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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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£• Année. — N* 195. PRIX : 5 CENTIMES Charleville, le 22 Mai 1916.

Gazette des Ardennes

JOURNAL DES PATS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE
On s'abonne dans tous les bureaux de poste

LES PROFITEURS

Parmi les graves problème* que pose la guerre, celui
du fret *Bt pour lea gouvernements alliés l'un des plua
sérieux. Alors que le blocus anglais a contribué a créer
en Allemagne une organisation destinée à rendre l'ap-
provisionnement de l'Empire de plus en plus indépen-
dant de toute importation par mer, les pays de l'Entente
se trouvent placés dans une situation très différente.
Chez eux:, les importations n'ont fait qu'augmenter et
nous voyons la France et l'Italie de plus en plus assujet-
ties à la loi des importeuri, parmi lesquels les armateurs
anglais occupent de loin la première place.

C'est là un problème difficile, sinon impossible à
résoudre, et plus pénible encore à traiter publiquement.
La censure française veille à ce que les ressentiments
qu'on.éprouve dans les milieux commerciaux et dans le
grand public français à l'égard des exploiteurs alliés ne
se fassent pas jour dans la presse. Mais elle ne peut tout
de même pas interdire tous les articles traitant ce sujet
scabreux, pour peu que les auteurs sachent modérer
leur ton en disant la cruelle vérité. C'est ainsi que la
« Bataille » du 3o avril a pu publier l'article que voici ;

« De l'enquête menée par un de nos confrères sur la
cris* dei transporta maritimes, il résulte que l'augmenta-
tion des importations a été 1 Marseille, de 191/j à ipifi, de
66,365 tonnes pour le pavillon français (11 %) et de 038,840
tonnes (89 %) pour le pavillon étranger. Le pavillon an-
glais, auquel on a fait l'honneur d'une statistique a part,
s'inscrit pour 1,073,600 tonnes, soit seize fois la valeur-île
l'importation française. L'enquêteur est donc autorisé à
affirmer que le pavillon anglais bénéficie presque seul de
la disparition des pavillons allemande et autrichiens. Si
l'on considère que le prix du fret a plua que quintuplé de-
puis le commencement de la guerre, et que 70 % des sommes
versées à titra d'affrètement vont à des étrangers, on volt
que, pour les intermédiaires en général, et les intermé-
diaires anglais en particulier, la querelle des chancelleries
et la mêlée des peuples ont de quoi réjouir MM. les spécu-
lateurs de toutes catégories.

« Ceux-ci s'en donnent à cœur joie, et ce n'est un mys-
tère pour personne. On imagine assez bien de quels sar-
casmes notre grande presse arroserait le* commerçants
allemands qui s'aviseraient d' « estamper » leurs amis les
Autrichiens et les Bulgares. Nous voudrions, quant à nous,
que la sévérité des néo-moralistes s'exerçât chaque fois
qu'elle rencontre matière au blirne et qu'il fût bien en-
tendu que la qualité d'allié ne confère pas d'emblée toutes
les vérins. Les délégués italiens à la Conférence interparle-
mcntttire n'ont point, sur ce chapitre, caché leur sentiment.
Ils ont dit dans quelle situation difficile se trouve présente-
ment l'industrie italienne, par suite de» prix formidablement
élevés réclamés par les armateurs anglais.

u Nous sommes prêts — ont-ils déclaré — à tous les
sacrifices, mais nous noua demandons ai un peu de bonne
volonté ne pourrait pas, dans l'intérêt commun, nous les
alléger un peu. »

<t Cette question, que se posaient MM. Ferrari et Mar-
coni, nous nous la posons à nous-mêmes, nous la posons aux
Anglais, qui n'ignorent point quels sacrifices ont été, sont
encore le* nôtres. Sir Archibald WilUamson, de la Chambre
des Communes, a donné l'assurance qu'il se ferait, auprès
de son gouvernement, l'interprète des doléances italiennes.
Souhaitons que la démarche ne demeure pas sans effet et
que l'occasion ns nous soit plus donnée de flétrir les spécu-
lateurs pour qui nos malheurs ne sont qu'une occasion de
plus d'arrondir les bénéfices ».

Mais les armateurs anglais ne sont pas seuls & pro-
fiter de la situation créée par la terrible catastrophe eu-
ropéenne. Dans un article qui porte le titre suggestif
« Sur Us ruines de l'Europe », la « Dépèche » de Tou-
louse du 3 mai décrit une autre face du problème. Le
grand journal radical écrit :

FEUILLETON DE LA ^GAZETTE DEà AHÛENNBS* zz

LA GUERRE FATALE

Par le Capitaine DANRIT

Le feu du rivage redoubla ; le fort de Dcal, qui se dis-
tinguait à peine à un kilomètre, apparaissait maintenant
très net avec ses lunettes arrondies, ses tours étagéea et
crénelées et à son sommet la coupole d'où partaient des
détonations plus sourdes et plus prolongées que celle des
canons da, campagne des collines en arrière.

Par bonheur, la plage, en arrivant au quai de béton qui
servait la veille encore de promenade favorite aux oisifs et
aux baigneurs de Deal, se raccordait avec ce quai, par un
talus de gravier de i" 5o à a mètres de hauteur et aux
•bords de ce ressaut, les assaillants se trouvaient a l'abri du
feu du fort et 3es villas voisines.

II eut été sage peut-être de s'y arrêter, do s'y reformer a
l'abri, de s'y préparer à l'élan llnal ; le coin d'attaque eût
été plus compact, l'effort moins décousu.

Ainsi eût opiné certainement un tacticien d'école.
Au 1" bataillon, nul n'y pensa ; les plus agiles cou-
raient sans se retourner ; ceux qui tombaient, loin de ra-,
lentir l'élan des suivants, le doublaient du toute la rage que
souffle l'idée de vengeance au coeur d« camarades.

A la 4*„ le grand lieutenant AUement, commundant la
a* peloton de la compagnie Berton, avait reçu une balle danj
la jambe en sautant a l'eau, et il se traînait sur un pied ver*
le rivage, appuyé sur son fourreau de sabre j le lioutenant
Sisscron avait pris aussitôt le commandement du peloton I
le cernent Rlgout, le premier tireur du régiment, s'était
abattu dans son bateau traversé de part en part, les capo-
raux Mouly et Géhnier avaient roulé dans les vagues, la tête
en avant, sans lâcher leur fusil J o'étaient les premières
victimes ; d'autres suivirent, les sergents Gay, Paupe, les
caporaux Donon, Jarry, Jault, tombèrent avant d'aborder,
les ballas arrivaient avec des sifflements do frelons, frapi
paient les cordages des chalands en faisant résonner l'acier
de leur membrure, ou s'enfonçaient dans les poitrines avec
un bruit mat.

« Pendant que la malheureuse. Europe est en proie à la
plus effroyable guerre et perd à la fois le meilleur de son
sang et le meilleur de ses ressources, la plus grande des
puissances neutres, les Etats-Unis d'Amérique, s'enrichit et
se fortifie avec ardeur de tout ce qui appauvrit et affaiblit
l'ancien continent. Déjà la grande République nméricaine
se glorifie de posséder aujourd'hui une encaisse d'or de plua
de i3 milliards, c'est-à-dire presque égale à l'encaisse d'or
de l'Allemagne, de l'Autriche, de la Ru«aie, de la France et
de l'Angleterre réunies, et il est facile de concevoir quels
avantages formidables cette situation financière lui assurera
(lans les grandes luttes économiques de demain. Mais ce
n'est pas tout. Voici qu'avec une méthode et une persévé-
rance qui méritent d'être admirées, elle est sur le point de
réaliser un rêve qui paraissait hier encore presque impos-
sible, et contre laquelle la vieille Europe, épuisée, ruinée,
ne poufru lutter qu'avec les plus grandes difficultés.

« On se souvient que nous avons , signalé la décision
prise par les armateurs américains d'intensifier la construc-
tion des chantiers maritimes afin de pouvoir disposer,
avant mime la fin des hostilités, d'une formidable flotte de
commerce. On annonce maintenant que le trust qui doit
prendre en mains cette immense entreprise est définitive-
ment constitué et qu'après avoir absorbé toutes les compa-
gnies de navigation da la côte américaine du Pacifique U
vient d'absorber également celle des porta do l'Atlantique,
de telle sorte qu'ayant désormais écrasé .toute concurrence,
disposant da capitaux presque illimités, il peut à son gré réa-
liser son programme et ajouter a la flotte qu'il possède déjà
une flotte assez forte pour concurrencer avantageusement
celle de l'Angleterre ou de l'Allemagne au lendemain de la
paix. On sait que déjà II avait été question d'acheter à l'Al-
lemagne les navires qui sont internés dans les ports améri-
cains, projet qui ne put pas aboutir en raison des difficultés
diplomatiques. Bientôt la trust américain n'aura plus besoin
d'envier à l'Allemagne ses plus puissantes unités.

« Si l'on songe qu'à la veille de- la guerre, la flotte amé-
ricaine de l'Atlantique était pour ainsi dire inexistante et
ne consistait qu'en petites unités destinées au cabotage, si
l'on se souvient que tout le commerce entre l'Europe et
l'Amérique était entre les mains des compagnies de navi-
gation européennes, on pourra mesurer toutes les consé-
quences de cette sorte de révolution économique, et toutes
les pertes que l'Europe en ressentira. i>

Avis aux stratèges rédactionnels et aux politiciens
désemparés qui déclarent que le « salut de l'Europe »
est dans la prolongation de la guerre. '

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier général, 20 mai 131(1.
Théâtre de la guerre à l'Ouest. ;
Dans les Argonms des patrouilles allemandes'
poussèrent, après avoir fait sauter des mines, jusque
dans la deuxième ligne ennemie. Ils établirent que
l'ennemi avait subi de grandes pertes en morts et
ramenèrent quelques prisonniers.

Contre nos nouvelles positions, des deux côtés de
la route de Hamourt à Esnes, l'ennemi répéta plusieurs
attaques, qui furent facilement repoussées-
Cinq avions ennemis furent abattus : l'un par feu
d'infanterie au sud-est de Vailly, JeB quatre autres en
combat aérien près d'Aubreville, au bord sud du Bois
des liesses, près d'Avocourt et immédiatement à l'Est
de Verdun.

Nos aviateurs attaquèrent avec succès des navires
ennemis à la côte de Flandre, des cantonnements, des
ports d'aviation et des gares près de Dunkerque, St.-
Pol, Dixmude, Popcringhe, Amiens, Châlons et
Suippes.

Théâtre de la guerre à l'EslA
Dans la région de Smorgon un aviateur allemand
descendit, après combat aérien, un avion russe.

Théâtre de la guerre aux Balkans.
Aucun événement particulier.

— La garde du drapeau, par ici I

C'était le- lieutenant Lahigrrqui appelait les siens en
agitant son képi.

Déjà plusieurs chasseurs « d'élite », de ceux qui sous ce
titre sont désignés en tout temps pour ne Jamais quitter
l'emblème sacré, pour le défendre jusqu'à la mort, partaient
en avant, empoilés par l'élan général. Le sergent Rajaud, un
vieux serviteur solide et calme, les rallia et, au-dessus de
leur petit groupe maintenant indissoluble, et bientôt grossi
de tous ceux qu'il attirait comme un aimant, le drapeau des
chasseurs à pied déploya ses trois couleurs, surmontées de la
croix à ruban rouge, gagnée à Solférino.

Soudain le sifflet du commandant se lut. Constantin, le
chef de fanfare, aidé du sergent Chaumonl, avait fini non
sans peine, par rassembler ses clairons et ses fanfarisles qui
ne demandaient qu'à s'égayer en avant avec les autres, et
le bâton d'ébène levé, venait de donner le signal d'attaquer
la Sidi-Brofum.

En sautant du chaland un des premiers, Louis Dhûrr
s'était dit ! « Mourir aujourd'hui, oui, mais à condition do
mettre le pied le premier sur ce Vol maudit, d'où le déshon-
neur a jadis soufflé sur mes rêves d'avenir, n

Et il était parti à une allure enragée, dépassant son ca-
poral, le petit Lchbach qui bondissait le fusil haut et l adju-
dant Guillain qui cependant tricotait de sou mieux des
Jambes dans l'eau toute blanche d'écume. Bientôt, il arri-
vait en tête de la 4' compagnie, qui elle-même tenait la Ètq
du bataillon.

Mais comme l'ancien officier allait loucher la grève, le
sergent Vothclin la dépassa dans un galop furieux....

— Ah I non, mon gaillard, après moi, s'il vous plaît....
Et d'un bond, le vigoureux garçon, lonipu à tous les.

exercices du corps, fut eu haut du talu^ : une balle lui 4n-
Ieva son képi J il se retourna, jeta un cri de triomphe en agi-
tont son orme comme pour attester à la face du drapeau qu'il
abordait le premier sur le sol anglais et résolument redwt
vers le fort fta course bondissante.

Déjà les chabseurs de sa section, et quelques nuiras lies
compagnies voisines, étalent sur ses talons, le sergent
Hémelot et les moniteurs de gymnastique les premiers ;
c'étaient do solides gaillards, râblés, musclés, habitués à
faire sans souffler de longs trajets au pas île courre derri re
le lieutenant Richard qui les avait dresses . eu lête Gienard,
un des cyclistes les plus entraînés, le grand Vatin aveu ses

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Paris, 15 mai 1916, soir.

En Champagne, le bombardement effectué ce matin par
l'ennemi sur la région dite du Mesnil-Maieona de Champagno
a été suivi de plusieurs attaques simultanées u faible effectif
sur divers pointa de ce front. Toutes ces attaques, arrêtées
par des tirs de barrage ou repouasées par nos conlre-at-
taques, sont restées infructueuses.

Dana la région de Verdun, bombardement intermittent
de nos premières et de nos deuxièmes lignes, à l'ouest de
la Meuse.

Sur lea Hauts-de-Meuse, un coup de main préparé par
notre artillerie a eu un plein succès. Nos patrouilles ont
nettoyé les tranchées ennemies sur un front de deux cents
mètres environ et ramené des prisonniers.

Notre artillerie a canonné des détachements ennemis
signalés'sur la route Essey-I'annea (sud-ouest de ïhiau-
court). —

Paria, 16 mai -1916, 3 heures.

Sur la rive gauche de la Meuse, bombardement assez vif
de nos positions du bois d'Avocourt et de la cote 304

Sur la* rive droite, une petite attaque alletnande à la
grenade, au nord-ouest de la ferme de Ihiauinont, a com-
plètement échoue,

Bn'Woévre, Julie d'artillerie dans les secteurs d'Eu et
de Mouloinville.

Nuit relativement calme sur le reste du fronL

BULLETINS OFFICIELS ANGLAIS

(Front occidental.)

Londres, 15 mai 191C.

Hier soir et pendant la nuit, 11 y a eu une aclivilé considérable
sur notre front, entre Looe cl le canal do La ta» s suc a Belhuiie.

Juste à l'est de Looa, les Allemand» ont bombarde violemment
une petite section "de nus uanehées et un faible détachement a
réussi a y pénétrer, mais ce n'a éle que pour quelques annules.

Entre temps, plus su nord, nous avons inflige aux positions
allemandes près de la redoute Holienzollcrii, un bombarde ment
énergique et efficace. ■

Plus loin encore au nord et loul à fait au sud du canal, "Tes
Allemands ont fait éclater une mine S 23 yards en avant de nos
tranchées et ils ont pris possession de l'entonnoir.

Après une courte canonnade de nos mortiers de tranebées,-
nolre infanterie s'est emparée du rebord de l'entonnoir, faisant
un prisonnier ; elle a trouvé dans l'entonnoir plusieurs cadavres1
allemands.

Aujourd'hui, de part et d autre, au nord-ouest de IluHuch, il y
a eu de* explosions de mines, mais pas de combats d'infanterie.

Nous avons exécuté avec succès un bombardement des posi-
tions ennemies en face de Fauquissarl et noire artillerie a réduit
au silence les mortiers do tranchées des Allemands dans lo voisi-
nage do Saint-Eloi.

Les succès Austro-Hongrois

Vienne, 1S mai 1916 (Officiel).

Au front de la cote et de CarinthieMe feu d'artil-
lerie s'est calmé. Ce matin deux attaques italiennes
contre nos positions conquises à l'Est de Monfalcone
furent repousséea. Une escadrille d'avions austro-
hongrois bombarda avec succès la gare de St-Giorgio
di Nogara et les stations d'hydroplanes ennemis près
de Graz.

Au front du Tyrol méridional notre attaque
progressa irrésistiblement. Sur la crête d'Armenterra
6 attaques ennemies furent repoussées. Entre les val-
lées de l'Asbach et de la Lain, les troupes &vançà*nt sous
la direction de l'archiduc Karl Franz Josef continuèrent
à repousser l'ennemi sur tout le front et s'emparèrent
ce matin des forts cuirassés Italiens de Cumpanole et de
Toraro.' Entre la vallée de la Lain et de la Iirenta, les
troupes austro-hongroises atteignirent le côté nord du
Col Santo. Dans la vallée de l'Etsch les Italiens durent
évacuer les localités de Marco et de Mori.

jambes d'échaasier, le petit Lecerf, imberbe comme une
fille, Lempereur, une « fripouille u comme l'appelait son ca-
pitaine quanj il avait u tiré une bordée », mais une fri-
pouille courageuse et solide, Barbeau, un lutteur taillé en
hercule et Faraco et Thhvy et Lcbacq et Paradis, au large bouc
retroussé et le petit Lamlraux, le prévôt d'escrime ; derrière
eux, la masse des compagnies prît pied, oscilla un instant
devant le ressaut du quai et reprenant son mouvement irré-
sistible se rua sur le fort, baïonnette haute.

Au milieu d'eux, sabre au clair ou revolver en main,
lieutenants et capitaines couraient suivis des porte-fanions,
le capitaine Duron avait lâché sou inséparable pèlerine pour
mieux courir, Buivi du lieutenant Fournier et de Sauron,
Bon officier de réserve, le capitaine Cochat en avait oublié
Crépinette, son cheval de prédilection, qui débarquerait
comme il pourrait , dans son silluge, le vieux père Toulmont,
son adjudant, s'emballait, cherchant d'instinct dans sa
poche son carnet d'ordic? et en retirant son paquet de pan-
sement, tandis qu'a deux pas de lui le lieutenant Petit pestait
tout haut en courant contre-Son ordonnance, car au lieu de
son revolver, il venait, dans l'étui réglementaire, de trou-
ver. ..." sa pipe.

C'était une cohue, un bondissement, une avalanche et le
commandant Couturier, qui \enait d'aborder, très calme au
milieu de ce déchuînenient de courages exaltés et avides de
se dépenser, eût le souiire des jours heureux.

Les premiers ihas^curs armés au bord du fossé la décou-
vrirent aussitôt et sans hésitation, uutant d'ailleurs pour
chercher un passage de ce coté, que pour échapper au feu
Ininterrompu qui parlait des tours, ils sautèrent dans le
fossé avec la légers lé d'une bande de grenouilles regagnant
son domicile aquatique.

Puis ils rep,mirent se bousculant, se hissant au milieu des
pierres et des IOttcb éboulées, officiers, eous'-ofliciera et
iliasscui» de quatre compagnies confondus; avant qu'ria
cimenl pris pied sur la phitc-lYnmc, le- fui cessa.

La baïonnette allait enlrei en jeu.

lis defi'ii'eii] s Je l'ouvrage appartenaient au l\2* régi-
ment de Uightanders.

i < 1.m ut rick_hommoj superbes que leur uniforme étla-
Luil cl original rendait plus imposants encore :1e hasatd
jï.nt bien fait les < hoses 111 dcuin.itit aux chasseurs A pied

Depuis le début de notre attaque le chiffre des
prisonniers italiens s'est accru a plus de 10,000 hom-
mes, 175 officiers; le butin atteint 51 mitrailleuses et
61 canons.

LA CENSURE FRANÇAISE CONTRE L'IRLANDE

Le soulèvement des patriotes irlandais a été, pour les ré-
publicains français un rude coup moral. Alors que depuis
bientôt vingt-deux mois les Alliés ne cessent de crier sur tous
les toits qu'ils font la guerre pour libérer les petites nations,
o'esl précisément dans leur propre maison qu'éclate l'in-
cendie de la légitime révolte I On ne saurait imaginer pire
malchance. Mais on ne pouvait espérer que la presse fran-
çaise, si prompte à s'indigner sur mot d'ordre, prendrait la
parti d'une cause dont toute l'histoire de France devait
pourtant la rendre solidaire.

Elle a, cette presse gouvernementale, tout au contraire,
accusé de ■ traîtrise n les patnoles irlandais Qdèles aux re-
vendications multiséculairci de leur race. Elle est allée jus-
qu'à lea traiter d'agents de l'Allemagne I

Mais certains journalistes se réclamant dea conceptions
de la grande Révolution ne purent tout de même s'empêcher
d'éprouver quelque honte en voyant ainsi ctonentic par les
faits la « cause de liberté » qu'ils prétendent servir. Parmi
ces quelques voix républicaines témoignant d'une certaine-
franchise, citons celle de la « Bataille » du 9 mai :

« Maintenant que le calme règne en Irlande, notre devoir .
est de faire entendre notre voix sur ces événements révolu-
tionnaires. *

« Nous ne pouvons pas laisser dire sans protester que ce
soulèvement populaire est uniquement le fait de l'Alle-
magne....

<( C'est cependant la thèse que soutiennent tous Jcs jour-
naux, et plus encore lea journaux français, que ceux d'Angle-
terre. Certains de nos quotidiens n annonçaient-ils pas que
le complot avait élé organisé à New-York, par Larkm, le
meneur de la grande grève générale de Dublin. Cela est
faux, puisque Larkin est, a l'heure présente, interné dans
une maison de sauté en Amérique. Mais lea journaux n'en
■ont pas à une inexactitude près ; ce qu'il importe présente-
ment, c'est de jeter l'ana thème et le discrédit sur un
mouvement national qui fut inopportun (l) — nous la
reconnaissons — mais que nous nous refusons à considérer
xomme, une action- en faveur de l'Allemagne....

«-Pour croire cela, il faudrait oublier que la question
irlandaise est posée depuis longtemps, que lea Irlandais ont
toujours protesté contre cette mise eu tutelle, que nom*
breux sont ceux qui aimèrent mieux s'expatrier plutôt que
d'accepter la domination anglaise. Il faudrait également
oublier1 que ta France fut à certaines heures mêlée au mouve-
ment d'indépendance de l'Irlande.

(t S'il plaît a certains d'oublier celle histoire et ces faits,
grand bien leur fasse, mais nous ne les suivrons pas, car
nous nous rappellerons que c'est pour le droit et l'indépen-
dance dea nationalités que nous lui tons ... »

Parmi ceux que leur conscience *de jadis doit mordre
parfois, noua trouvons également Gustave Hervé, thurifère-
attitré de la politique officielle. La « Victoire » du i3 mai
nous offre deux exemples symptomatiques de ces démangeai-
son. morales I D'abord Hervé a voulu reproduire une lettre
ouverte que la dramaturge anglais le plus universellement
connu de nos jours, M. Bernard Shaw, Irlandais de nais-
sance, a adressé au « Daily /Veux ». Mal lui en a pris I La
censure de M. Briand a radicalement supprimé cet article
anglais, de la première à U dernière ligne, donnant ainsi a
entendre aux citoyens de la République française, qu'il leur
est interdit de savoir ce que pense de la question irlandaise
le plus fameux des écrivains anglais 1

Qu'a donc osé écrire M. Bernard Show ? Il a déclaré
illégale la condamnation à mort et l'exécution dea chefs
irlandais. Les Sinn Feiner qui ont déposé les armes doivent

pour cette première rencontre, des adversaires dignes
d'eux.

Grands, élancés, la plupart imberbes, ils portaient la
tunique rouge à pans écourtes et arrondis, coupée par les
billeteries blanches en croix supportant le sac verni placé
très haut sur l'épaule. Le pantalon était remplacé chez eux
par le jupon écossais ou kilt en étoffe de laine à carreaux
et une sacoche en fourrure était suspendue à leur ceinture.
Leurs jambes étaient couvertes de guêtres a demi moulantes
el de bas de laine maintenus par des jarretières ; ils por-
taient le plaid national ou sporhtn en bundoulière sur
l'épaule- gauche et leurs officiera étaient armés du sabre
court nommé covmore.

L'asBaut furieux qui leur arrivait et qui eût fait éiacuer
l'ouvrage par dea combattants impressionnables comme les
Italiens ou les Grecs ne lea avait pas émus : on leur avait
sans doute rappelé que leurs- aieux, à Waterloo, avaient
reçu sans broncher la charge de la vieille -garde de Napo-
léon et c'étaient d'ailleurs presque tous de vieux soldats :
lorsque la lunette flanquante du centre aVoit été renversée
dans le fossé, entraînant avec elle tout un pan de la tour
centrale, Ils s'étaient reformés au nombre d'une centaine
dans le chemin couvert circulaire qui courait en arrière de
la plate-forme, et là, le doigt sur la détente, ils attendaient
pour lea abattre a bout portant que parussent les premiers
assaillant* se bissant non sans peine au milieu des décom-
bres et des éboulemenls.

Le sergent Vothelin avait lout fait jiour conserver son
avance 1 en arrivant près du sommet de l'éboulement, il
était haletant 1 mais derrière lui le souffle furieux de cent
poitrines battant du même désir, lea cris de « En avant I »
jetés à plein gosier par lea lignes successives qui abor-
daient la plage, une griserie inconnue, tout lui donnait des
ailes : quand il arriva près de la crête cependant il était_
rattrapé : le petit caporal Eichbach, et le silencieux Louis"
Dhurr, serrant nerveusement son fusil, arrivaient à sa hau-
teur "et prenaient leur dernier élan.

Le Bergcnt allait franchir le redoutable passage, insou-
ci ml du danger, ne le voyant d'ailleurs pas : il était bien
le soldat français, le Gaulois ne craignant rien, et fonçant
dînant lui comme un boulet : un peu de sang voulait d'ail-
leurs de son bras gauche, mais, a 'si était blessé, le neigcnt
ne le sentait point.

[(A suivre).
 
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