proche, le repas à préparer, l’enfant à nourrir, la peau à faire secher,
plus tard le feu à entretenir. C’est elle, sans doute, qui trouve le pre-
mier outil, le premier pot, c’est elle le premier ouvrier. C est de son
rôle réaliste et conservateur que sort l’industrie humaine. Peut-être
aussi assemble-t-elle en colliers des dents et des cailloux, pour attirer
sur elle l’attention et plaire. Mais sa destinée positive ferme son
horizon, et le premier véritable artiste, c’est l’homme. C est 1 homme
explorateur des plaines, des forêts, navigateur des rivières et qui sort
des cavernes pour étudier les constellations et les nuages, c est 1 homme
de par sa fonction idéaliste et révolutionnaire qui va s emparer des
objets que fabrique sa compagne pour en faire peu à peu 1 instrument
expressif du monde des abstractions qui lui apparaît confusément.
Ainsi, dès le début, les deux grandes forces humaines réalisent cet
équilibre qui ne sera jamais rompu : la femme, centre de la vie immé-
diate, élève l’enfant et maintient la famille dans la tradition néces-
saire à la continuité sociale, l’homme, foyer de la vie imaginaire, s en-
fonce dans le mystère inexploré pour préserver la société de la mort en
la dirigeant dans les voies d’une évolution sans arrêt.
L’idéalisme masculin, qui sera plus tard un désir de conquête
morale, est d’abord un désir de conquête matérielle. Il s’agit, pour
le primitif, de tuer des bêtes afin d’avoir de la viande, des ossements,
des peaux, il s’agit de séduire une femme afin de perpétuer 1 espèce
dont la voix crie dans ses veines, il s’agit d’effrayer les hommes de la
tribu voisine qui veulent lui ravir sa compagne ou empiéter sur ses
territoires de chasse. Créer, épancher son être, envahir la vie d alen-
tour, l’instinct reproducteur est le point de départ de toutes ses plus
hautes conquêtes, de son besoin futur de communion morale et de
sa volonté d’imaginer un instrument d’adaptation intellectuelle à la
loi de son univers. Il a déjà l’arme, le silex éclaté, il lui faut l’ornement
qui séduit ou épouvante, plumes d’oiseaux au chignon, colliers de
griffes ou de dents, manches d’outils ciselés, tatouages, couleurs
fraîches bariolant la peau.
L’art est né. L’un des hommes de la tribu est habile a tailler une
forme dans un os, ou à peindre sur le torse ou le bras un oiseau aux
ailes ouvertes, un mammouth, un lion, une fleur. En rentrant de la
chasse, il ramasse un bout de bois pour lui donner l’apparence d un
animal, un morceau d’argile pour le pétrir en figurine, un os plat
pour y graver une silhouette. Il jouit de voir vingt faces rudes et naïves
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plus tard le feu à entretenir. C’est elle, sans doute, qui trouve le pre-
mier outil, le premier pot, c’est elle le premier ouvrier. C est de son
rôle réaliste et conservateur que sort l’industrie humaine. Peut-être
aussi assemble-t-elle en colliers des dents et des cailloux, pour attirer
sur elle l’attention et plaire. Mais sa destinée positive ferme son
horizon, et le premier véritable artiste, c’est l’homme. C est 1 homme
explorateur des plaines, des forêts, navigateur des rivières et qui sort
des cavernes pour étudier les constellations et les nuages, c est 1 homme
de par sa fonction idéaliste et révolutionnaire qui va s emparer des
objets que fabrique sa compagne pour en faire peu à peu 1 instrument
expressif du monde des abstractions qui lui apparaît confusément.
Ainsi, dès le début, les deux grandes forces humaines réalisent cet
équilibre qui ne sera jamais rompu : la femme, centre de la vie immé-
diate, élève l’enfant et maintient la famille dans la tradition néces-
saire à la continuité sociale, l’homme, foyer de la vie imaginaire, s en-
fonce dans le mystère inexploré pour préserver la société de la mort en
la dirigeant dans les voies d’une évolution sans arrêt.
L’idéalisme masculin, qui sera plus tard un désir de conquête
morale, est d’abord un désir de conquête matérielle. Il s’agit, pour
le primitif, de tuer des bêtes afin d’avoir de la viande, des ossements,
des peaux, il s’agit de séduire une femme afin de perpétuer 1 espèce
dont la voix crie dans ses veines, il s’agit d’effrayer les hommes de la
tribu voisine qui veulent lui ravir sa compagne ou empiéter sur ses
territoires de chasse. Créer, épancher son être, envahir la vie d alen-
tour, l’instinct reproducteur est le point de départ de toutes ses plus
hautes conquêtes, de son besoin futur de communion morale et de
sa volonté d’imaginer un instrument d’adaptation intellectuelle à la
loi de son univers. Il a déjà l’arme, le silex éclaté, il lui faut l’ornement
qui séduit ou épouvante, plumes d’oiseaux au chignon, colliers de
griffes ou de dents, manches d’outils ciselés, tatouages, couleurs
fraîches bariolant la peau.
L’art est né. L’un des hommes de la tribu est habile a tailler une
forme dans un os, ou à peindre sur le torse ou le bras un oiseau aux
ailes ouvertes, un mammouth, un lion, une fleur. En rentrant de la
chasse, il ramasse un bout de bois pour lui donner l’apparence d un
animal, un morceau d’argile pour le pétrir en figurine, un os plat
pour y graver une silhouette. Il jouit de voir vingt faces rudes et naïves
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