LA COLLECTION
DE
M. RQXARD DE LA SALLE
Des amertumes que le
commun des mortels ne
connaît pas viennent trop
souvent attrister la vie des
honnêtes gens qui mettent
leur ambition à réunir des
œuvres d'art. M. Roxard
de la Salle a toujours aimé
les tableaux : bien qu'il
habitât la province, il était
à l'affût des belles occa-
sions, il assistait ou se fai-
sait représenter aux gran-
des ventes parisiennes, et
çà et là il enrichissait d'un morceau précieux la collection qu'il avait
formée à Nancy. Cette collection, peu nombreuse d'ailleurs, était sa
constante pensée : chaque jour il interrogeait les maîtres dont il avait
su se procurer des échantillons significatifs, il cherchait dans les livres
l'histoire de ces consolateurs, il allait presque deviner leur secret, et,
peu à peu, il s'aperçoit que, devant ses yeux affaiblis, les couleurs s'es-
tompent et se confondent, que les lignes vacillent et s'effacent, que les
lumières et les ombres se perdent dans le brouillard, d'une vision
troublée. Douloureuse aventure pour un galant homme à qui les choses
d'art ont de tout temps été chères ! M. de la Salle vend ses tableaux.
Pourquoi? Parce qu'il ne les voit plus.
Au moment de se séparer — on devine avec quel serrement de cœur
— des peintures qu'il avait si tendrement choyées dans sa maison de
XXIII. — 2e PÉRIODE. 32
DE
M. RQXARD DE LA SALLE
Des amertumes que le
commun des mortels ne
connaît pas viennent trop
souvent attrister la vie des
honnêtes gens qui mettent
leur ambition à réunir des
œuvres d'art. M. Roxard
de la Salle a toujours aimé
les tableaux : bien qu'il
habitât la province, il était
à l'affût des belles occa-
sions, il assistait ou se fai-
sait représenter aux gran-
des ventes parisiennes, et
çà et là il enrichissait d'un morceau précieux la collection qu'il avait
formée à Nancy. Cette collection, peu nombreuse d'ailleurs, était sa
constante pensée : chaque jour il interrogeait les maîtres dont il avait
su se procurer des échantillons significatifs, il cherchait dans les livres
l'histoire de ces consolateurs, il allait presque deviner leur secret, et,
peu à peu, il s'aperçoit que, devant ses yeux affaiblis, les couleurs s'es-
tompent et se confondent, que les lignes vacillent et s'effacent, que les
lumières et les ombres se perdent dans le brouillard, d'une vision
troublée. Douloureuse aventure pour un galant homme à qui les choses
d'art ont de tout temps été chères ! M. de la Salle vend ses tableaux.
Pourquoi? Parce qu'il ne les voit plus.
Au moment de se séparer — on devine avec quel serrement de cœur
— des peintures qu'il avait si tendrement choyées dans sa maison de
XXIII. — 2e PÉRIODE. 32