mire cet original qui lègue sa fortune à une ména-
gerie, comme vous avez pu le voir dans les journaux
étrangers, mais je professe un culte pour ces bien-
faiteurs de l'humanité qui, après avoir vu le rideau
retomber sur la farce humaine, fondent des prix
pour l'amélioration des races vertueuses.
Autrefois, je prenais au sérieux cette cérémonie.
Mais aujourd'hui, riche de la perte de mes illusions,
la rude expérience des hommes et des choses m'a
depuis longtemps appris que le sol de Nanterre
n'est pas, comme le sable de la mer, mêlé de coquil-
lages, et les prix de vertu me paraissent un pré-
texte merveilleux à des discours littérairement aca-
démiques et souverainement ennuyeux.
N'est-ce pas une excellente plaisanterie que de
proclamer, en plein Institut, des aphorismes comme
celui-ci :
« N'accusons pas le siècle et ne désespérons pas
de l'humanité; nous avons jeté le .filet au milieu
d'une population de 38 millions d'âmes, et nous
avons péché vingt personnes vertueuses. »
Vingt honnêtes gens en France, c'est peut-être
beaucoup dire...
Si de tels résultats prouvaient quelque chose, c'est
qu'il faut deux millions d'individus pour former un
lauréat. Comme cela repose le cœur, n'est-ce pas?...
La statistique me fait parfois rêver.
Je ne puis résister au plaisir de donner ici quelques
extraits du règlement officiel sur les prix de vertu :
PRIX MONTYON POUR L'ANNEE 18 . .
PRIX DE VERTU
Ce prix est distribué annuellement par l'Académie;
tous les départements de la France sont admis à con-
courir; il peut être donné intégralement, ou partagé
en plusieurs prix et en un certain nombre de médailles
ou récompenses. L'Académie fixe, lors du jugement du
concours, la somme qui sera allouée à chacune des
actions qui ont mérité d'être distinguées par elle.
Ces sommes sont payables au secrétariat de l'Insti-
tut; les personnes doivent se présenter elles-mêmes,
ou se faire représenter par un fondé de pouvoirs muni
d'un titre notarié.
Les demandes d'admission au concours des prix de
vertu sont faites notamment par les autorités du lieu
où réside la personne présentée.
On adresse un mémoire très-détaillé de l'action ou
des actions vertueuses; on a soin d'indiquer les nom,
prénoms, lieu de naissance, âge de la personne pré-
sentée, l'époque et la durée de l'action, qui doit s'être
prolongée jusque dans le cours des deux années pré-
cédentes, le nom et le domicile des personnes qui en
ont été l'objet.
J'ai bien étudié ce chef-d'œuvre, qui renferme le
catalogue de toutes les vertus, je n'y vois pas la
modestie. Eh ! si vous voulez que j'admire vos lau-
réats, messieurs de l'Académie, ne les payez pas !
Pour moi, qui n'aurai jamais le Prix Montyon,
ni vous non plus, cruelle Cydalise, la première fois
que je vous rencontrerai, je voue dirai le syllogisme
des écoles :
« Il faut aimer ce qui nous rend heureux :
Donc, madame, je ne puis aimer la vertu. »
D. D. D.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Physiologie des enfants
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 10.1877, S. 2_012
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg