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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 23.1881

DOI issue:
Nr. 6
DOI article:
Buisson, Jules: Le Salon de 1881, 1
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.22843#0539

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LE SALON DE 1881.

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qui se déploie avec aisance dans des conditions mieux appropriées à son
talent.

M. Bouguereau est, de beaucoup, le plus fécond des trois, et l'on ne
peut expliquer l'abondance de sa production que par l'extraordinaire
facilité de son pincean, l'absence de trouble et d'hésitation, dans le mens
divùiïor, la docilité courante de l'imagination et de la mémoire : une de
ces mémoires d'artiste où flottent vaguement les images des anciens
tableaux en bien plus grand nombre que les souvenirs d'observations
personnelles pénétrantes. Dans une navigation qui n'a point de cesse et
qui a toujours été heureuse, la banalité était son écueil. Il le côtoie habi-
tuellement, sans y briser jamais sa jolie nacelle et sans que le public
songe même à s'en plaindre.

L'artiste le prend, en effet, par tous ses faibles : dans les sujets reli-
gieux, par les défauts du temps présent, la mignardise, la gourmandise
spirituelle; dans les sujets poétiques, par l'absence de la poésie vraie;
dans les sujets antiques, par une traduction à la Bitaubé, qui appelle
levier un loquet de porte et ressemble au grec comme le français de
Scribe ressemble à Bossuet? C'est le secret de sa prédominante popula-
rité. Au suffrage universel il distancerait tous ses collègues.

La Vierge aux anges se rattache à l'amorce de la gourmandise spiri-
tuelle, Y Aurore, à la poétique sans poésie. Ne nous attardons donc pas
sur des riens; venons au solide et demandons-nous devant ces toiles
quels sont les mérites techniques de M. Bouguereau.

Il arrange bien, c'est la meilleure partie de son lot. Il y a beaucoup
de mémoire dans son bagage, cependant il ne copie pas; etil faut recon-
naître que les combinaisons des lignes et des arabesques dans ses
tableaux sont en général bien entendues. Rien de bien hardi ni de tout
à fait neuf, d'ailleurs, dans ses inventions, mais elles montrent beaucoup
d'aisance. Son groupe de la Vierge est bien disposé, le profil de la mère
est assez gracieux. Ce qui est banal surtout, ce sont les trois anges; et
s'il y a de la grâce un peu partout, il n'y a de caractère nulle part. La
couleur des chairs est cette couleur trop blanche, ou bien indécise et
verte des décadences. Tous les nus sont de qualité médiocre; les valeurs
mal observées. Les lumières sur les ailes des anges sont quasi du même
ton à des plans différents,

Le dessin est-il la reproduction de l'apparence courante des choses
telles que les voit le premier venu? M. Bouguereau dessine bien. Est-il la
mise en relief de la dominante d'une figure ou d'un morceau, l'éclaircis-
sement et la glorification d'une intention de la nature? M. Bouguereau
ne dessine plus.
 
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