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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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2° Atinfe. — N° 234.

Charleville, le 30 Juillet 1916.

Gez8ih&' iiuS ArdoiinGs

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE POIS PAR SEMAINE

On s'abonne dans tous les bureaux de poste

OPINIONS BRÉSILIENNES

Un lecteur brésilien noua envoie l'intéressant ar-
ticle qut voici i

Pour répondre aux multiples insinuations de la
presse française, tendant a faire croire que l'opinion
unanime de l'Amérique Latine, et particulièrement
celle du Brésil, est nettement favorable aux Alliés, nous
croyons utile de mettre sous les yeux de« lectrura
de la « Gazette des Ardennes » la traduction d'un
discours prononcé a Sâo Paulo par le Dr. Viccnte
da Carvalho, l'un des hommes les plus proéminents
du Brésil, actuel ministre du Tribunal Supérieur
de Justice de cet Etat. Ce discours a été publié
par le journal h O Dtaro », l'organe la plus Impor-
tant de la presse de l'Etat de Rio Grande do Sul (Porto
Alegrc, 3o avril 1916). Peut-être l'opinion sincère d'un
Brésilien de haute valeur a-t-elle plus de poids qu«
cella deB Alliés, qui s'illusionnent volontiers et qui
plus volontiers encore cherchent à illusionner les Ncu-
Jrea.

Voicî la partie du discoure du Dr. Vioente de Car-
valho, à laquelle nous faisons allusion :

« C'est une erreur si les Allemands croient qu'ils
possèdent peu d'amis au Brésil,

k Dans mon pays, à Sâo Paulo, il existe des milliers
de Brésiliens qui rendent pleine justice a l'Allemagne,
qui lui donnent toute la considération dont elle est
digne et qui lui sont reconnaissants de sa collaboration
au progrès du pays.

« Je répète qu'il y a des milliers de Brésiliens à
Sâo Paulo qui jugent l'Allemagne comme une grande
natioa.

« Depuis aee années l'Allemagne se trauve a la tête
des peuples qui luttent pour la civilisation. Nous au-
tres Brésiliens, nous sommes une nation jeune, pleine
d'espoir dans l'avenir, à la conquête duquel nous mar-
chons. Nous ne sommes donc pas humiliés de confei-
ser que nous avons beaucoup à apprendre de l'Alle-
magne, dont la culture, vieille de deux siècles, doit
nous servir d'exemple. —

« O Tfne -je dis ici n'est pis l'expression de ma
-seule pensée. Je connais mes compatriotes, et ce que
j'affirme ici, ce sont des faits.
, h Qu'il me soit permis d'ajouter quelques mots con-
cernant? les Brésiliens amis des Alliés.

a Ils ont été induits en erreur par une partie de la
presse. Toujours, lorsque j'ai eu l'occasion de parler
avec des Brésiliens germanophobes et que je les ai in~
lerrogës sur les causes de leurs sentiments, J'ai pu cons-
tater qu'ils sont dus h l'action d'une mauvaise littira-

« Peu de Brésiliens connaissent 1 'AUtnangue ; les
autres, tout ce qu'ils en connaissent, c'est ce qu'ils ont
lu dans cette partie de la presse I

« L'actuel engouement pour les Alliés est le pro-
duit d'une propagande odieuse. J'espère et je désire
que le Brésil ne soit pas rendu responsable des mani-
festations isolées de quelques individus.

« Que le Brésil soit la seconde patrie des Alle-
mands qui viennent le visister, — des milliers da met
compatriotes et moi, nous faisons des vœux dans oe

,en,■•■■ * A. de Atsls Brasll.

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier général, 27 juillet 1916.
Théâtre de la guerre à\_t'0uesl.

Entre l'Ancre et la Somme, forte canonnade réciproque
jusque dans la nuit ; des attaques ennemies à la grenade
furent repoussées a l'ouest dû Pozièrcs.

Au sud de la Somme une allaque française échoua au
nord-est dc-Barleux.

Celle nuit, plusieurs forte» attaques françaises furent
repoussées dans la région de Froide Terre—Fleury. Les
combats continuent encore sur quelques points.

De fortes reconnaissances anglaises furent repoussée» Biir
le front au sud-ouest de Wnrneton, ainsi que des patrouille»
près de Richebourg. Au nord de Vicnnc-le-Châleau
(Argonnes orientales) un coup de main français échoua, l'rè»
de Ville-nux-Bois et ou nord-est de Prunay nos patrouilles
ont fait environ 5o prisonniers dan» la position française.

Un biplan français fut abattu, en lutte aérienne, près de
Berne (a l'Est do Reims).

Théâtre de la guerre à l'Est.
Hier soir, les Russes assaillirent en vain nos positions k
la Schtschara, au nord-ouest do Ljachovitchi. A l'ouest do
Berestcciko il» furent également repoussé» avec des perte»
sanglantes.

A part une escarmouche de patrouille», à la Komaika (au
aud de liiidsv) qui coûta à l'adversaire de grandes pertes,
aucuu Htre événement k signaler.

Théâtre de la guerre aux Balkans,

La situation est sans changement.

Grand Quartier général, 28 juillet 1918.

Théâtre de la. guerre à l'Ouest.

Une patrouille allemande, qui pouiBa un» pointe dans la
région de Neuve-Chapelle, ramena 3o prisonnier» (dont
3 officier») et a mitrailleuse».

Au nord de la Somme da fortes attaques succédèrent a la
canonnade anglaise, qui avait atteint une extrême violence ;
elles s'effondrèrent complètement devant nés positions
près de Poziàees, sis même eju'a plusietw» reprises au Wig de*
Foureaux et plus au sud-est. A Lonajueval et au beis de Del-
ville elles aboutirent k des corps a corps acharnés ; mais ici
non plus l'ennemi ne peut se glorifier d'aucun succès. Au
sud de la Somma la canonnade réciproque se maintint très
vive 1 îl n'y eut que de» poussées entreprise» par des grou-
pe» de grenadiers ennemis près de Soyécourt ; elles ont été
«poussées.

A l'est de la Meuse les entreprises françaises contre l'ou-
vrage de Thlaumont restèrent sans sueefes.

Théâtre de la guerre à l'Est.
Groupe d'armée du feldmarichal van Hlndenburg,
La situation est, en général, sans changement.
Groupe d'armée du -feldtnarichal Prince Léopold de Bavière.

ht» Russes ont renouvelé leurs attaque» avec des force»
importantes. Deux de leurs corps d'année assaillirent vaine-
ment, hier après-midi, i six reprises notre front entra
Sfcobown et Wygoda (à l'eet de Qorodichtche). De nouvelles
attaques sont en train. Le» vagues assaillantes de deux divi-
sions ennemie» refluèrent plusieurs fois devant nei positions
k la SoblscJiara (au «erd-eueW de Ljachewitohi). Les perte»
de l'adversaire sent tris grava».

Groupe d'armée du géniral von Linsingen.
Au nord-eat de Swiniuchy de» attaques russes gagnèrent
tout d'abord du terrain ; des contre-attaques sont en train.
Pré» de Pustomyty des troupes austro-hongroises rejetèrent
ver un assaut les Russes hors de quelque» positions avancées.
Groupe d'armée du général comte de Bothmer.
Aucun événement essentiel.

Théâtre de la guerre aux Balkans.
Au nord-oue»t et su nord de Vodena de petits combats,

coûtèrent de nombreuse» pertes a l'ennemi, »e dévelop-
:nt sur le terrain k l'avant de» positions bulgares.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Paris, 22 juillet 1916,^3 heures.

Enlrc I Oise et I Aisne, nous avons dispersé une forte recon-
naissance, allemande dans la région de Moulm-soiis-Touvcnt. En
V Argonue, nous avons fait jouer une miuo a Bolantc dans do
bonnes conditions A la Fille-Morte, un aoup do main de l'ennemi
sur un do nos petits po'sles a été ropOUS«&. Sur la rive droile de
la Meuse, violent bombardement des secteurs de Fleury et du
bois Fumin. Une attaque ennemie dirigée sur une de nos tranchée»
au »ud de Damloup a êcliouè. sous nos feu*. Dan» les Vosges,
après un vif bombardement, lea Allemands onl attaqué hier ver»
23 heure» nos positions au nord-ouest *de Sainl-Dié ; ils ont été
repousses avec de fortes pertes.

Ce malin un avion allemand a lancé des bombes sur Celforl;
ni perles ni dégâts, Dans la journée d'hier une de nos •■sca-
drillea a bombardé à trois reprises la srare de Met/-Sablons, Cent
quinze obus de gros calibre onl été lances au total sur les bâti-
ments de la gare et sur les voies. De gros dégâts onl pu ctre
constatés. Au cours d une des expéditions un avion allemand nui
poursuivait rescadnlle a éle obatlu. Un de nos appareils, *on-
traint d allcmr par suite de ponne, n'est pas rentré.

Paria, 22 juillet 1916. soir.

Sur la rive droite de la Meuse,* nous avons réalisé .quelques
progrés dans la région do Fleury et fait soixante-dix prisonnier».
Aucun événement impartent a signaler, sur le reste du front

Contrairement & co qui a été dit dans le communiqué de ce
malin, tous les avions français qui onl participe aux bombarde-
ments de la gare de Mefz-Sablons sont rentrés dans nos ligne».

Pans, 33 juillet 1916, jj heures.
Sur te front de la Somme, lutte d'arLillene. Au sud de Soya-
court, une attaque de nuit dirigée contre nos nouvelles position»
a échoué sous nos feux. Sur 1b rive droKe -de !s Meuse," bom-
bardement dû secteur de Fleury. Combats à coups de gicnadea
aux abords de la Chapelle-Sainle-Fine. Aux Eparges, une tenta-
tive ollcmande contre nos tranchées a été repousséo par nos feux
do mitrailleuses. Nuit calme sur le reste du front.

Pans, 23 juillet 1916, soir.

En dehors d'une canonnade assez vive au nord do la Somme,
aucun événement important a signaler sur l'ensenjjbîc du front.

La guerre aérienne ; Dans la journée du 21 juillet, nos avion»
ont bombardé la gare de Vignculles ; dans la nuit du 2i au 22,
« la gare de Thionvillc, où trois grands incendies se sont décla-
rés, la gare d'Arnavillc, celles do Laon et de Samt-Ermc ; di'ns
la nuit du 22 au 33, de nouveau la gaie et les établissement»
militaires de fhionville. Cent quinze obus au total ont été lancé»
au cours de ces expéditions. Dans la matinée du 22 juillet, un
groupe de douze avions français a bombardé lea établissement»
militaires do la ville de Mullhéim (rive droite du Rhin), La gare
et les casernes ont reçu do nombreux prejectiles', donl la plu-
part ont été signales au but. Au retour de l'expédition, nos avion»
ont livré bataille à une escadrille, ennemie , quatre appareils alle-
" manda onl été abattus par nos aviateurs et se. sont écrasés sur le
sol. Deux des nôtres onl dû atterrir dans les lignes ennemies.
Hier, dans la soirée, une pièce ennemie a longue portée a tiré
plusieurs obus de gT*s calibre dans ta région de Belforl. Ce
malin, un avion allemand a bombardé la ville, ne causant que
dos dégâts matériels,

Pans, 21 juillet 1916, 3 heures.
Sur le front de la Somme, nuit calme ; le temps reste mauvais,
. Au nord de l'Aisne, nos reconnaissances ont pénétré dans les
' tranchées adverses près de Vailly et ramené des prisonniers Sur
la rive droite de la Meuse, cette nuit, au cours d'une petite action
da détail aux abords de la Chapelie-Sninte-Fine, noua avons
eapturé une trentaine de prisonniers. D'après do nouveaux
renseignements, Je nombre total des prisonniers faits par noua
depuis dix jours dans ce secteur dépasse huit cents.

La guerre aérienne ; Celte nuit, un avion allemand a jeté de»
bombes »ur Lunéville ; un blessé. Le sous-lieutenant'Chaput a
ahatta hier son huitaine avion ennemi qui est tombé prés de
Fresnes-cn-Woèvre Un deuxième appareil allemand, attaqué de
très près par un de nos aviateurs, s'est écrasé , près du fort de
Vaux. Dans la nuit du 22 au 23 et dans la journée du 23, no»
■ viens de bombardement ont lancé huit obus sur la gare de
ConDans, quarante sur des baraquements près de Vigneulles,
vingt-cinq sur les casernes cl l'aérodrome de Dicuze.

BULLETINS OFFICIELS ANGLAIS

. " {Front occidental.)

Londres, 22 juillet 1910, 1 h. 30 soir.
L'artillerie s'est montrée plus «clive de part el d'autre pendant
les douze dernières heures Les tranchées biilannique» de première
ligne el de soutien ont, en plusieurs endroits, été violemment bom-
bardées avec des obus à gaz et lacrymogènes. Rien d'autre à
signaler.

- - Londres, 22 juillet 1916, 9 h. soir.
Rien d'important i signaler aujourd'hui iur le front britan-
nique. Nos aviateur» ont détruit hier six aéroplanes ennemie et
_en ont forcé plusieurs A atterrir avec des avaries. Un de no»
appareil» a été descendu el doux aulres ne sont pas revenus.

Londres, 23 juillet 1916, 8 h soir.
Nos troupe» onl fan do nouveaux progrès dans le voisinage
de Pozièrcs et onl fait do nombreux prisonniers. Sur le resta du
Iront, entre pozièrcs et Cuillcmont, 1» bataille coutume avec uno
extrême violence.

Londres, 2* juillet ÎDlft, 11 h. 40.
Lo violent combat d'hier a élè suivi pjr une nuit relativement
calmo qui no se signale que par un bombardement réciproque
continu et assez intense L'ennemi a renouvelé hier entre le High-
Wood et Guillemont de nombreuses cl infructueuses contre-at-
taques. Notre artillerie et nos mitraillcuics lui ont fait subir de
lourdes pertes. Nous avons progressé prés du High-Uood eL ver»
Guillemonl. Nous avons obtenu un important succès malgré la
vigoureuse défense de l'ennemi dans les environs de Pozières.
Nous occupons une grande partie do ce village près duquel nous
avons capture deux canons et soixante prisonniers.

LÀ VOIX DES TRANCHÉES

Un des rares journaux de Paris qui n'ont pas perdu
le contact avec l'âme populaire, vient de publier l'ar-
ticle que voici :

A huis clos, comme dans les débat» de procès verbaux,
le ministère fournit a la Chambre les explications que celle-
ci réclama ardemment durant de loups mois.

Aucun écho de ce qui se dit derrière le» portes cadenas-
sées ne doit sourdre au dehors.

Mais il est une voix du dehors qui a le droit, malgré les
gardes et les tambours, les grilles et les serrures, de pé-
nélier dans la salle ou siègent les représentant» du peuple,
el d'y retentir plus haut que toutes les apo*trophes virulentes,
que toutes lea redoutantes prosopopé* s, que toutes les
périodes savamment cadencées, que toutes les argumenta-
tions captieuses.

Celte voix c'est celle du Peuple lui-in Crue, du Peuple en
armes, du Peuple qui se bat et qui meurl.

Cette voix, c'est la grande et grave" et rude voix des
a poilus ».

C'est la voix qui s'élève du fond de la terre fouillée par
les pioches et bouleversée pur les marmites, de la terre
trempée de sang, bossuée de lombes, de la terre où dorment
les cadavres par centaines de mille, ou par centaines de
mille les vivants endurent toutes- les affres, toutes les souf-
frances qui peuvent torturer le corps et l'Smc de l'homme.

C'est la voix des tranchées.

Et voici ce que clame cette voix, s adressant ù Ceux qui
ont reçu de lo nation mandat de tout entendre cl de tout
ordonner : ~ —

«Nous sommes face à l'ennemi depuis des mois et des
mois, tous ceux qui ont la force d'étreindre un fusil, de
lancer une grenade et de franchir au pas de charge les
espaces foudroyé» par l'artillerie et fauchés par la mitraille
qu'on nous commande de conquérir sur l'ennemi.

h Noua avons, à Parlement fait notre devoir sans relâche
et sans faiblesse. Nous n'avons pas toujours été les plus
forts, mais nous avons toujours été braves.

«On nous a, en guise de récompense, versé à flots les
éloges les plus pompeux ; le» journaux nous accablent des
qualificatifs les plus flatteurs.

« On dit que nous sommes des héros et nos chefs paifcnt
de se mettre k genoux devant nous.

« Et l'on s'imagine que cela nous suffit.

« Et l'on croit que nous nous grisons de ce vin de la
gloire, dont on nous abreqve <>i généreusement.

« Bien mieux, i! en est, parmi ces journalistes qui cher-
chent à nous représenter non seulement comme des i raves
épiques, mais encore comm» des joyeux drilles ; à Icî en
croire, nous passons le meilleur de notre temps à jouer aux
cartes, à »e«s gaver de pinard, à fumer jstpes sur pipes, h
sculpter des cannes, a ciseler des bijuux sftjplumjnium.

« OcssessHsmi etnrmnrrtes, plaisirs puéril*, t :< ; 'és
innocentes et simples, qui rappellent lea jeux et les devis da
Fanfsn la Tulipe et de Brin d'Amour I

«Ne comprennent-ils donc pas, ces folliculaires aux ima-
ginations ridicules, à Ja grotesque psychologie, mie leurs
louangesv nous obsèdent et que leur» bavardages nous
irritent ?

« Se figure-t-on, par hasard, que nous nous battons par
vanité et par goilt de l'encens ?

a Ne .-ait on pas que les temps sont révolus où l'on faisait
marcher et mourir les enfants de la France pour des grands
mots, des chimères et des causes ténébreuses P

« Ne sait-on pas encore que nous ne sommes plus lea
fanfarons et les hâbleurs, qui se faisaient trouer la peau
pour la sotte satisfaction de narrer, plus laid, ions l'auvent

FEUILLETON DE LA tGAZBTTE DEà ARDSNNSS» 3»

LA GUERRE FATALE

Par le Capitaine DANR1T

Un autre cri répondit au sien ; c'était Gludic qui l'avait
poussé, et les yeux fixés sur le frêle esquif qui portait Papil-
lon, le vieux marin se jeta à la mer.

Les mâta du cuirassé avaient disparu : de» centaines
d'épaves cl de têtes apparaissaient, ballottée» den» le tour-
billon d'écume jailli des profondeurs où venait de dispa-
raître le k Revenge ».

Henri d'Argonne, »e ressaisissont, comme U savait le
faire dans le» moments critiques, mit le moteur a hydrocar-
bure en mouvement et dirigea lentement 1' « Implacable »
Ver» le centre du remous.

Au moment où il y stoppait, un cri, un appel lancé par
une voix connue, le lit trosssillir et il remonta eur le pont.

A quelques rnètre» de lui, eramponné^d'une main i une
planche k claire-voie, Morvnn »outenalt de l'autre un corpa
inerte. Autour de lui, l'écurne se teintait de rouge.

Avant que le commandant de 1' « Implacable u eût eu le
lemps Je donner un oidre, Le Canu el Bczuquet s'étaient eux
aussi jetés à la mer, car le mot d'ordre eur cet admirable
engin de guerre était déuoueme/if.

Et quelques instants après, le rear-ndmiral Carthy éva-
noui, mois vivant, était transporté dan» la cabine du docteur
-Dufour, en même temps que Gludic abordait a la nage prèe
du mit de pavillon 1 le « promis » d'Annaïc soutenait Papil-
lon, évanoui lui au»»l t la mer l'avait aspiré avec «on youyou
au moment da l'engloutissement du « Hevtngt », mai» M
ceinture de liegs l'avait ramené a la surface.

— Où suis-jc t demanda l'amiral Carthy quand 11 revint
à lui.

— Ajbord du sous-marin français « Implacable », ami-
ral, lui répondit le fiancé de Maud.

Le» deux homme» étalent seuls en face l'un de l'autre.

L'officier snglais considéra un instant la mêle visage
qu'il avait devant lui, visage que les journaux anglais
avaient jadis reproduit k PinÛnl, au moment où 1' « Impla-
cable » s'était révélé pour la première foi» dans le port de
Portsmouth.

— Vou» êtes le commandant d'Argonne t

— Oui, amiral. —^

Il y eut un silence : ces deux hommes, ces deux ennemi»,
Sjue séparait le devoir militaire beaucoup plu» que la haine
4e raoe, puisque l'amiral était Irlandais, se sentaient invin-
ciblement portés l'un vers l'autre, autant par un sentiment
d'estime réciproque que par la pensée d« la Jeune fille,

L'amiral dit encore :

— C'est xû\w qui avez envoyé un marin pour m'arracher
4 mon bord P

— C'est moi I

— Je lui ai tiré un coup de revolver k bout portant,
quand U a porté la main sur moi ; j'étais s( loin de com-
prendre.... Est-il blessé grièvement ?

— Il est traversé, amiral, mais il-en reviendra : le doc-
teur en répond.

— Je veux le voir el lui serrer la main, car cet homme
est un héros : quant k vous, commandant, ajouta l'amiral,
dont la voix trembla légèrement, vous êtes digue de com-
mander à dc< héros connue celui-la I

Et l'amiral Caithy, dont la physionomie venait do dé-
pouiller son musqué d'impossibilité habituel, tendit la main
k Henri d'Argonne.

L' ulmplacahle » venait de plonger do nouveau dans lea
profondeur» tous-marines «t dan» lo silencieux réduit qui
glissait maintenant k vingt pieds au-dessous de la surface de
patte mer où s'accomplissaient le» tragiques destinées do

l'Angleterre, les deux hommes échangèrent un regard qui
était a la fois une récorfciliation et une-promesse I

Le a8 septembre, dix-sept jours après le passage des pre-
miers corpB d'armée, les troupes vicloiieuses repassaient le
détroit pqur être dirigées sur Paris, où elles allaient faire
une entrée triomphale au milieu d'un enthousiasme inexpri-
mable. Le danger, l'effort commun, la victoire surtout
avaient fait disparaître les vieilles querelles qui trop long-
temps avaient bouleversé le paya.

La division bleue avait été rapatriée le 3o septembre, et
le 1" batuillou de chasseurs, après avoir traversé Paris, avait
reçu à Troyes un accueil extraordinaire ; là, comme dans
toute la France, le sentiment du danger entrevu et la joie
d'avoir échappé à la servitude anglaise, la pire de toutes,
avaient ouvert les yeux de eeux qui se déchiraient la veille ;
dans cette ville industrielle, laborieuse et intelligente, si
divisée quelques mois auparavant, on vit patrons et ouvrier»
fraterniser au passage des chasseurs dans un généreux élan
de réconciliation nationale, .

Aussitôt désarmé k la caserne Beurnonville et débarrassé
d'un sac qui n'était plus a son matricule, mai» qu'il a\ait
soigneusement porté en toute occasion depui» sa mésaven-
ture de Deal, Raoul Petilet, oprès de chaudes effusions avec
les sous-officiers de sa compagnie, s'était précipité nie
d'Enghien ; il rapportait de la bataille du 20 septembre une
estafilade que lui avait allongée dans la dernière mêlée un
grenadier-guaid ; l'accueil que lui lit Mûrie-Thérèse d'Ar-
gonne fut sur sa blessure le plus merveilleux des baumes ;
de suite il avait parlé mariage, supplié qu'on fixût vite la
data, mais la jeune fille avait répondu malicieusement : « Ce
»era le même jour et dans lu même église que Maud I »

Le jeune diplomate avait acquiescé avec transport et,
pour ne pas perdre de temps, avait commencé les démarches
voulue*, à Saint-Eustache, paroisse de M"1* d'Argonne. En
quoi 11 s'était trop pressé, car Henri d'Argonne, de retour

quelques jours après de sa dernière croisière, lui annonça
en souriant que sou mariage avec Maud Carthy aurait lieu k
Dublin, la capitale officielle de la République Celtique.

C'était sur U prière de Maud Gonne, la glande patriote
irlandaise, amie de M"0 de Sandcr^on, que cette détermi-
nation avait été prise, afin qu'aux yeux des Irlandais, celle
union d'un officier français vaillant et célèbre enlre tous,
avec la fille d'un Irlandais de grande race, fût comme le
tymbole visible et touchant de la délivrance de l'île martyre
par ses frères celtiques du continent.

Le double mariage fut célébré dans In vieille église do
Christ's-Chureh par l'archevêque de Dublin.

L'amiral Carthy avait donné son consentement à sa fille,
mais il n'assista pas k la cérémonie, sentant que la muette
réprobation de ses compatriotes jetterait sur le bonheur
parfait de ces deux êtres" si dignes l'un de l'autre une ornbre
attristée ; ce fut le général O'Connor qui 1a lemplaçn ;
l'amiral Gênais tint k assister lui-même Henri d Argonne,
en souvenir du père héroïque mort à son bord en Chine, ei
M™* d'Argonne, transfigurée par le bonheur, quitta son
voile de veuve. »

Une foule d'officiers de la marine et de l'armée de terre
avait tenu & accompagner leur camarade, mais ce qu'il est
impossible de rendre, c'est l'enthousiasme extatique de»
Irlaudais eux mêmes enfin rendus a la liberté et à la vie.
Tous lei délégués du nouveau Parlement étalent là j la Cel-
tta, l'organe national, donnant le portrait dea jeunes épotjx,
était danB toutes les mains et une foule immense couvrait
les rue» et les places ; quand les deux jeunes filles, idéales
dans leurs voiles blanci; Maud dans sa beauté de relfle, et
Marie-Thérèse dans son charme de vierge de France, paru-.
rent après la cérémonie au. haut des marches, une rxplosloî)
d'acclamations délirantes roula comme un tonnerre jusqu'au
port, où douze vaisseaux jadis anglais et portant le pavillon
irlandais [tricolore avec la croix de saint Patrick à l'un des
angles) avaient aiboié le grand pavois.

(La fin au prochain numéro.)
 
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