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3« Janvier 1913

s a z e t t e des ahdenne3

DES FAITS

Réponse à l'appel des protestants français
aux protestants des pwgtft neutres
Par Adolphe BOLLIGER

DOCTBUa EN THtOl.OGIB ET EN PtlILOSOITlIE
PÀÇTEOft DE lÛRICH-NEL'MÛ.NSTER

Cher» frère* tant éprouvés !

Au milieu de le grande détresse qui s'est abattue sur
|* France et «ur une grande partie de 1» terre, vous voue
.fforcei de gagner notre sympathie. Vous prétendez que
,11» neutralité des arme» peut être permise, la neutralité
(Jet sentiment» est en tout cai illicite (moralement
iBidmiaaible). Vou* exiges de nous que noua profes-
sion» une idée, et, qu e» qualité de protestants, do
chrétiens, d'homme», nous prenions parti pour la cause
*mto _ qM nou* nous déclarions solidaires par pen-
(fe «t par parole*, de la bonne cause et qu'avec voua
n0ui haïssions le mal ; et en cela, voua avez raison ;
tous l'exige» en Tcrtu de l'épître'de l'apôtre St-Paul
(tttx Romains ia,g). Voua rivez dant la croyance que
la cauee de la France et celle de sea alliés est une cause
juste et sacrée, avec laquelle noua devrions faire acte
d* solidarité.

Je me permets de juger votre appel et de vous
répondre, moi seul. Si ce aont de* faita et de» argu-
ment», que j'ai à mettre sous vos yeux, ma réponse est
bonne', bien qu'elle ne aoit signée que de mon modeste
nom. Si le» fait» authentique* et le» arguments con-
TaincanU manquent, la réponte n'aurait pa» plua.de
poid», mém* ti, comme votre appel, elle t'iliuatrait de
cinquante ou cent nom» remarquables. La question
principale de votre écrit est cclle^de savoir qui a déchaî-
né celte terrible guerre ;et vous'nou* imposer, comme
une affaire de conscience, voire comme le plu» haut
devoir, de rechercher la vérité. Que cela «oit J

Voûs déclarei vous-mêmes et assurez que la France
n'a ni voulu, ni préparé, ni déclaré cette guerre impie.
Et dan» un deuxième appel, qui émane également de
votre milieu, vou» cherchez à détourner de la Russie et
de l'Angleterre la responsabilité de cette guerre.

C'est l'Autriche et surtout l'Allemagne que vous
rendez fautive» dea horreur» qui se sont abattues sur la
belle terre de Dieu et qui en ont transformé une grande
partie en un ta* de cendre* et de décombres. 11 est in-
contestable que la Frano*, la Russie, l'Angleterre, si
■ou» ce» nom* l'on comprend le* peuples français,
russes et anglais,' — n'ont pas voulu la guerre. Le»
peuples comme tel» aont toujour» pacifique» et désirent
jouir en tout* tranquillité" de* fruit» de la paix.

La question eat de savoir, si lea gouvernement» des
troîi grande* puissance», — c'est-à-dire ai les puissants
faiseur» et metteurs en oeuvre, le» financier» et le»
Intrigant» ». l'ombre de* gouvernements, qui eux-
mêmea trè» souvent impuissants portaient cependant le
nom de gouvernement comme « lucus a non lucendo n
— voulaient la guerre. Il s'agit de savoir si les instance*
qui avaient à décider delà guerre ou de la paix, c'est-à-
dire au acn» 1* plu» étroit I* France, la Russie et l'Angle-
terre ont travaillé en vue de 1* guerre et ont hâté aa
venue. Et il faut répondre par l'affirmative, sans si,
■an* mais et sena aucune atténuation. Je vous pose la
question : Meesieura Delcassé et Poincaré, le roi
Edouard, le grand-duc Nicolaa NicolaieviUch, Jswolsky
«t le nombre considérable de leurs coréligionnaires et
collaborateur», iont-il» le» invention» d'un poète, où
bien leur* projets et leur» acte» sont-il» de» réalités
authentique* de l'histoire contemporaine et du passé
récent t *

Est-ce que le» centaines de fil» qui depuis de lon-
gues année* furent ttaméa dans le.but de nouer la plus
puissante coalition de l'histoire, d'encercler et d'isoler
l'Allemagne — ce* centaines-de fil» ne furent-ila tramé»
que dans notre cerveau f Est-ce que la Triple-En lente
n'était qu'une simple fiction ? Si la France, qui comme
voua le prétendez vous-mêmes — n'a jamais cessé de-
pui* 1871, de protester contre l'annexion de l'Alsace-
Lorraine et n-'a point abandonné l'idée de la revanche
—était un dea membres de cette Triple-Entente, croyei-
vou» encore que les gouvernements et faiseurs avaient
formé cette entente pour entourer l'Allemagne d'amour
et la couronner de roses » Et à quoi rimait le geste de
la France, la grande et noble France, qui jadi» avait
allumé et porté en tête de» nation» le flambeau de la
liberté, de l'égalité et de la fraternité — de conclure
une alliance avec l'Etat qui Laisse périr misérablement
dans ses cachot* des centaines des meilleur» qui vou-
laient, eux aussi, allumer pour le peuple le flambeau de
la liberté ï Eet-il seulement une invention do notre
fantaisie, le fait que la France a prêté à l'empire russe
millions sur millions, milliards sur milliards afin que
la Russie construise ses lignes stratégiques et achève se»
armements ? EbI-cc qu'un motif trop puissant ne devait
pa* exister pour que l'Angleterre — qui est vraiment
l'antipode le plus grand de la Russie en Asie — fût la
troisième dans l'alliance t Cher» frères, s'il en eat un
parmi vous qui puisse prouver, qu* cette Triple-En-
tente rie nourrissait aucune intention hostile à l'égard
. de l'Allemagne, et qu'on ne préparait en aucune ma-
nière une guerre contre elle, je veux dans toute ma vie
ne plus faire imprimer une seule ligne.

Comme vous êtes Français, et comme nous discu-
tons ensemble tout d'abord la responsabilité de la
France, je voudrais bien rappeler a votre mémoire un
fait très instructif. Vous savez que votre grand Ministre
des Affaires étrangères Delcassé, qui dernièrement dis-
parut de la scène politique, a voué son aine et un»
grande partie de sa vie h l'idée de la revanche. Un d*
vos eïpnts le» plus tins (1) a montré clairement 1 ceux

U) François Dclaist 11 La guerre qui vient

qui ne le savaient pas, ou qui l'avaient oublié, que cet
homme, petit de corps mais grand de haine, déjà e*h
igo5, vous avait amenés .^i deux doigts de la guerre. Cet
homme gouvernail à celte époque, depuis 10 ans la
politique étrangère de la France. Il avait conspiré en
iqo3 avec Edouard VII, lorsque celui-ci séjournait à
Paris, pour travailler à encercler l'Allemagne. Depuis,
il avait lui-même collaboré à l'encerclement de l'Alle-
magne et cela, sans que le gouvernement n'en sut la
moindre chose. n En même temps il essayait de dé-
rtache» l'Italie de la Triple-Alliance, négociait à S.iinU
Pélersbourg,. intriguait a Conslantinople et s'arran-
geait pour que l'Allemagne étant isolée, l'Angleterre,
appuyée par la France, pût tenter de l'écraser. »

Naturellement l'empereur Guillaume II ne tarda pa»
à deviner la manœuvre et par l'intermédiaire de son
ambassadeur à Paris, il lança une sorte d'ultimatum.
A la Chambre grande émotion, affolement même. Et
voilà le plus beau de toute l'affaire : le plus stupéfait,
c'était le Président du Conseil Bouvier lui-même. II ne
savait rien de tout cela. Le petit homme Delcassé, sans
consulter le gouvernement, avait poursuivi son œuvre
d'encerclement et presque jeté la France dans une
guerre. Delcassé dut alors exposer ses intrigues mal-
honnêtes et le cabinet Rouvier eut encore assez d'éner-
gie pour débarquer et mettre à la porte cet homme
dangereux. Le danger était cette fois conjuré. Mais la
France njeut pas la force de la bannir pour toujours —
lui et ses acolytes — des postes responsables. Delcassé j
ne resta pa» longtemps dans l'ombre. II fut bientôt
appelé à l'endroit convenable, envoyé en qualité d'Am-
bassadeur dé France à Saint-Pétersbourg. C'était de la
part de la France, si, comme vous le dites dans votre -
écrit, clic voulait la paix — aussi intelligent que d'en-
fermer le loup dans la bergerie. 11 monta encore plut
haut : l'homme dangereux de ioo5 redevint ministre,
non comme Saint-Paul converti, mais comme le .vieux
Saûl —et même Ministre de» Affaires étrangères. En
cette qualité, il a travaillé honnêtement — si l'on peut
poursuivre avec honnêteté une œuvre si affreuse — à
déchaîner cette catastrophe mondiale, et il avait en
France de puissants collaborateurs. A quoi sert que la
France, comme telle, n'eût pas voulu la guerre, si la
petite clique compétente la voulait et s'il lui était im-
possible d'éloigner de tels hommes du pouvoir.

Chaque peuple a, au fond, le gouvernement qu'il
mérite. Si la grande majorité des Français ne voulait
pas la guerre, c'est bien alors leur faute, s'ils ont remis
le sort de la France entre les mains de Delcassé et de»
partisans de sa politique.

L'indolence et les péchés d'omission sont toujour»
les péchés les plus graves et sont punis par l'histoire
(c'est-à-dire par le» lois divines) plus sévèrement que
le* péchés réel».

Il est vrai que Delcassé est descendu de son fauteuil
de Ministre et que bientôt il descendra encore plus bas,
à savoir dans la tombe ; si, alors, chaque Français et
chaque Française et tous les allié» qui maudissent l'œu-
vre de sa vie, jettent chacun une pierre sur sa tombe,
il ne tardera pas à avoir un monument plu» grand que
celui du roi Chéops. Mais à quoi servent maintenant
les malédiction» et les pierres et les larmes ? s

Cher» frèrcsl La phrase qui suit : «La France, l'An-
gleterre et la Russie en tant que nations, n'ont pa» "
voulu la guerre » ne signifie rien et sur ce point noua
sommes entièrement d'accord. C'est une formule plate
dont le sens apparaît clairement et qui n'est pas le re-
flet de votre esprit. Vous avex prétendu dan* vos deux
appels que la Russie, l'Angleterre et la France — vou»
entendiez par ces mots le» classes dirigeantes et gou-
vernantes — ne voulaient pa» la guerre. Et dan» ce
aen» étroit, même le plu» étroit, je me servirai moi-
même toujour» de ce* expressions.

La Russie n'a pm voulu la guerre. — D'après votre
exposé, elle ne pouvait pa» la vouloir, car elle n'était
pas prête, comme cela s'est manifesté dans toutes le*
difficultés qui ont surgi. {Revue chrétienne p. 118.)

L'Angleterre non plus. — Elle voulait si peu lu
guerre que nous autres Français, nous fûmes jusqu'au
dernier moment inquiets de son hésitation. Et seule-
ment le crime de la violation de la neutralité belge l'a
décidée à intervenir dan» le conflit (page «19).

La France non plus. — Si notre peuple (ici apparatt
de nouveau le peuple à la place des gouvernants et de»
metteurs en œuvre) avait voulu la guerre, il l'aurait
tout au moins préparée et attendu, pour la déclarer,
que la loi du service de trois ans ait obtenu son plein
effet en 1916.

Chers frèrcsl Je proteste énergiquement contre cette
manière d'exposer les fait» : celle-ci dénote l'intention
de produire une confusion. Vous mélange» deux cho-
ses, la volonté et le choix du moment. Si le moment
d'exécuter une chose nous est imposé par un autre, cela
ne prouve nullement que nous n'ayons pas voulu cclt*
chose. Et c'est cependant ainsi que vous conclue* j
votre conclusion est donc entièrement fausse.

Certainement la France et la Russie ne voulaient
pas la guerre le 1" août îgià. Elles VQuIaicnt la guerre
et travaillaient de toute leur âme à la rendre inévitable.
Preuves : la Triple Entente et tout c* qui a rapport
avec elle. Mais il va de soi, qu'elles voulaient 1» guerra»
au moment choisi par elles, peut-être en 1918 ou 1917*
après avoir complètement achevé leurs armement*. Et
elles furent très irritées du fait que l'adversaire n« leur
laissât pa» le choix du moment. Tout ceci est clair *t
simple comme l'alphabet,

L'Angleterre non plus ne voulait pa» la guerre»
prétendez-vous ; qu'en savez-vous ? En tout cas, vou*
n'avez apporté aucun argument, pas même l'ombra
d'un argument. L'hésitation et la réflexion de l'Angle-
terre, en même temps que la proposition de Grey d»
convoquer un congrès pour aplanir le* difficultés, n*
prouvent rien du tout en faveur de l'amour de la piiix,

mais prouvent plutôt le contraire. Un tel congrès aurait
assurément fait l'affaire de la Triple-Entente. Le temps
employé à délibérer aurait fourni à la Russie (et à
I» France) le temps d'achever leur mobilisation. Ce
n'aurait pas été un congiès de paiï, mais un congrès
d'ajournement au désavantage de l'Allemagne. L'hési-
tation et la réflexion ne prouvent pas d'une fafçon indé-
niable l'amour de la paix. Qui sait 1 Peut-être la pru-
dente et économe Albion, qui a laissé si souvent aux
autre» le soin de combattre pour sa cause, a-t-clle en-
core réfléchi quelques jours, s'il n'était pas possibL*, en-
core celte fois, de ne pas intervenir à main armée et
de laisser les Fronçais et les Russes accomplir leur tâche
sanglante au profit de l'Angleterre. Quant à moi, je ne
partage pas cette supposition,' mais il y en a d'autre»
qui sont de cet avis. Je crois plutùl que l'Angleterre,
je veux dire Grey et C1*, jugeaient l'Allemagne as*cz
forte pour savoir qu'ils devaient eux-mêmes entrer en
action. Dans ce cas, l'hésitation aurait eu un autre but.
Et lequel ? L'Angleterre devait attendre, parce qu'une
déclaration prématurée qu'elle intervienckait en tout
cas, eût été de nature à intimider l'Allemagne. Alors la
guerre n'eut pas eu lieu. Mais elle devait avoir lieu.
L'Angleterre la convoitait avidement et ce fut l'unique
raison pour laquelle clic dut rester dans l'expectative,
jusqu'à ce que l'Allemagne se fût engagée sans, retour
possible dans l'épouvantable lutte.

Il peut y avoir encore d'au(re3 raisons. Je ne m'en
soucie guère. Ce n'est pas à mot de prouver. Mais
vous, chers frères, vous aviez a prouver que l'hésitation
de l'Angleterre établissait d'une façon indéniable son
amour de la paix, tandis que voua n'avez fait que le
prétendre. Je crois avoir montré que la manière dont
vous interprétez l'hésitation anglaise manque absolu-
ment de saine psychologie. Que la violation de la neu-
tralité belge ait été finalement pour l'Angleterre paci-
fique la véritable raison de son entrée en action, il n'y
a plus, chers frères, sur la surface de la terre, aucun
homme pensant, pas môme un Anglais, pour ajouter
foi A une telle chose. Je n'ai pas 1 intention de portas
de l'eau à la mer, en affirmant ce qu'une douzaine
d'excellents écrivains ont déjà établi depuis longtemps.
C'était un prétexte, vraiment un magnifique prétexte,
qui valait bien quelques corps d'armée ; désormais
l'Angleterre pouvait partir en guerre avec l'auréole du
prolecteur des petite» nations.

Voici le résultat obtenu jusque maintenant : Votre
affirmation que la France, la Russie, l'Angleterre n'ont
pas voulu la guerre n'est nullement fondée. En même
temps voire conclusion : « en conséquence la responsa-
bilité d'avoir déchaîné cette guerre doit être imputée
i l'Autriche et surtout à l'Allemagne qui depuis qua-
rante ans, concentrait se» forces en attendant l'heure
où elle pourrait les déployer » s'écroule entièrement.

N'est-ce pa» épouvantable et profondément attris-
tant de voir que le» chefs du prûtesta-n Liante
français, des hommes qui se font passer pour le» avo-
cats de la- vérité et nous affirment au nom du Trè*
Haut qu'il* la défendent, os^nt lancer ée si graves
accusations en faveur desquelles ils n'apportent pas
même l'ombre d'une preuve P Et à l'avenir, Messieurs,
vous ne pourrez plus soutenir que depuis ho ans, l'Alle-
magne ait travaillé en vue de cette guerre. Il est vrai
qu'après 1871 l'Allemagne devait s'armer et rester ar-
*méer car après l'humilia lion de cette guerre et l'an-
nexion de l'Alsace-Lorrainc, la France n'a jamais caehé
son" désir de revanche. L'Allemagne dut s'armer encore
plus fortement, lorsque l'alliance de la France avec
la Russie s'étala au grand jour et que tous les emprunts
considérables russes en vue de» armements furent négo-
ciés avec tant de bonne volonté, même d'enthousiasme.
Elle dut sa couvrir d'armes nouvelle», lorsqu'elle com-
mença à sentir l'envie croissante d* l'Angleterre, lora-
qu'elle eut de plus en plus conscience de l'encerclement
opéré par une Triple-Entente puissante. Une simple
préparation défensive, aussi prudente que nécessaire.
Quant à y voir des armements dans le but d'attaquer
la France et de déchaîner cette guerre atroce, ceci est
tout à fait impossible, pour dea yeux honnêtes. Et
maintenant, voyons l'explication de* événements de
juillet et d'août 1914. Nous avons devant noue l'ultima-
tum adressé a la Serbie, rédigé dans le fameux style
cinglant, ultimatum qui, à moins que des signe* et de»
miracles ne se produisent, va mettre le feu au monde.
'Certainement^ le gouvernement allemand avait con-
naissance dr la chose. Don* une affaire d'une telle im-
portance, le gouvernement autrichien ne pouvait laisser
le gouvernement allemand dans l'ignorance des faita.
Aucune personne clairvoyante ne s'avisera de discuter
ce point de vue. Le* signes et les miracles qui auraient
pu empêcher le conflit, ne se produisirent pa». Il est
vrai que l'Empereur d'Allemagne et le Tsar échangè-
rent des ptroles aimable», bien senties, sur la nécessité
de localiser le conflit austro-serbe, ainsi que d'autre»
vue». Iris tard, mais (oui de même, l'Empereur Guil-
laume a recommandé à Vienne de se montrer tolé/ant
à l'égard de la Serbie. (C'est un acte tout à fait diplo-
matique qui consiste à donner au peuple, qui doit sup-
porter pendant la guerre tant de lourds fardeaux, l'ap-
parence que'tous le» moyens possibles ont été essayé*
pour éviter la catastrophe.) À a fait «eci, il a fait
cela, mai» pas la seule et unique chose qui eût ren-
du la guerre Impossible. Il n'a pas conseillé à Vienn*
de te contenter de* concession» aerbe* ; linon, Il
nierait le- caau* foederi» et laisserait l'Autriche suppor-
ter seule les conséquence» de son intransigeance.

Pourquoi c* ,moyen simple et infaillible n*
fut-il pas employé r D'après mon opinion, on ne l'a pa»
fait, parc* qu* le gouvernement allemand, d'accord
avec le gouvernement autrichien voulait 1* guerre. J'em
arriverai» done, cher» frère», à formuler avec voua un
arrêt de condamnation à l'adresse du gouvernement
allemand* Pa* 1» moins du monde. U devait vouloir,
la guerre. Ni pa» la vouloir eût été un crime. Comment
cela 1 Eh butn, la guerre, la grande guerre contre lel
trois puissance* alliée* était inévitable. Dcpui» long-
temps, on pouvait la prévoir, »nn» êtr* doué pour cela
d'une grande perspicacité. Dans cet état de chose», la
prudence exigeait inexorablement de choisir l'heure re-
lativement favorable et de ne point abandonner le choix

à des adversaires trop puissants. Le. calcul était pour
l'Allemagne ex-lraordinai/emcni simple d'heure présente
nous est pins favorable pour une guerre, terrible mai»
tout à fait inévitable, qu'elle le sera l'année prochaine
ou l'année d'ensuite. Car dans deux ans, la Russie aura
presque acbxîvé la conslruc^on de ses voies stratégique»
et aura considérablement amélioré se» armements ; la
France auta sous le» ormes ses soldats bien exercés,
dan» leur troisième année de service. Un souverain
très âgé, qui tient ensemble les peuplés de l'Autriche,
toujours ù la veille d.? se séparer, aura peut-être, dan»
deux ans, fermé les yeux et le seul allié sur lequel on
puisse vraiment compter sera plu» faible qu'aujour-
d'hui. Nous avons une bonne récolte et noire prépara-
tion financière est également bonne. Donc celte entre*
prise hasardeuse et terribie est à préseni un devoir. Le
cour» des événements avait amené une occasion trÔ»
importante de déchaîner la catastrophe. Je parle du
meurtre de l'héritier du trône autrichien.

L'Allemagne assuma courageusement la responsa-
bilité de* déclarer la guerre. D'après la forme, c'était
une guerre offensive ; d'après les faits, une guerre dé-
fensive. Car dans ce cai, l'offensive était la meilleure
défensive. C'était uue guerre préventive en vue de la
défensive ; en effet celui qui veut vaincre un adversaire
puissant, doit prévenir son coup, au moment où 11 l'y
attend le moins. Tout cela est dans l'ordre, conforme
aux règles de la sagesse et de ta morale. Vos accusa-
tion», chers frères protestant», ne touchent pas l'Alle-
magne. Elle a agi comme elle devait agir pour se sau-
ver elle-même, dans la situation politique, créée en
grande partie par la France.

Si l'Allemagne a commis une faute, ce n'est pas
celle d'avoir déchaîné la guerre en igii, mais plutôt
celle de n'avoir pas saisi plus tôt une occasion favorable
de la déchaîner. Mais ne blâmons pas. L'Allemagne a
laissé grandir la- coalition de ses ennemis. Cela suffit
à prouver son amour de h paix et surtout celui de son
empereur. En Gn de compte, cela a aussi une certaine
Valeur.

Ce n'est pa» à l'Allemagne, comme vous le penser,
qu'incombe la faute d'avoir allumé cet immense in-
cendie avec inaféété — au sens figuré du mot ; mais,
. c'est elle qui dans un autre sens, a été sûrement la
cav.se d-.' la guerre, à savoir par s* force et par son heu-
reux développement, magnifique même, au point de
vue politique et économique. Cela fit naître la haine
et l'envie parmi ses voisins qui avaient si souvent piéti-
né le sol de l'Allemagne impuissante et avaient ravagé
ses, villes et ses village*. L'Allemagne n'est pa* restée
le pays des poètes et de» penseurs et n'a pa» borné sa
ptos haute ambition à se repaître de chimère». Se» yeux*
se sont ouverts ; elle a vu le monde et sa splendeur et a
désiré en jouir un peu. Ce fut h sa faute, »

Encore deux remarques à votre appel,, chers frères
Vous dites en jetant les yeux sur l'annexion de 1*Alsace-
Lorraine (1871), que la France n'a cessé de protester
avec entêtement contre 1* droit barbare de conquête.
Je vous pose la question : Voulez-vou* en disa-nt cela,
accuser de barbarie votre Roi-Soleil e\son- temps il-
lustre ? Ou bien êtet-voua les seud* ignorants en
Israël, auxquels on ait tenu caché que l'Alsace et IH
Lorraine sont deux provinces d'origine absolument
allemandes, qui, aux jours de l'impuissance allemande,
furent arrachées à la mère-patrie et annexées par la
France. Etes-rous lé» seuls à ne pas savoir que
Louis XIV en 16S1, en pleine paix, fit attaquer et an-
nexer Strasbourg par le* armées de Louvois. Qu/en
pensez-vous ? , ^

Lorsque l'Allemagne eut secoué sa faiblesse, lors-
qu'elle eut vaincu la France dans une guerre glorieuse,
lorsqu'un puissant forgeron eut. forgé sa nouvelle cou-
ronne impériale, n'était-il pas évident qu'elle cherchât
à ramener i elle les provinces perdue» ?

L'annexion faite par la France au 17* siècle ne vous
choque pu» ; mai» l'annexion faite peu: l'Allemagne nu
19** »iècte est pour voua une conquête barbare. Où
eat la justice, où est la logique dans votre jugement ?

Encore une remarque. Vou* repoussez bien lois
l'idée que l'Allemagne et ses alliés sortiront victorieux
de la lutte. Cette idée nous paraît évidente, en pré-
sence de t* réalité. Vous vous crie» : Si l'Allemagne
était victorieuse, c'est en vain désormais que vous in-
voqueriez votre neutralité et le respect des traités.

Je vou» réponds eu toute tranquillité : S'il en est
ainsi, nous saurons supporter l'inévitable. Mais je me
hât* d'ajouter : Vou* ave» tort, grand tort de jeter une
nouvelle pierre à l'Allemagne.

Vos injuste» parole» n'ont aucun écho chez nous.
Car nous autres Suisses savons que chaque garantie
de'neutralité a se» limite». —■ Sains pubhca suprema
tex ; aucune grande puissance ne peut nous garantir,
à nou» aussi bien qu'aux Belges ce qui suit : Je n*
violerai en aucun cas vo» frontière», quand bien même
j* devrai» en périr. La garantie écrite, ai exagéré qu'en
■oit le texte et même ai elle parle d'éternité ne dit en
effet rien d'autre que- : je ne foulerai jamais votre sol
poussé par mon bon plaisir, la soif dos conquêtes ou un
motif semblable. Mais si l'Etat est en danger ? Si 1*
plus haute nécessité de la conservation de soi-même
l'exige ? Dans ce cas la France n'hésitera pas à violer
notre neutralité suisse comme l'Allemagne a violé la
neutralité belge. Cela est d'une nécessité absolue. C*
fait noua serait trè* désagréable, mai» nous ne le taxe*
rions pa» d'immoralité Ou d'impiété. Nou» ne 1*
ferions pa» parce que nou» avons appris (non point par
Bethmann liollweg mai» par un plu» grand homm*
qu* lui) qu'en présence do la nécessité absolue, de»
règlement» plu» ancien* et plus sacaés qu'un tel trait**
doivent céder. Comme noua «avons qu* la Franc»)
violera notre neutralité et devra la violer 1* jour oè
l'intérêt supérieur de l'Etat sera en- jeu et aussitôt
qu'elle juger* notre résistance comme une quantlU
négligeable, nou» tenon» no» arme* aiguisé» et notre
poudre sèche et nou» compton» un pen plu» »ur notru
petite armé*, peu nombreuse mal» prêt* à la lutte, gm
sur un morceau de.papler.

Cher* frères I Votre appel prouva qu* le malheur
d* votr* paya et la passion ont troubU Totn jugement,
Vou» souffre» vivement et aile» as devant d* plu»
grande» souffrances encor* j aussi *at-0* *vm Indul-
gence qu* J* vou» Jug*.

91 1» victoire extérieur* vou» e»t refusé*, qu* Die»
voua ald* à »urmonter Intérieurement 1» malheur qui
tous accabla. Receve» mon salut chrétien et ma cor-
dla,l* sympathie A. Boixiobu.
 
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