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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
cette fois, par une vraie façade à la romaine avec un fronton triangulaire et un
péristyle à colonnes composites.
L’emplacement immense de l’ancien Palais de Justice, assez vaste pour abriter
encore les Archives générales du royaume, est, paraît-il, destiné à servir au
tracé de plusieurs rues. Le terrain a d’ailleurs une valeur immense, ce qui sera
probablement cause de l’échec d’un projet préparé par l’architecte Samyn, et
tendant à affecter la situation de l’ancien temple de Thémis à la création d’un
local de fêtes et d’expositions dont Bruxelles se trouve privé depuis l’établissement
du Musée de peinture ancienne au Palais des Beaux-Arts.
Les artistes se plaignent, à bon droit, de cette dépossession, car notez que
si on leur a attribué les anciens locaux du Musée de peinture, devenu le siège
du Musée moderne, ce Musée disparaît pendant les expositions triennales. Cela
est donc fort fâcheux pour tout le monde. Ce qui est surtout regrettable, c’est la
perte du merveilleux emplacement que fournirait à un local d'exposition,
l’immense terrain occupé par le Palais de Justice.
Il semble qu’en cette matière rien ne soit, comme l’on dit en Belgique, durable
comme le provisoire. Anvers, qui ne se fait pas faute de narguer la capitale sur la
nature éphémère de ses combinaisons, lui montre à la fois et son Musée et son
local d’exposition et le fructueux résultat financier de ses Salons de peinture
comparé aux maigres recettes du Salon officiel de Bruxelles. On raconte dans les
j ournaux d’Anvers, que les artistes dont les œuvres, peu nombreuses, ont été acquises
pour la loterie de l’Exposition de Bruxelles, en 1890, sont à peine payés à l’heure
actuelle, tandis qu’Anvers, en ville qui sait ce que vaut un engagement, a, dès
longtemps, fait honneur à sa signature. Assurément il y a là de quoi se réjouir
et rien n’est plus légitime que de voir la Société royale d’encouragement des
Beaux-Arts faire état, d’une part, des 60,000 francs qu’elle a pu affecter à des
acquisitions d’œuvres destinées à être réparties parla voie du sort; de l’autre,
des 7o,000 francs que des particuliers ont consacrés, grâce à elle, à des achats.
En revanche, le Salon, qui s’est fermé à la tin d’octobre, a été certainement
l’un des moins heureux que l’on ait vus en Belgique et si, comme de juste, plus
de mille œuvres exposées ont dû embrasser bien des productions intéressantes,
cela ne revient pas dire que, jugée au Salon d’Anvers, l’École belge se montrât
sous son jour le plus avantageux. La multiplicité des expositions n’est pas
étrangère à cet état de choses. Si, de fait, nos Salons sont triennaux, étant
donné le roulement, on peut dire qu’ils sont annuels, si .non semestriels, et les
œuvres longuement élaborées deviennent de plus en plus rares.
Bien qu’Anvers et Bruxelles soient à peine distants d’une heure de chemin de
fer, les deux villes semblent singulièrement séparées sur le terrain artistique. Le
rapport de la Société d’encouragement des beaux-arts ne ménage pas les critiques
bruxellois, « folliculaires » dont la « phraséologie méchamment prétentieuse », les
appréciations « haineusement exclusives », « la rage de dénigrement » trahissent
« l’hostilité sans intelligence et sans cœur». Tout cela, convenons-en, est franche-
ment puéril et, je n’hésite pas à l’ajouter, d’un goût médiocre.
Rien ne prête à la controverse comme l’œuvre d’art; les artistes les plus grands
ont leurs détracteurs comme les plus médiocres. Ayons toujours présent à la
mémoire le beau chapitre consacré par Bigot à la presse dans son magistral
ouvrage des Classes dirigeantes. C’est là qu’on nous montre avec quelle facilité Ton
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
cette fois, par une vraie façade à la romaine avec un fronton triangulaire et un
péristyle à colonnes composites.
L’emplacement immense de l’ancien Palais de Justice, assez vaste pour abriter
encore les Archives générales du royaume, est, paraît-il, destiné à servir au
tracé de plusieurs rues. Le terrain a d’ailleurs une valeur immense, ce qui sera
probablement cause de l’échec d’un projet préparé par l’architecte Samyn, et
tendant à affecter la situation de l’ancien temple de Thémis à la création d’un
local de fêtes et d’expositions dont Bruxelles se trouve privé depuis l’établissement
du Musée de peinture ancienne au Palais des Beaux-Arts.
Les artistes se plaignent, à bon droit, de cette dépossession, car notez que
si on leur a attribué les anciens locaux du Musée de peinture, devenu le siège
du Musée moderne, ce Musée disparaît pendant les expositions triennales. Cela
est donc fort fâcheux pour tout le monde. Ce qui est surtout regrettable, c’est la
perte du merveilleux emplacement que fournirait à un local d'exposition,
l’immense terrain occupé par le Palais de Justice.
Il semble qu’en cette matière rien ne soit, comme l’on dit en Belgique, durable
comme le provisoire. Anvers, qui ne se fait pas faute de narguer la capitale sur la
nature éphémère de ses combinaisons, lui montre à la fois et son Musée et son
local d’exposition et le fructueux résultat financier de ses Salons de peinture
comparé aux maigres recettes du Salon officiel de Bruxelles. On raconte dans les
j ournaux d’Anvers, que les artistes dont les œuvres, peu nombreuses, ont été acquises
pour la loterie de l’Exposition de Bruxelles, en 1890, sont à peine payés à l’heure
actuelle, tandis qu’Anvers, en ville qui sait ce que vaut un engagement, a, dès
longtemps, fait honneur à sa signature. Assurément il y a là de quoi se réjouir
et rien n’est plus légitime que de voir la Société royale d’encouragement des
Beaux-Arts faire état, d’une part, des 60,000 francs qu’elle a pu affecter à des
acquisitions d’œuvres destinées à être réparties parla voie du sort; de l’autre,
des 7o,000 francs que des particuliers ont consacrés, grâce à elle, à des achats.
En revanche, le Salon, qui s’est fermé à la tin d’octobre, a été certainement
l’un des moins heureux que l’on ait vus en Belgique et si, comme de juste, plus
de mille œuvres exposées ont dû embrasser bien des productions intéressantes,
cela ne revient pas dire que, jugée au Salon d’Anvers, l’École belge se montrât
sous son jour le plus avantageux. La multiplicité des expositions n’est pas
étrangère à cet état de choses. Si, de fait, nos Salons sont triennaux, étant
donné le roulement, on peut dire qu’ils sont annuels, si .non semestriels, et les
œuvres longuement élaborées deviennent de plus en plus rares.
Bien qu’Anvers et Bruxelles soient à peine distants d’une heure de chemin de
fer, les deux villes semblent singulièrement séparées sur le terrain artistique. Le
rapport de la Société d’encouragement des beaux-arts ne ménage pas les critiques
bruxellois, « folliculaires » dont la « phraséologie méchamment prétentieuse », les
appréciations « haineusement exclusives », « la rage de dénigrement » trahissent
« l’hostilité sans intelligence et sans cœur». Tout cela, convenons-en, est franche-
ment puéril et, je n’hésite pas à l’ajouter, d’un goût médiocre.
Rien ne prête à la controverse comme l’œuvre d’art; les artistes les plus grands
ont leurs détracteurs comme les plus médiocres. Ayons toujours présent à la
mémoire le beau chapitre consacré par Bigot à la presse dans son magistral
ouvrage des Classes dirigeantes. C’est là qu’on nous montre avec quelle facilité Ton