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L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
26 Août 1877.
sa mère, qui nous laissa seuls assez longtemps, sans
doute pour donner des ordres.
« L'aventure datait à peine de trois jours. Andrée'
paraissait aussi tranquille que si rien ne s'était passé.
« Elle me regarda un instant et me tendit la main
en souriant.
« — Vous êtes mon ami? me dit-elle.
« — Oui.
« — Je suis votre amie.
« — Voulez-vous être ma femme?...
« — Oui.
« — Andrée, je vous aime.
« — Je le sais, Horace, je vous aime aussi. »
<( Je la mis rapidement au courant de ce que j'avais
appris sur elle et du refus que je venais d'essuyer.
Elle me répondit que ses parents n'accepteraient
pas ma demande personnelle, mais qu'elle me con-
seillait de la faire.
« Je lui dis alors que c'était notre séparation et qu'il
vaudrait peut-être mieux gagner du temps. Elle me
fit comprendre que mes parents, étant prévenus,
cesseraient toutes relations avec sa famille, et qu'il
me serait impossible d'être accueilli à l'avenir. ,
« Elle me donnaunebague et son portrait, me pro-
mit de m'ôcrire aussi souvent qu'elle pourrait pour
nous concerter, et me pria d'attendre sa majorité.
Elle avait dix-neuf ans.
« Elle partait le soir même.
« Sa mère rentra. Jelui demandai quelques minutes
d'entretien particulier. Quand Andrée sfc fut éloignée,
je lui fis ma demande.
« Elle meréponditfroidementqu'elleapprouvaitle
refus de mon père et de ma mère.
« Je sortis.
« Pendant les huit mois que dura l'absence d'An-
drée, jë ne sais comment j'ai vécu. Elle m'écrivait
souvent, et ses lettresétaient la seule chose qui occu-
pait ma pensée. Elle revint à Paris au milieu du
mois de janvier. J'étais informé par elle de ses sor-
ties, de ses promenades. Je la voyais à la messe et
au théâtre, et je fus assez heureux pour ne jamais
être remarqué de sa mère ou de ceux qui raccom-
pagnaient.
— Gomment pouvait-elle te faire parvenir des
lettres sans être surprise en les jetant à la poste?
— Je m'étais entendu avec un joueur d'orgue de
Barbarie qui, tous les matins, allait jouer sous ses
fenêtres. Elle lui jetait une pièce de monnaie enve-
loppée dans un morceau de papier. La pièce était
pour le musicien, le papier était pour moi. Mainte-
nant, mon cher Alfred, tu connais mon secret. Les
deux familles savent que nous sommes décidés à nous
marier et préfèrent ne pas attendre les sommations
respectueuses.
« Le mariage auralieudanscinqjoursetj'ai compté
sur ton amitié pour être mon témoin et mon garçon
d'honneur.
— De tout mon cœur, mon cher Horace.
— Et tu comprends pourquoi la jeune fille que
tu as vue ce soir au Théâtre-Français a souri à la
scène de Rosine doutant de l'amour d'Almaviva,
n'est-ce pas?
Charles Jouet.
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
26 Août 1877.
sa mère, qui nous laissa seuls assez longtemps, sans
doute pour donner des ordres.
« L'aventure datait à peine de trois jours. Andrée'
paraissait aussi tranquille que si rien ne s'était passé.
« Elle me regarda un instant et me tendit la main
en souriant.
« — Vous êtes mon ami? me dit-elle.
« — Oui.
« — Je suis votre amie.
« — Voulez-vous être ma femme?...
« — Oui.
« — Andrée, je vous aime.
« — Je le sais, Horace, je vous aime aussi. »
<( Je la mis rapidement au courant de ce que j'avais
appris sur elle et du refus que je venais d'essuyer.
Elle me répondit que ses parents n'accepteraient
pas ma demande personnelle, mais qu'elle me con-
seillait de la faire.
« Je lui dis alors que c'était notre séparation et qu'il
vaudrait peut-être mieux gagner du temps. Elle me
fit comprendre que mes parents, étant prévenus,
cesseraient toutes relations avec sa famille, et qu'il
me serait impossible d'être accueilli à l'avenir. ,
« Elle me donnaunebague et son portrait, me pro-
mit de m'ôcrire aussi souvent qu'elle pourrait pour
nous concerter, et me pria d'attendre sa majorité.
Elle avait dix-neuf ans.
« Elle partait le soir même.
« Sa mère rentra. Jelui demandai quelques minutes
d'entretien particulier. Quand Andrée sfc fut éloignée,
je lui fis ma demande.
« Elle meréponditfroidementqu'elleapprouvaitle
refus de mon père et de ma mère.
« Je sortis.
« Pendant les huit mois que dura l'absence d'An-
drée, jë ne sais comment j'ai vécu. Elle m'écrivait
souvent, et ses lettresétaient la seule chose qui occu-
pait ma pensée. Elle revint à Paris au milieu du
mois de janvier. J'étais informé par elle de ses sor-
ties, de ses promenades. Je la voyais à la messe et
au théâtre, et je fus assez heureux pour ne jamais
être remarqué de sa mère ou de ceux qui raccom-
pagnaient.
— Gomment pouvait-elle te faire parvenir des
lettres sans être surprise en les jetant à la poste?
— Je m'étais entendu avec un joueur d'orgue de
Barbarie qui, tous les matins, allait jouer sous ses
fenêtres. Elle lui jetait une pièce de monnaie enve-
loppée dans un morceau de papier. La pièce était
pour le musicien, le papier était pour moi. Mainte-
nant, mon cher Alfred, tu connais mon secret. Les
deux familles savent que nous sommes décidés à nous
marier et préfèrent ne pas attendre les sommations
respectueuses.
« Le mariage auralieudanscinqjoursetj'ai compté
sur ton amitié pour être mon témoin et mon garçon
d'honneur.
— De tout mon cœur, mon cher Horace.
— Et tu comprends pourquoi la jeune fille que
tu as vue ce soir au Théâtre-Français a souri à la
scène de Rosine doutant de l'amour d'Almaviva,
n'est-ce pas?
Charles Jouet.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
M. Adolphe (fin)
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 10.1877, S. 2_068
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg