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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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https://doi.org/10.11588/diglit.2794#0099
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2- Aimée. — N' 151.

PItIX

5 CENTIMES

Charleville, le 27 Février 1916.

Gazette des Ardennes

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT TROIS FOIS PAR SEMAINE
On s'abonna dans tous le» bureaux de poste ^

LE PROBLÈME DES TROUPES NOIRES

La et Gazette » a reproduit dernièrement (N* 114)
une série de jugements émanant d'autorité* incontes-
tablei en matière de droit international, condamnant
sévèrement, dans des écrits publiés avant la guerre et
par conséquent peu suspects de partialité, l'emploi que
(ont actuellement de leurs troupes coloniales de cou-
leur, l'Angleterre et la France.

Nous ne reviendrons plus aujourd'hui, sur ce côté
moral de la question, laissant à l'avenir le soin de
juger cette façon de défendre la « Civilisation ». Ce
qui nous intéresse, c'est de savoir sur quelle base
réelle reposent les illusions que certains journalistes
parisiens semblent se faire, pour les transmettre à leurs
lecteurs, sur ]a valeur et l'importance dea troupes auxi-
liaires que la France pourrait recruter dans ses colo-
nies. À ce sujet, 1' « Humanité* » du 18 janvier a publié
un article, dont nous reproduisons les passages essen-
tiels :

L'opinion publique a été récemment saisie d'une grave
question: celle du recrutement d'un important contingent
de troupes noires, qui viendrait constituer une armée d*
choc pour le jour où nous serons en état de lancir une
grande et décisive attaque contre noi ennemis.

Au moment où l'incorporation de la classe igi; cil ac-
complie, de nombreuses personnes ont cru, sur la foi d* ces
opinions, qui paraissaient autorisées, que demander aux
familles françaiies un sacrifice certainement considérable
était peut-être inutile, si l'on pouvait rassembler nue inm'r
noire que dei populations reconnaissante! étaient dispowci
a noui offrir. (?) S'il en était ainsi, ii le problème A fésoii-
dre avait réellement cette apparence de simplicité, il n'est
pas un Français qui oserait se montrer hostile à une u esurc
qui serait susceptible d'accroître les forces de ta nation.
(Pour 1' u Humanité » le côté humain et civilisé du pro-
blème est évidemment sani importance 1 — La Réd.).

Une forte opposition aa dresse contre ces projets.
Les coloniaux qualifient de légende tout ce qui est écrit sur
la levée an masse do contingenta noirs ou jaunes, et avertis-
sent la population de se garder contre de dangereuses il-
lusions.

Lois de la discussion s la Chambre sur l'incorporation
de la classe 1917, le 3o novembre dernier, M. Ernest Outrey,
député de Cochinchine, répondant a M. Peyroux, qui tablait
sur u nos ressources coloniales », s'écria :

u Le jour où il sera question de demander des contin-
gents intensifs aux colonies, U faudra s'expliquer. Il ne fau-
drait sa*, en effet, faire naître des espérances chimériques
dJks It pays et Je suit, pour mo port, un peu surprit- des
chiffres que j'ai entendu émettre ces jours-ai dans la preste.
Qu'on demande aux colonies tout ce qu'on peut leur deman-
der, je suit de cet avis, mais il ne faut pas créer dé lé-
gendes, a

Et M. Georges Boussenot appuya son collègue en décla-
rant qu'il ne fallait pas entretenir dam le public de dange-
reuses illusions.

D'abord, quand U ert question du recrutement colonial,
il faut distinguer entre les deux groupes de colonies créés
pfl le sénatus-consullede iS5& :d'un côté, les*quatre vieilles,
Martinique, Guadeloupe, Guyane et Réunion ; puis, toutes
les autres colonies. Dans les premières, la loi de loo5, sur
le recrutement, est appliquée. Tout se pasie donc li comme
en France. [as contingents de ces quatre colonies sont-ils
utilisables dans les mêmes conditions que les troupes de
France? Pour le savoir, il suffit de se rappeler l'expérience
'.iite il y a trois ans. Quelques bataillant de la Martinique
1 de la Guadeloupe furent amenés en France ; bien que sta-
':vnné$ dans le Midi, ils ne purent y être conservés : la
maladie les décimait. Ou dut les transférer en Algérie, et
i-ius tard les renvoyer chez eux. Le rendement avait été nul.
les causes en sont fort complexes; d'abord, les différences
ilimal-Tiqucs, puis les qualités physiques de l'individu, qui,
malgré une sélection sévère des conseils de revision, qui ré-

forment une grosse partie du contingent, restent Inférieurs
aux nôtres et mal adaptés aux efforts que commandent le
service militaire et, surtout, la guerre d'aujourd'hui. La
bonne volonté de ces éléments n'est pas en discussion, mais
leur résistance physique, comparée à la nôtre, n'est que de
second ordre, et partant leur utilisation sur le champ de
bataille d'Europe aurait peut-être dû être envisagée en te-
nant compte de cette constatation.

Voyons maintenant nos grandes colonies. En Indo-
Chine, à Madagascar, il n'a jamais été fait qu'un recrute-
ment très modéré, exclusivement pour les besoins locaux.
La, les populations ne sont pas, en général, guerrières, et,
d'autre part, leurs qualités physiques, jugées nu point de
vue de la guerre, sont des plus faibles. M. Outrey écrit :

« 71 est à prévoir que sur l'ensemble des contingents
d'activé et de réserve, il y aura à peine un homme sur deux
reconnu par les autorités médicales, apte à faire campagne
en France.»

Notez que M. Outrey connaît la question; il a séjourné
pendant trente ans en Indo-Chine, comme fonctionnaire,
et il y a terminé sa carrière comme gouverneur des colo-
nies. Il est, sur la question médicale, d'accord avec M. Grnll,
inspecteur général du service de santé des troupes colo-
niales, qui, appelé a donner son sentiment sur l'utilisntion
des contingents iudochinois mobilisés dans la r5* région et
composés de métis annamites, a déclaré que ces hommes
étaient inaptes à faire campagne en France.

M. le gouverneur général de l'Indo-Chinc Roumc, con-
sulté par le ministre des colonies, est du même avis. 11 a,
en effet, déclaré par cflblogrammc que :

« L'avis unanime des autorités civiles et militaires de
l'Indo-Chinc consultées, est que les engagements pour la
durée de la guerre, dans les troupes combattantes, ne sont
susceptibles que de donner des résultats tris faibles, tant au
point de vue des engagements qu'à celui de la valeur mili-
taire des engagés dont l'instruction demanderait un temps-
trop long pour le printemps prochain, u

Ce qui est vrai pour l'Indo-Chinc l'est, & un degré au
moins égal, pour Madagascar.

En Afrique équatoriule, on n'a jamais fait de recrute-
ment. Il y a bien des peuplades guerrières — les Pahouins
— mais, pour les recruter, il faudrait d'abord qu'ijs le
veuillent, puis, que l'on trouve assez de gradés pour les
comprendre; eniin, qu'une fois encadrés ils consentent h
faire la guerre autrement que par leurs moyens habituels. II
semble assez difficile de réaliser en quelques mois ces con-
ditions nécessaires, et les esprits avertis diront que ce serait
un leurre de compter sur un tel recrutement.

Bien que 1' « Humanité' » juge la situation un peu
plus favorable en Algérie et en Tunisie, elle n'en
résume pas moins son jugement en disant qu' « il faut
écarter les exagérations fantaisistes. 11

Il ressort de ces constatations intéressantes que-oeux
qui nourrissent, dans la presse parisienne, l'illusion -
d'une armée Coloniale pouvant jouer dans cette guerre
un rôle tant soit peu décisif, augmentant non seule-
ment la responsabilité moi'ale de la u civilisation »
française, mais induisent en cireur la nation qui a,
plus que jamais, besoin de savoir la vérité.

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier général, le 24 février 1910.
Théâtre de la guerre à l'Ouest.

Notre succès à l'est de la Meuse a été élargi et con-
solidé. Les localités de Brabaut, Ilauinont et Samo-
gnieux sont prises, toute la région boisée au nord et au
nord-est de Bcanmont, ainsi que l'Hrrbrbois sent entre
nos mains.

Au sud de Metz, un poste français avancé fut surpris
et les hommes qui le composaient furent faits prison-
niers au nombre de plus de Tio.

Théâtre de la guerre à l'Est.
Sur la partie 1101 d du front, violents combats d'ar-
tillerie. A plusieurs endroits escarmouches de patrouil-
les. Aucun événement essentiel.

Théâtre de la guerre aux Balkans.
Bien de nouveau.

Grand Quartier général, la 25 févricç 1010
Théâtre de la guerre à l'Ouest.
Sur la rive droite de la Meuse nous avons, hier
encore, exploité dans plusieurs directions nos succès
déjà signalés. Les villages fortifiés et les fermes de
Champ ne u vil le sur Meuse, Côtelettes, Marmont, Beau-
mont, Chambrette* et Ornes Turent pris et toutes les
positions ennemies jusqu'à la crête de Louvemoi^
enlevées d'assaut. Les pertes sanglantes de l'ennemi
furent de nouveau cxtraordiitnireiuent lourdes, les
nôtres restèrent supportables.
' Le chiffre des prisonniers a augmenté de plus de
7,000 et dépasse 10,000 ; le bulni en matériel ne peut
' encore être évalué.

Théâtre de ta guerre à l'Est cl théâtre de la guerre
aux Ballon*.
Aucun événement d'importance particulière.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Paris, 19 février 1910, soir.
En Artois, au nord-ouest de la cole 140, nous avons fait
•xploser une min" sous un siillnnt allemand qui a été bou-
leversé.

Ëntrî l'Oise et l'Aisne, notre ailiHerie a pris sous son
fen une colonne d'infanterie ennemie au no«V de Vic-sur-
Aisne. "

En Lorraine, bombardement des étabLissîmegts ennemis
de Domèvre. Un incendie a été constaté.

En Huutc-Alsacc, activité de notre artillerie sur l>s tran-
chées allemandes a l*«tt de Seppois et de Lergrtfîn.

Paris, 20 février 1918, S heures

Aucun événement important à signaler au cour» de la
nuit.

Paris, 20 février 1916, soir.

■En Belgique, après un violînt bombardement de nos
positions, les Allemands ont tenté de franchir le canal de
l'Yser a Steen s tracte. Quelques groupes ennemis ont pu
parvenir jusqu'à notre tranchée de première h'gne, d'où lia
ont été chassés aussitôt

En Champagne, actions d'artïlterie sur les organisations
ennemies uu nord de Tahure et à l'est de Navarin.

En Argonne, nous avons fait sauter & Vanquois deux
minas qui ont bouleversé les travaux de l'ennemi.

Entre Meuse et Moselle, nos batteries ont bombardé les
éTfabussements ennamis vers Etain, Warcq et Saint-Hilaire,
provoquant plusieurs incendies et une très violente explosion.

An sud de Saint-Mmiel, tir de destruction exécuté sur
les ouvrage* allemands & l'ouest de la forêt d'Apremon*.
! Paris, 21 février 1916, 3 heures.

Simple action des deux uriaileries sur l'msemble du front,
sauf au Uord do Verdun, où elles ont eu une certaine activité.

En Artois, au nord-ouest il: lu cote 140, l'ennemi a tenté
sans succès deux attaques locales ù la grenade.

La guerre aérienne : Une escadrille de 5 avions français
a bombardé 1rs dépôts de munitions ennemis du château de
Martincourt et d'A7oudarige (sud-ouest et sud-est de Ddeuze).

Les avions nilemunds ont lancé cette nuit sur Lunéville,

DomJbasle ?! Naucj quelques projectiles qui n'ont causé que
dé faibles dégâts. 1

DISCOURS OFFICIELS ET PAROLES DE RAISON

Sous ce titre «Le Droit du Peuple», paraissant à

Grenoble, a publié, Je 1" février, un article fortement
censuré, dont voici les principaux passages que la cen-
sure a laissé subsister :

Les grands hommes qui sont à lu Le Le de notre Démocratie
prennent toujours leur rôle au sérieux quand ils font dea

discours. Et ils ne se privent jamais du plaisir de discourir.
Les Chambres rentrent. Vite les présidents parlent, parlent
au Parlement et au pays tout entier. Il arrive même qu'où
affiche leurs palabres aux quatre coins du pays, et cala nous
coûte chaque fois la petite somme de 3o,ooo francs. Les
Chambres se séparent, Yite encore des discours présidentiels.
Les Conseils généraux s'assemblent. Rediscours sur toute la
ligne. Les conseillera municipaux se réunissent-ils, eux
aussi P Discours encore, discours toujours.

Je ue parle pas de notre premier Magistrat, M. Poîncoré
en personne, lequel non plus n'est point chiche en fait ds
discours, bien qu'il paraisse ee réserver depuis quelques
mois.

Eh bien I j'ai eu la curiosité de fourrer le nez dans quel-
ques-uns de ces discours. Ils se ressemblent étrangement. Les
mêmes-mots, les mêmes expressions, rendus parfois sous la
même forme, reviennent invariablement, inlassablement.

Tant et si bien que je pourrais les résumer ainsi :

u II faut aller jusqu'au bout.
d La Paix par la Victoire,
u II faut écraser l'ennemi.

« Ce n'est pas [a paix que veut le peuple, c'est la victoirt.
« Il faut tenir, tenir jusqu'au dernier, a

Et les jours, les mois, les ans s'écoulent, et la guerre
dure toujours. Il semble même qu'où n'en verra jamais

la fin.

C'est que, voyez-vous, nos discoureurs officiels ont beau
vouloir écraser l'ennemi, réclamer a tous les éehos qu'il faut
tenir jusqu'au dernier homme et jusqu'il dernier sou, il
n'empêche qu'il y a loin des paroles aux actes.

Je ne dis pas qu'il faille se taire. Je ne dis pu sjuc nos
gouvernants doivent rester muets, liais je voudrais bien
qu'ils nous disent désormais autre chose, qu'ils nous servent
des discours mo^n»,, ronflants èt exprimant davantage la
réalité. Et je vaudrais aussi et surtout qu'ils fisssot dana
leurs pslsbrea une place, une toute petite ptara, à la raison.

Faire entendre des paroles de raison ■

Cela ne parait pas chose aisée. On se figure qu'en deman-
dant celn nous roulons,parler de capitulation. Quelle bstlse 1
Nous n'avons jamais dit qu'il fallait désarmer et s'avouer
vaincu. Nous n'avons même jamais demandé que nous nous
traînions, la corde au cou, aux pieds de l'ennemi. Nul n'a
voulu et demandé pareille chose.

Tenir un langage de raison, c'est montrer 1 tous, à nos
ennemis eux-mêmes, combien folle est la guerre.

La nation sait fort bien ce que vaut la guerre et ce qu'elle
lui rapporte, ou plutôt ce qu'elle lui coûte, puisque c'est elle
qui fait tous les sacrifices.

Mais, en partant de la sorte, en disant tout haut ce que
tout le monde pense, nos gouvernants gagneraient davantage
encore la confiance de la nation.

Et les discours officiels, moins motiotoues, produiraient
dans le pays une meilleure impression. J'ose même dire que,
cette fois, tout le monde les lirait.

J.-L. Chiistaur-t.

FAITS DE GUERRE

LES SUCCÈS ALLEMANDS AU NORD DE VERDUN

Il ressort des communiqués allemands et français que
les opérations jugées nécessaires par le haut commandement
allemand, au nord de Verdun, ont abouti dès maintenant
i un résultat très appréciable. Ln position des troupes aile,
mandes dans celte région est sensiblement améliorée et leurs
communications d'arrière s'en trouvent mieux assurérs.

D'après le radiogramme officiel français de Lyon, 24 fé-
vrier 7 h. 19 du &o\r, la presse française s'occupe des succès
allemands au nord (je. Verdun. Dans 1' ■ Echo de Parts »
M. Herbetle, re^chercuant les raisons de ces opérations alle-
mandes, aboutit à une étonnante trouvaille' : il découvre
que ce sont les u désillusions d de 1'Allutnagne et particu-
lièrement la situation intérieure de l'Empire — que la
presse parisienne persiste à déclarer inquiétante depuis dix-
huit mots 1 — qui pousseraient le commandement allemand
à ces nouveaux efforts, dont on ne peut nier le succès.

FEUILLETON DE LA «G4Zfa7 7 ti t)bi AHÙBNMiSi 2

Piège à Baigneur

1 Pelil endroit cooforUblc cl pas cher. — Plage de famille. 1

Impatienté, comprenant que cela va se gâter, car
ma femme est à bout, j'interviens pour déclarer que
nous paierons le supplémenL Mais déjà M1"' Lougassèrc
est repartie, prétextant des soins à donner à la cuisine.

Dans le corridor grand bruit de petits pas. Nos
garçonnets apparaissent la mine toute déconfite :
« Mais, papa, il n'y a pas de sable du tout, regarde 1 »
Et Georges, toujours le plus hardi de la bande, soûle
vant le rideau, j'aperçois une mssse grisâtre, terne,
morne s'étendunt sous la pluie jusqu'à la mer b.ii^-.inte
que signale un uurlet d'écume.

<i Qu'est-ce que c'est ? Un banc de roches ; eh bien,
mes enfants, des roches c'est intéressant, voyons —
Mais y u pas de terrasse non plus, regarde. — bile est
pott-ètre... sur le côté. — Bien sûr que non, nous
avons cherché, et puis nous jivoms demandé ù un
pécheur. Il s'est inih à rire. — C'e>-t bon, c'est bon, ne
nous casses pus la tète. Allez au tennis, uu crocket,
intuset-voua dehors 1 » Mes enfants sortent lentement.
"Mj foi, dis-je à ma femme, je crains que nous ne
■oyons pas très bien tombés. — Dis que, comme tou-
jours, avec ton imagination excessive... trop prompte...
— Mais, ma bonne amie, c'est toi qui as reçu le pros-
pectus, toi qui m'as dit d'écrire, loi... — Du tout, c'est
toi qui us voulu venir ici. — 'lu te trompes, Valentine,
rappelle-toi : même le noai de ln pluge te séduisait,
Uùtd des Druides, Bethléem-»ur-Mer. <* On devru,

disais-tu, y rencontrer beaucoup de familles bien pen-
santes. D'ailleurs, il y a une chapelle. » — Je n'ai aucun
souvenir d'avoir dit ça... n

Oh I les femmes, quelle mauvaise foi dans certains
moments I

Heureusement la cloche sonna pour le déjeuner. Ce
fut une diversion.

Salle à manger spucieusc, table bien dressée, maître
d'hôtel correct, soigné, l'air d'un vieux diplomate, avec
ses favoris touffus. Comme convives une quinzaine de
personnes, dont plusieurs de tenue élégante, sont cer-
tainement deB Parisiens. Il y a h'i deux dames qui par-
lent de leur note qu'elles déclarent extravagante.
« Nous avons été joliment inspirés, dis-je a l'oreille de
ma femme, de faire nos prix d'avance. » Valentine ne
nie répond pus, elle boude encore.

Le repas est d'ailleurs copieux, le dessert de choix.
Les fruits sont très mangeables, ce qui est rare nu bord
de lu mer.

u Eh bien, nous dit d'un air affuble, en soi Ln ut,
l'officier d'Académie, êlcs-vous satisfaits de la table ? —
Oui, certainement, certainement. — N'est-ce pas le
principal P... Et si vous voulez passer au café, vous
verrez quel exquis moka on va vous servir. Nous le
luisons venir directement d'Arubic. » Mu femme gar-
dait un air tout ennuyé : « Voyons, lui dis-je, je veux
bien udmettre que je ma sois engugé un peu vite, mais
"conviens d'une chose, nia bonne amie, c'est que noua
voulions quoi ?... un petit trou pas cher; aussi nous
étions prêts a accepter un minimum de confort. Et en
effet, si nous étions allés à Saint-Jcun-de-Mouts, nous
sci ions chez des pécheurs, mal nourris, tandis qu'ici...
— Du moins il y aurait une pluge et des baigneurs...

Moi, vois Lu, je n'ai pas la moindre confiance... Enfin
le temps s'éclairât, allons foire une grande course, cela
nous apaisera... »

Nous partîmes donc le long de la grève. Montés Bur
la dune, nous cherchions sinon la forêt, au moins un

* bois ; nous n'aperçûmes que des buissons chétifs.
u Uah 1 dis-je, les bois sont cuis doute de l'autre côté, u

I A dîner petit désagrément. Ou nous servit dans une
pièce très nue, où il n'y avait qu'un monsieur en habit
râpé, l'air bohème, pas bien du tout. Le garçon, que je
questionnai, m'apprit que la salle de restaurant, dont
nous n'étions séparés que par refend, était réservée aux
touristes. Celle pièce-ci étnît la salle a manger des pen-
sion nu ires.

- Pendent les repas nous entendîmes le bruit de vio-
lentes ulleicuttona. Des clients apostrophaient M. Lou-
gassère, se plaignaient d'être écorchés, parlaient de
suie boîte I

Le repas fut médiocre. Enfin suns doute qu'à
l'Hôtel des Druides, comme dans beaucoup d'endroits,
le dîner n'était pas le principal repas.

Ma nuit fut bonne D'ailleurs je dors toujours par-
faitement nu boni de la mer. Au contraire, Valentine
ne put fermer l'œil. Elle se leva de très bonne heure,
se plaignant d'avoir été dévorée par toute sorte d'in-
sectes. Et puis, soi-disant ça mit été au dehors toute la
nuit un va-et-vient de voilures, puis dans la maison,
de gens circulant dans les corridors, puis repartant'
furieux : «Vois-tu, mon ami, il n'y a que nous pour
nous laisser rouler. Les autres pioteslent. Eh bien moi
je vais descendre, je vais tout Inspecter, leur prospec-
tus de l'hôtel

— Soit, malt moi je suis fatigué, je reste couché...

Dis donc au garçon qu'il me monte mon chocolat. .
avec du pain grillé, si possible. ■ Quand le garçon
arriva, j'eus une idée. « Montez-moi le registre de:-
voyageurs ». — Maii, monsieur, nous eai avons besoin
en bas. — Besoin ? Allons donc, vous n'avez personne
dans l'hôtel. Vous entendez, je veux voir ce registre. »

Il finit par arriver, le registre. Je le feuilletai. Des
noms en masse. Ouvert seulement depuis quinze jours,
l'hôtel des Druides avait déjà vu défiler trois cents
voyageurs. Mais le plus étonnant de tout, c'est qu'après
notre nom, il y a\ait sept familles d'inscrites, dont une
de six personnes.

Déjà P Mais où étaient-elles passées, ces sept
familles ? *

La porte s'ouvrit. C'était Valentine arrivant e*
tempête.

« Ah I mon pauvre ami, mon pauvre ami I —
QÛ'est-ce qu'il y a P — 11 y a que Bethleem-sur-Mer
n'existe pas. C'est un attrape-nigauds, un piège à
Parisiens. Pas de plage, pas de forêt, pas d'eau, aucun
sport organisé, pas de jardin, pas de terrasse, pas de
chambre noire pour photographes, pas de casino... Et
la chapelle ouverte... oui, ouverte à tous les vents. Elle
n'a même pas de toit. Ah I c'est complet. — Mais
alors... ce sont des filous ! — Ah tu t'en aperçois, tu
t'en aperçois... Eh bien, tu y mets le temps I... Seule-
ment tu acceptes çu... Eh bien, moi, je ne passerai | as
une seconde nuit dans cette caverne. » Et ma femme
sortit, claquant lu porte. — Sois tranquille, nous par
tons aussitôt le déjeuner, lui criai je, et auparavant ji
vais dire son fait à l'officier d'Académie... Ah I vrai-
ment, on les distribue parfois singulièrement, les
palmes I »

(A suivre.) MASSOit-FonesTian.
 
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