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a quelque chose de religieux. Il nous apprend que notre effort pour
dégager de l’animalité les éléments rudimentaires d’une harmonie
sociale, dépasse en puissance essentielle tous nos efforts suivants pour
réaliser dans l’esprit l’harmonie supérieure que nous n’atteindrons
d’ailleurs pas. Nulle invention. La base de l’édifice humain est faite
de découvertes quotidiennes, et ses plus hautes tours sont des entasse-
ments patients de généralisations progressives. L’homme a copié la
forme de ses outils de chasse et d’industrie sur les becs, les dents
et les griffes, il a emprunté aux fruits leur forme pour ses premiers
pots. Ses poinçons, ses aiguilles ont été d’abord des épines, des arêtes,
il a saisi dans les lames imbriquées, les articulations et les fermoirs
des os l’idée des charpentes, des jointures et des leviers. Là est le seul
départ de l’abstraction miraculeuse, des formules les plus purifiées
de toute trace d’expérience, du plus haut idéal. Et c’est là que nous
devons chercher la mesure de notre humilité et de notre force à la fois.
L’arme, l’outil, le vase, et, dans les climats rudes, un grossier
vêtement de peau, voilà les premières formes étrangères à sa propre
substance que façonne le primitif, environné de bêtes de proie, assailli
sans relâche par les éléments hostiles d’une nature encore chaotique,
voyant des forces ennemies dans le feu, l’orage, le moindre tressaille-
ment du feuillage ou de l’eau, dans les saisons même, et le jour et la
nuit, avant que les saisons et le jour et la nuit, avec le battement de ses
artères et le bruit de ses pas, lui aient donné le sens du rythme. L’art
est d’abord un outil d’utilité immédiate, comme les premiers balbu-
tiements du verbe : désigner les objets qui l’entourent, les imiter ou
les modifier pour s’en servir, l’homme ne va pas au delà. L’art ne
peut être encore un instrument de généralisation philosophique qu’il
ne saurait pas utiliser. Mais il forge cet instrument, puisqu’il dégage
déjà de son milieu quelques lois rudimentaires qu’il applique à son
profit.
Les hommes, les jeunes gens courent les bois. Leur arme est
d’abord la branche noueuse arrachée au chêne ou à l’orme, la pierre
ramassée sur le sol. Les femmes restent cachées dans la demeure,
étape improvisée ou grotte, avec les vieux, avec les petits. Dès ses
premiers pas titubants, l’homme est aux prises avec un idéal, la bête
qui fuit et qui représente l’avenir immédiat de la tribu, le repas du
soir, dévoré pour faire des muscles aux chasseurs, du lait aux mères.
La femme, au contraire, n’a devant elle que la réalité présente et

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