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sation d’un esprit européen qui a donné des fruits merveilleux mais croule
à cette heure même. C’est de tout ce qui n’est pas le génie grec aussi bien
que du génie grec que nous pouvons espérer la naissance d’un esprit qui
ne sera peut-être plus exclusivement, ni peut-être même point du tout
européen, mais acheminera l’homme, en un coin du monde, ou partout,
vers une méthode nouvelle, et vivante, d’exploration, d’exploitation, de déve-
loppement de ses moyens.
Je sais bien qu’un danger terrible surgit à cet instant précis. Le radeau,
même disloqué, est malgré tout, entre l’abîme et nous, une barrière. Hors
lui c’ est la mer sans limites, pleine de monstres, et nul ne sait, en s’y jetant,
s’il atteindra le rivage ou le vaisseau. Nous ne savons où peut nous entraîner
cette séduction qu’exercent sur nous les civilisations étrangères à la nôtre.
Nos goûts, nos modes peuvent tenir, et tiennent presque toujours à des
besoins momentanés qu’il est redoutable de prendre pour des besoins pro-
fonds. Et ces besoins profonds eux-mêmes risquent, si nous nous penchons
trop sur eux, de nous attirer dans leur vertige jusqu’à l’oubli de ce que
nous sommes, et la mort. Nous ne sommes pas des Chinois ni des Hindous,
ni des Égyptiens, ni des Nègres, ni des Aztèques. A coup sûr, et c’est l’ar-
gument ou plutôt le sentiment qui, bien avant la Renaissance, du temps même
de Phidias, — et parce que Phidias, dans le sens où il allait, ne pouvait
être dépassé, — a créé l’académisme occidental. Le dégoût de cet acadé-
misme — ou, pour étendre à l’activité entière de l’esprit notre point de
départ plastique, de la méthode occidentale routinière et découragée —
doit-il nous jeter dans le péril contraire, nous mettre à la remorque de
l’Afrique et de l’Orient, anéantir la force européenne? Oui, si nous igno-
rons qu’il y a aussi, et que nous risquons de nous y noyer d’un seul coup,
un académisme égyptien, chinois, hindou, aztèque, nègre. Non, si nous
assimilons comme une nourriture l’apport spirituel que nous apportent
aujourd’hui l’Afrique et l’Orient pour l’incorporer vraiment à la pensée
occidentale. Et si cette pensée est avertie qu’elle ne fut elle-même, depuis
deux ou trois mille ans, que pour avoir assimilé comme une nourriture
l’apport spirituel offert aux marins de l’Égée et aux bergers du Pinde
par les trois missionnaires symboliques qui venaient d’Asie, de Phénicie,
d’Egypte, — Pélops, Cadmos et Danaos.
Quoi qu’il en soit, le fait est là, à coup sûr redoutable, mais impossible
à nier, impossible à abolir. L’art grec n’a plus pour nous qu’une valeur
relative très haute à coup sûr, et puissamment stimulatrice, et sa valeur
absolue, pour l’homme d’aujourd’hui, décidé à jouir, à souffrir pleine-
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