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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 1
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Hamel, Maurice: Les derniers travaux sur Albert Dürer
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0072

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

églises et ses tours étagées sur les pentes. Quelques différences insignifiantes
s’expliquent par les changements survenus au cours du temps ou par la nécessité
de réserver une place dominante à la figure. Devant cette démonstration, le
doute n’est plus possible, et ce qui, pour bien des raisons, paraissait peu vrai-
semblable, est désormais établi comme vrai. Uürer, en 1494-95, a franchi les
passes du Brenner, a connu l’ivresse purifiante des hauteurs et s’est efforcé de
rendre les vives et profondes impressions que lui communiquait la découverte
du monde.

Le Burg du musée de Brème, admirable d’ailleurs par l'impression de solitude
forestière, offre encore des imperfections analogues : rochers découpés trop
sèchement, détails d’architecture trop soulignés, transitions dures, ombres
lourdes; mais quelle délicate et profonde poésie de nature! Avec le Welschlancl
de la collection Blasius, le Fenedier Klawsen du Louvre, reproduit ici, se rattachent
évidemment à ce groupe. Cette dernière étude est une des plus brillantes de Durer
pour la puissance du dessin, la délicatesse du ton et la souplesse de la lumière.
Le paysage montagneux d’Oxford, traité avec le même amour, me paraît supé-
rieur encore pour la largeur de la construction, le modelé des terrains et la jus-
tesse des valeurs. La vue de Trente complète un merveilleux trio : vue au delà de
l’Adige, dans la vallée que domine au loin le cirque des montagnes, la ville
baigne ses remparts et ses tours dans la buée fraîche du matin ; et, sauf que les
arbres sont fichés dans le sol plutôt qu’enracinés, on ne peut qu’admirer la gran-
deur imposante de l’ensemble. Durer n’échoue guère qu’au détail des choses, et
cela est sensible dans la vue du château de Trente, où l’exécution manque
d’exactitude, au point de vue de l’architecte, et de pittoresque, au point de vue
du peintre. Moins affirmatif sur le château de la collection Gigoux, M. Hændcke
rattache sans hésiter à ce premier groupe la curieuse et rapide esquisse à la
plume de l’Albertine, où l’artiste s’est peut-être représenté lui-même au pied
d’une puissante masse de rochers, saluant de la main les cimes aperçues à
l’horizon. La vue clTnnsbruck aies mêmes qualités que celle de Trente. Le petit
paysage du Louvre, d’une donnée si simple (un moulin, une prairie, au fond des
collines basses), si frais d’impression, si libre de facture, annonce déjà la manière
plus intime et plus familière.

De retour à Nuremberg, Durer trouve dans les aspects aimés de la ville et
des environs des motifs suffisants de peindre, et c’est là surtout qu’il se révèle
paysagiste au sens moderne du mot. C’est sans doute peu de temps après son
retour qu’il exécuta le Weiherhaus, de Londres, qui sert de fond à la Madone au
Singe, aquarelle un peu bariolée, mais si précieuse par le rellet lumineux du
ciel dans les eaux. Une autre aquarelle de Londres offre une singularité que
l’auteur explique fort ingénieusement. Elle représente un étang dans une clai-
rière; à droite un groupe de pins aux troncs rougeâtres, à la verdure forte; au
milieu des roseaux, détaillés avec soin, une eau d’un bleu métallique et sombre
qui, plus loin, s’éclaircit dans la lumière; à gauche, d’autres pins inachevés et
des faisceaux de rayons rouges et or, jetés par touches hâtives : l’artiste levé
avant l’aube et appliqué à rendre ce coin de nature solitaire, surpris par le lever
du soleil, a vainement tenté de fixer son insaisissable éclat.

Les deux vues de Nuremberg, à Brème et à Berlin, réalisent pleinement, par la
qualité du ton et la souplesse des lumières, ce que Durer avait tenté dans l’aqua-
 
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