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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 2
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Hymans, Henri: Correspondance de Belgique
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0187

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CORRESPONDANCE DE BELGIQUE.

171

établie. Nous sommes un peu dans la position de l’homme bienfaisant et riche,
prodiguant son or à qui le sollicite, mais attendant aussi les appels à sa
générosité, alors que le philanthrope fait de son bien un emploi raisonné et plus
fécond. Je ne sache pas qu’il ait même jamais été question de donner à notre
Galerie un conservateur et peut-être aussi aurait-on quelque peine à trouver
l’homme voulu, — je ne parle pas, bien entendu, d'un conservateur décoratif
comme le fut Conscience, notre grand romancier national, —j’expose le principe
d’une direction sérieuse.

On citait, il n’y a pas longtemps, le cas d’une offre importante faite à l’un de
nos Musées et que l’absence de quelques commissaires lit échouer. Pour qu’un
Musée prospère, il faut à sa tête un homme responsable et compétent, dévoué corps
et âme à sa splendeur, agissant comme l’amateur pour sa propre galerie. M. Lacaze
n’a formé sa splendide galerie qu’à force de se transporter partout où il y avait
une œuvre à voir et à acquérir. L’illustre chevalier Yan Ertborn, dont la collection
conslilue l’un des joyaux du Musée d’Anvers, passait pour un maniaque. Étant
préfet de l’Empire, dans le midi de la France, on raconte qu’il se mettait en
route dès qu’une œuvre d’art lui était signalée et, indifférent aux nécessités de la
poursuite, ne rentrait chez lui que la peinture conquise. Telle est, en somme, la
tâche d’un conservateur de Musée; elle ne saurait, en dépit du zèle le plus louable,
échoir à une Commission.

Un monument qui disparaît, alors même qu’il est de mince valeur artistique,
laisse rarement d’inspirer des regrets. On a grandi à son ombre et à son aspect
se mêlent des souvenirs attachants. Paris est une belle ville, mais enfin nous ne
serions pas fâchés de retrouver encore un peu les aspects recueillis par le burin
de Silvestre. Du vieux Bruxelles il restera bientôt peu de chose. L’ancien Palais
de Justice, en voie de démolition, avait, ma foi, sa physionomie et son histoire,
et je m’étonnerais fort si quelqu’un n’entreprenait de perpétuer par le crayon et
la plume Tune et l’autre. Je ne sais pourtant si Ton a songé à recueillir les aspects
étranges de ces cours et terrasses, de ces galeries, de ces couloirs, restes d’un des
premiers collèges des Jésuites que Ton ait eus en Belgique, après l’arrivée de
Farnèse, et fort contre le gré de la population, assure l’histoire, car le duc d’Albe
lui-même ne protégeait guère les Jésuites. Les différences de niveaux avaient donné
un certain pittoresque à l’ancien Palais de Justice où d’anciennes chapelles servaient
d’auditoires. L’église avait disparu depuis la fin du siècle dernier après avoir servi
de club jacobin, d’hôpital, de bibliothèque publique. Cette église, œuvre de Franc-
quart, et conséquemment très italienne, faisait l’admiration de Rubens. Dans la
préface de son livre sur les Palais de Gênes, le grand peintre se félicite de voir
vieillir et disparaître peu à peu le style d’architecture « que Ton nomme barbare
ou gothique » et des hommes de goût introduire, au grand honneur de la patrie,
cette architecture qui possède la vraie symétrie, celle qui se conforme aux règles
établies par les Grecs et les Romains (!) et dont les églises magnifiques, érigées à
Bruxelles et à Anvers, pour la Compagnie de Jésus, constituent de louables
échantillons.

L’église, honorée des suffrages de Rubens, disparut donc pour être remplacée.
 
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