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2" Année. — N* 152.

PRIX

S CENTIMES

Charleville, le 1" Mars 1916.

Gazette des Àrdennes

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT TROIS FOIS PAR SEMAINE
On s'abonne dans tous les bureaux de poste

SlMltfilE DE SIMPLE BON SENS

/Vous recevons d'un lecteur neutre la lettre suivante,
qui nous paraît très instructive :

Je ne suis pas aoldat et ne l'ai jamais été ; je ne puis
donc parler en homme du métier, mais simplement en
ipectateur angoissé de la plus terrible guerre qui ait
jamais ravage l'Europe. Je n'ai mime aucune carte
d'état-major sous la main, et c'est sur un simple atlas
scolaire que je m'applique à suivre sommairement les
opérations militaires.

Mais je lis les journaux, et surtout la presse fran-
çaise. C'est cette lecture qui me pousse à réfléchir au-
jourd'hui sur les buta de guerre et les desseins d'avenir
que j'y trouve amplement développés depuis tant de
long! mois.

L'espoir et la promesse de la « victoire finale »
passent et repassent sans cesse sous mes yeux. On en
parie, dans les journaux de Paris, comme d'une chose
« mathématique u. Longtemps ce fut une victoire
économique qu'on escomptait, et dont le blocus affa-
mant l'Allemagne devait être l'outil. Depuis quelque
temps cependant, on semble abandonner de plus en
plus cette « dangereuse illusion », pour employer le
terme de l'historien français Aulard, dont la «Gazette
des Ardennes u a reproduit l'intéressant article. On se
rend compte que seule une victoire militaire pourra
terminer û guerre. Cela me semble être uu premier
pas dans la voie du bon sens ; mais encore faudrait-il
qu'on se rendit mieux compte des conditions de l'action
militaire, nécessaire pour atteindre les divers buts que
la presse française présente à la crédulité populaire.

Même en ne tenant paa compte de la folie puérile de
ces journalistes chauvins qui se plaisent à disséquer à
cœur joie l'Allemagne et à disposer du peuple allemand
comme d'une nation rayée de sa place en Europe,
même en n'envisageant que le programme « minimum »
de la politique officielle] on ne peut s'empêcher de le
trouver un peu vaste.

Ce programme, quel est-il P 11 comprend, à l'Ouest,
l'évacuation forcée de tout le territoire français occupé
pur l'armée allemande, la reconstitution de la Belgique
et la reprise de l'Alsace-Lorraine par la France ; à l'Est,
la libération de la Pologne, de Courlande, de la Serbie
et du Monténégro, et finalement une offensive heureuse
des Alliés contre Sofia et peut-être Constantinople, en
vue de détruire la communication établie entre l'Alle-
magne" «ît l'Orient. • **

Le programme est beau, mais il lui manque une
bagatelle : l'exécution l Permettez-moi d'examiner d'un
(reu plus près oea conceptions osées.

Les combats en Champagne et en Artois durèrent
du a5 septembre i mi-octobre igi5 environ. Ils ne
; mutèrent pas moins de 100,000 morts à la nation fran-
cise, et qui dira le chiffre des blessés et des estropiés ?
Le résultat fut, à deux points du front, un gain de ler-
min de a3 et 1a kilomètres de largeur et de 3 à 4 kilo-
mètres en profondeur. #

On sait pourtant que ce n'était pas là le but pour-
suivi, et avoué par l'ordre du jour du général Joffre,
rue la presse a publié. Le plan de l'état-major français
était bel et bien la rupture du front allemand et la
défaite irrévocable de l'armée allemande. Ce grand but
n'a pas été atteint. Une deuxième tentative, à laquelle
on aurait pu s'attendre, ne fut pua entreprise. La
première ligne allemande ne fut même pas enfoncée,
—malgré les 100,000 morts français laissés sur le terrain.
Combien eussent-ils été, ces morts, si le général Joffre
avait pu poursuivre plus avant ses projets. Pour réaliser
avec succès la rupture décisive de la première position
allemande, un sacrifice de 300,000 morts au moins
eût été nécessaire. Et ce serait là le prix de toute nou-
velle tentative, sans garantie de réussite, d'ailleurs.

Et alors ? Alors l'armée française trouverait devant
elle une deuxième ligne de défense allemande, derrière

laquelle l'ennemi Berait naturellement plus nombieux
que dans la première ligne, cette deuxième ligne se
trouvant, bien entendu, renforcée par les contingents
d'arrière, rendus libres par le rétrécissement du terri-
toire occupé. Et cette position défensive serait, sans
doute, établie duns un terrain plus favorable que ne
l'est la plaine de Champagne. Une nouvelle percée de
ce nouveau front serait donc nécessaire, qui coûterait
certainement encore une fois 200,000 morts.

Il n'est pas un chauvin français qui oserait espérer
que cette percée rejetterait d'un coup l'armée allemande
jusqu'à la Meuse. Mais laissez-moi admettre que, par
impossible, les événements prennent une tournure
aussi défavorable que possible pour l'Allemagne, en
sorte que l'armée allemande ne pourrait tenter une
nouvelle résistance que sur la ligne de la Meuse, à l'abri
de ses puissantes forteresses.

Ici la situation deviendrait, tout d'un coup, bien
plus favorable aux Allemands. Le transport des troupes
et des munitions serait plus court et plu< facile et la
ligne à défendre sensiblement réduite.

400,000 mor ts au moins seraient 1 coût d'une at-
taque victorieuse contre cette ligne formidable. Ce
seraient donc 800,000 soldats français qui ne passeraient
pas la Meuse, chiffre effrayant que viennent doubler les
7 ou 800,000 autres morts, — sans compter les centaines
de milliers d'invalides, — dont la France paya déjà la
politique de revanche inavouée de ses gouvernants. Et
l'armée française n'aurait toujours paa abordé sa tâche
décisive : l'attaque du territoire allemand et la poussée
vers le Rhin I

Est-il po&sïble d'évaluer les sacrifices qu'une
pareille tentative exigerait encore P L'n million de
morts et de blessés en seraient certainement le prix, en
admettant même que les Alliés disposassent encore
d'une armée de cette force.

Et l'Alsace-Lorraine P Elle ne serait toujours pas
conquise par cette percée française des lignes de défense
allemandes. Sa conquête nécessiterait d'autres efforts
victorieux et combien coûteux I

. Mai9 oe «ont là des fails, ce sont là des chiffres dont
les politiciens français ne parlent jamais, lorsqu'il leur
platt de réitérer au peuple leur vague promesse de
« victoire ».

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier Bénirai, le 36 février 1916.

Le fort blindé de Dotrmrmimf, qui forme le pilier

nord-est do la ligne principale des fortification g per-
manentessac la forteresse de Verdun a été pria d'assaut
hier après-midi par le 24cmc régiment d'infanterie
brandenbourgeois. Le fort est ferme entre lea main»
des Allemands.

Grand Quartier général, le 26 février 1916.
Théâtre de la guerre à l'Ouest.

On signale, après coup, que dans la nuit du a5 fé-
vrier une poussée d'un détachement anglais a été
rejetée, dans la#nuit du a5 février, à l'Est d'Armen-
tières. " „

En Champagne les Français attaquèrent, au sud de
Ste-Marie-à-Py, la position enlevée par nous le la fé-
vrier. Ils réussirent à pénétrer dans la première
tranchée, sur une largeur d'environ a5o mètres.

A l'Est de la Meuse, eu présence de 8. M. l'Empe-
reur et Koi, d'importants progrès furent réalisés sur le
front de combat. Nos braves troupes enlevèrent la
hauteur au sud-ouest de Louvemont, le village de
Louvcnront et le groupe de fortifications situé à l'Est
de cet endroit.

Des régiments brandenbourgeois, attaquant avec leur
vieil entrain, pénétrèrent jusqu'au village et an fort
blindé de Douaumont, dont ils s'emparèrent d'assaut.

Dans la vallée de Woëvro la résistance ennemie s'ef-
fondra sur tout le front jusque dans la région de
Marchcvillc (au sud de la route nationale de Metz-
Paris). Nos troupes serrent de près l'ennemi en retraite.

La nouvelle de la prise du village de Champncu-
villc, annoncée hier, était basée sur une information
erronée.

Théâtre de la guerre à l'Est.

A part des combats avantageux, livres par nos
avajit-postes, rien à signaler.

Théâtre de la guerre aux Balkans.

La situation est sans changement.

Grand Quartier général, le 27 lévrier 1916.
Théâtre de la guerre à l'Ouest.

Sur plusieurs points du front, combats d'artillerie
et de mines de quelque violence. Au sud-est d'Ypn»
une attaque anglaise fut repoussée.

Sur les hauteurs de la rive droite de la Miuse les
Français tentèrent, par des attaques cinq fois réj* teca
par des troupes fraîchement amenées, de reprendre le
fort blindé de Douaumont. Ils fuient repoussé» avec
des pertes sanglantes. A l'ouest du fort nos troupes se
sont emparées maintenant de Chaïupncuwlle et de la
côte de Tfllou ; elles avancèrent en combattant jusqu'à
proximité de la lisière sud de la forêt, au sud est de
Bras. A l'est du fort elles enlevèrent les fortifications
étendues de Hardaumont. Dans Ja plaine de Woèvre le
front allemand progresse vigoureusement, en combat-
tant, vers le pied des Côtes Lorraines.

D'après leB nouvelles parvenues jus ju'ici, le chiffre
des prisonniers non blessés atteint presque 15,000.

En Flandre nos escadrilles aériennes répétèrent leurs
attaques contre des campements ennemis. A 41 eU des
bombes lancées par des aviateurs ennemis blessèrent ou
tuèrent 8 civils et 7 suldats et endommagèrent quelques
maisons. En combat aérien et par nos canons anti-
aériens deux avions français furent abattus dans la zone
de la forteresse ; les aviateurs, parmi lesquels se trou-
vent 2 capitaines, sont prisonniers.

Théâtre de la guerre à t'Est et théâtre de la guerre
aux Balkans.

Pas d'événements importants:

Grand Quartier général, le 28 février 1016.

Théâtre de la guerre à l'Ouest.

"*Les luttes d'artillerie atteignirent ù beaucoup d'en-
droits une *;randc violence. Sur le fr.mt au nord
d'Amas, activité de mines vive et continue ; nous dé-
truisîmes par explosion environ ^o mètres de la posi-
tion ennemie.

En Champagne nos troupes passèrent à l'attaque,
après une préparation d'artillerie efficace, des deux
côtés de la route Sommc-Py-Souain. Elles enlevèrent
la ferme de Navarin et, des deux eûtes de celle-ci, la
position française dans une étendue de plus de l-,6oo
mètres, faisant, prisonniers 6 officiers, i,«>og hommes
et prenant 9 mitrailleuses et 1 lance-bombes.

Dans la région ttc Verdun, des masses ennemies
fraîchement amenées s'épuisèrent à nouveau, en
vaines tentatives d'attaque, contre nos poS'tions dans
le fort de Douaumont et aux abords de celui-ci, ainsi
que sur le Hardaumont.

De notre côté, nous avons nettoyé de l'ennemi la
presqu'île de Champneuville, qu'entoure la Meuse.
Nous avançâmes davantage nos lignes dans la direction
de Vacherauville et Bras.

En Wo:;vre, le pied des Cotes Lorraines du côté Est
fut atteint à plusieurs endroits.

Théâtre de la guerre à l'Est et théâtre de ta guerre
aux Balkans.

Rien de nouveau.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Pans, 21 février l'JlO, soir.

En Artois, au nord de la route de Lille, l'ennemi a fait
sauter une mine. Une contre-attaque immédiate l'a chassé
de l'entonnoir dont nous tenons un des côtés.

En fin d'après-midi, les Allemands ont effectué un violent
bombardement de no3 tnmehées, uu mud-uuest de Givenchy,
auquel nos batteries ont répondu énergiquenient.

Au sud de la Somme, dans le secteur de Lihons, après
avoir dirigé sur nos lignes un intense bombardement et des
émissions successives de gaz suffocants sur un front ds
sept kilomètres, l'ennemi a tenté de sortir de ses tranchées
en divers points ; il a été partout repoussé par nos tirs de
barrage et nos feux d'infanterie.

En Champagne, nous avons exécuté des tirs efficaces sur
les organisations allemandes a l'ouest de la route de Saint-
Hllaire a Saint-Sou plet.

En Argonne, tirs de destruction sur des uuvragesi en-
nemis voisins de la route de Saint-Hubert. Nous avons
démoli plusieurs observatoires aux abords du bois de
Cheppy.

Dans toute la région de Verdun, les deux artilleries ont
continué & se montrer très activée.

Au sud-est de Saint-Mihiel, nous avons bombardé les
positions allemandes du bois d'Ailly.

Les Allemands ont loncé un certain nombre d'obus sur
Sauit-D.u : un habitant a été tué, sept ont été blessés.

La fjuerre aérienne, — La journée a clé- marquée par de nom-
breux combats aériens.

Au de sus de Togsdorff, est d'Ailkirch, un de nos avions atta-
quant de nos près 1.11 fokker, a ouvert sur lui un feu de quinze
cartouches. L'appareil ennemi a gusbi- sur l'atlo droite, puis est
tombé. x

Dans la région d'Epinal, un albatros a été abattu par le tir
de notre artillerie.

Dana la région de Bures, nord de lu forêt de Parroy, un appa-
reil allemand, attaqué par deux dea noires, s'est abattu dans nos
lignes. Le pilote et le passager ont été tués.

Une escadrille de sept appareils français a livre combat a
quatre avions ennemis, dans la région de Vigneulles-les-Hatloq-
Chalel. Deux de ces derniers ont 616 contraints d'atterrir. Les deux
autres ont pris la fuite.

Des avions ennemis ont bombarde Fisiues, Dar-lc-Due et
Revigny

Auprès do co dernier point, l'escadrille ennemie, compos6e de
quinze appareils a été assaulio par une de nos escadrilles de
chasse et a du livrer un combat au cours duquel un avion alle-
mand a été abattu près do Grvry-cn-iVrguniU). Les deux aviateurs
ont étô faits prisonniers. Un second avion ennemi, poursuivi, a '
piqué brusquement dans ses lignes.

Un de nos groupes de bombardement, composé de "dix-sept
appareils a lancé soixante-six obus do gros calibre sur le champ
d aviation d'IIabsheim et sur la gare sux marchandises do
Mulhouse.

Un autre groupe do vinpt-huit appareils a jeté de nombreux
- projectiles sur la fabrique de munitions ennemie dé Pogny-sur-
Moselle.

A la suite de ces différentes opérations, tous nos avions sont
rentrés à leurs terrains d'atterrissage.

Un zeppelin, en marche do SaintcMrndioiPld vers lo sud, a été
abattu par la section d'aulos-canons do Jlcvjgny. Traversé par
un obus incendiaire, il est tombé en flammes aux environs de
Brobant-lc-lïoi.

Paris, 22 février 1V1C, 3 heures.

En Artois, à la suite du violent bombardement signalé
hier en fin de journée, l'ennemi a effectué une foi le attaque
sur-nos positions du bois de Givenchy.

U a pu, pénétrer dans nos tranchées de première ligae
complètement bouleversées but uu front de 800 mètres
■ environ, et en plusieurs points dans notre tranchée de
doublement dont, à la suite d'une contre-attaque de notre
part, il n'occupe plus que quelques éléments.

L'ennemi, dont l'effectif peut être évalua à sept bataillons,
a subi, des pertes considérables du latt de nos tirs de
barrage, de nos feux d'infanterie et de mitiuilleuses.

Au sud-est de Rocllncourt, l'ennemi a futl sauter une
mine dont nous avons occupé l'entunnuir.

Continuation de l'activité de l'aittlleiie duna la région de
Verdun.

Les Allemands ont attaqué hier, en fin de journée, nos
positions a l'est de Brabant-sur-Meuse, entre les bots
d'Haumont et flerbcbois."

Ils ont pris pied duns quelques éléments de tranchées
avancées et poussé par endroits jusqu'aux tranchées de
doublement.

Nus cuiitre-altaques les ont rejetés de ces dernières.
Nous avons fait une cinquantaine de prisonniers.

A l'est de Seppois, deux attaques ulleinandes ont été
repouasées.

Activité assez grande de l'artillei le gui le f ont Chapelotte-
Ban-de-Sapt.

FEUILLETON DS LA tCAZETTE DES ARDENNES* 3

Piège à Baigneur

1 Pelit endroit confortable et pas cher. — Playe de Famille. i

Au bureau de l'hôtel", personne, mais au billard je
vis le maître d'hôtel, l'homme digne et correct à tête
de diplomate, qui, se croyant seul, esquissait un furtif
carambolage.

Je fus très net.

« Veuille! dire à vot*e patron qu'indigné d'avoir été
trompé, je pars. — Àh I monsieur est... ennuyé...
Monsieur a une petite déception ; je vois ça I —
Petite L„. Dites qu'on se moque du monde. Il n'y a
rien... — Ah 1 monsieur a de la chance, lui I —• De la
chance, en voilà une plaisanterie. — Monsieur peut
s'en aller, mais moi qui ai un traité... Et je ne serai pas
payé. Avant huit jours l'hôtel sera fermé, les Lougas-
sère en faillite. — En faillite ? déjà p... Comment s'y
sont-ils pria ? — Que voulez-vous, le patron est de
Marseille, il ne doute de rien, il s'est improvisé hôtelier.
U croyait trouver du crédit, les entrepreneurs n'en ont
pas fait. Et voilà... Moi, qui tfttis bien plus victime que
monsieur, je plains les Lougassère... Et je ne leur ferai
pas d'ennuis... A la place de monsieur, j'aimerais
mieux payer ma note, même si elle était un peu élevée.
— Elevée P Mais nous avons des conventions : trente
francs par jour. Mous ne serons restés qu'un jour. —
Un jour et un quart, monsieur. — Oui, eh bien, ajou-
tons les petits suppléments, le café... Tout cela ne peut

dépasser quarante francs. — Alors, monsieur n'avait
pas souscrit d'engagement de'séjour P... — C'est-à-
dire... Hein ? Pourquoi me demandez-vous ça ? — Et
monsieur n'a pas reçu une lettre à l'en-tête de l'hôtel
avec, en marge : vingt francs d'indemnité par tète si
l'on ne reste pas le temps convenu I — Tiens, je n'avais
, pas fait attention, maiB... — Ah I monsieur, la semaine
dernière, un voyageur s'est fâché... Au lieu de payer do
bonne volonté l'indemnité il a voulu aller devant le
juge de paix, puis finalement, comme il aurait fallu
rester ici quinze jours, et que, pendant ces quinze
jours n'étant pas à la pension, ses repas lui eussent été
çomptés à la carte, lui et sa famille, il a payé. —Diable!
mais.... nous sommes six.... Non, je ne paierui ja-
mais. — Comme monsieur voudra, alors monsieur
reste. Mais s'il y a faillite P — Allons, en voilà assez,
je ne veux pas être mêlé à une faillite, demandez ma
note. — La voici, monsieur, fit la tête à favoris touffus,
fouillant dans la poche de son habit. J'avais bien vu
à l'air de monsieur.... qu'il ne resterait pas. — Com-
mcnll.... Cent quatre-vingt-six francs.... L'indem-
nité, cent vingt francs, soit! mais le reste soixante-six
francs quarante-cinq centimes.... — Oh I p'our les
centimes....»

Et le maître d'hôtel, eut un beau geste, large et
généreux. ,

Que faire P La situation était impossible. Je payai,
avec rage.

Ah 1 si à ce moment l'officier d'Académie s'était
montré, je crois que je l'aurais étranglé.

Notre déjeuner fut silencieux; il est vrai que nous

n'avions pas encore dit aux enfants qu'on partait.
Quand ils l'apprirent ce furent des trépignements de

•**

1 Enfin, nos bagages sont hissés sur l'omnibus. Ma
' famine et les enfants s'installent dans l'intérieur. Moi,
je me mets à côté du conducteur. Je vais le faire
bavarder. Du reste, il paraît ne pas demander mieux.

■ u Ah, monsieur en u assez P Connue monsieur est
resté longtemps I — Comment longtemps p Uu jour et
demi. — Eh 1 monsieur, d'ordinaire, uu bout d'une
heure, les voyageurs filent. — Alors tous s'aperçoivent
qU'ils sont refaits ? — Dame, monsieur, sauf votre
respect, ça se voit comme le nez au milieu du visage.

— Mais pour parler ainsi de vos patrons, vous ne
craignez pas."— —-Us m'ont fichu à la porte, c'est le
dernier voyage que je fais. — Pourquoi vous renvoie-
t-6n ? — Pour avoir trop jasé,... à la cuisine, avec les
autres.... Et puis, j'ai secoué les puccB au maître
d'hôtel, cette espèce d'échappé de prison.... — Lui P

— Oui, il sort de la maison centrale de Poissy où il
était avec Lougassère. — Allons donc I — C'est là
qu'ils ont monté leur coup : ouvrir dans un pays perdu
une baraque qu'on appelle Grand Hôtelaire une ré-
clame énorme, recevoir cinquante lettres de voyageuis
pur jour, les décider tous, à force de rabais qu'on leur
promet, à s'engager à rester un mois.___— Et puis P

— Et puis, comme il n'y a rien de rien, les gens aussi-
tôt débarqués ne veulent plus rester.... Seulement on
a eu soin d'entrer leurs bagages, de les monter et
quand ils veulent repartir on leur dit : « Payez l'in-
demnité. ... I >» lis crient Y en a qui font un p <t n

d'enfer. — Et puis, à la fin des lins, quand ils ont bien

crié____d'abord", qu'est-ce que ça fait uux patrons

qu'un crie P.... Y a qu'eux à ce qu'il- appellent Beth-
lécm-sur-Mer. Ça ne s'ente Un* pas h: putm ; alors, on
paie I. ... Ah ça rapporte cette machine-là, allez !.. ..
Pour moi ils font bien de six u >r[ >t cents francs pin
jour. Et, presque pas de frais. — Mais on me disait
qu'ils allaient tomber en faillite. — Oui, c'est le maitn-
d'hôtel qui dit ça.... ParbleuT il est leur associé L".
Allez, ils vont faite dans leur saison, je parle, plus de
soixante mille francs. — Mais, h s • î nslructions ? —
Ils n'ont pas payé un sou; les entrepreneurs, poui
suivent, mais avant qu'ils aient obti nu un jugemenl,
les oiseaux auront filé, changé de nom.... — Mais
vous devriez dire ça dans le pays. — V >i pas de pajs.
— Morbleu, mais je vais de ce pas faire une plainte at)
piocureur de la République. — tout I ■ mc.de dit ça,
monsieur, en partant, et puis on réfléchit que ça serait
des embêtements.... Et on ae ti< ni ti.mquille.... —
C'est vrai I Les misérables 1.... — lïuh, monsieur,
faut pas trop leur jeter la pierre.... On a tant de fBJH
à gaguer de l'argent au jour d .lujounl'liui... .^Vojcz
donc la famille lluinbert 1 u

* *

Nous avons quitté Ilellik- m suu Mer. Nous voici
débarqués à Dinard.

Et les prix ?.... Ah dame, 1 e sera ce que ce scia,
mais voyez-vous, j'en ai aases des p'. lits trous pM
chers, qui sont ruineux, — de ces plages de familles 0 1
on ne trouve rien, pas même de plage, pas mênu rie
famille I

Mv>.o«-l-<..i™ii

FIN
 
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