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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
un grand plat rond à reflets métalliques dont le large marli, formé
d’imbrications, entoure un fin profil féminin, et que le catalogue de
la vente Fau, d’où il vient, attribuait à Pesaro; à Deruta aussi un
autre plat, sur lequel un sphinx ailé d'un grand caractère supporte
un écu aux armes des Orsini. Le musée de Gluny en conserve un
autre, de tous points identique, que Du Sommerard cataloguait sous
le nom de Pesaro et que Darcel a restitué à Deruta. La collection
Spitzer en a possédé un aussi dans lequel l’écu passe-partout était
chargé d’un lion rampant. A en juger par le nombre des spécimens
réunis, Gubbio et Urbino paraissent avoir joui de la particulière
prédilection de Dutuit, comme d’ailleurs de tous les collectionneurs
de sa génération. De l’atelier de Giorgio Andreoli de Gubbio sont
sorties plusieurs très belles pièces datées : de 1519, une assiette à
large bord décorée sur toute sa surface de jeux d’enfants; de 1520, un
plat, Le Jugement de Paris' ; de 1537, une coupe, un buste de femme,
Lucretia d’après l’une des Muses du Parnasse. Urbino, de son
côté, justifie sa réputation avec un beau plat daté de 1538, que l’on
peut attribuer à Francisco Xanto et qui représente La Peste de
Florence, à moins qu’on ne veuille y voir Médée et ses enfants, puis
avec deux gourdes et un biberon d’Horazio Fontana et plusieurs
plats à décor de grotesques dans le goût inauguré par les Patanazzi.
Un admirable bassin siculo-arabe à trois tons, un plat de Damas
d’un émail superbe, une bouteille persane, et quelques assiettes de
Rhodes représentent un peu sommairement la céramique orientale.
Parmi les produits de la verrerie vénitienne, que possède assez
nombreux la collection Dutuit, un seul se distingue et mérite une
particulière attention. L’on sait qu’à Angelo Beroviero semble devoir
revenir le mérite d’avoir, au xve siècle, inauguré à Murano la pra-
tique du décor en peinture vitrifiable, de l’émail sur verre, dont
les Orientaux faisaient d’ailleurs déjà usage de longue date, comme
les lampes de mosquée suffiraient à le prouver. Il ne paraît pas
téméraire d attribuer à cet artiste une élégante buire d’un bleu pro-
fond portant sur chaque côté de sa panse un médaillon d’émail
polychrome où se voient l’ange et la Vierge à mi-corps, que sépare
un troisième médaillon placé à la naissance du goulot et sur lequel
fleurit le lys symbolique dont la tradition accompagne la scène de
l’Annonciation.
Une vitrine a réuni un certain nombre d’objets d’ordre divers,
U Reproduit dans notre livraison du 1er décembre dernier, p. 445.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
un grand plat rond à reflets métalliques dont le large marli, formé
d’imbrications, entoure un fin profil féminin, et que le catalogue de
la vente Fau, d’où il vient, attribuait à Pesaro; à Deruta aussi un
autre plat, sur lequel un sphinx ailé d'un grand caractère supporte
un écu aux armes des Orsini. Le musée de Gluny en conserve un
autre, de tous points identique, que Du Sommerard cataloguait sous
le nom de Pesaro et que Darcel a restitué à Deruta. La collection
Spitzer en a possédé un aussi dans lequel l’écu passe-partout était
chargé d’un lion rampant. A en juger par le nombre des spécimens
réunis, Gubbio et Urbino paraissent avoir joui de la particulière
prédilection de Dutuit, comme d’ailleurs de tous les collectionneurs
de sa génération. De l’atelier de Giorgio Andreoli de Gubbio sont
sorties plusieurs très belles pièces datées : de 1519, une assiette à
large bord décorée sur toute sa surface de jeux d’enfants; de 1520, un
plat, Le Jugement de Paris' ; de 1537, une coupe, un buste de femme,
Lucretia d’après l’une des Muses du Parnasse. Urbino, de son
côté, justifie sa réputation avec un beau plat daté de 1538, que l’on
peut attribuer à Francisco Xanto et qui représente La Peste de
Florence, à moins qu’on ne veuille y voir Médée et ses enfants, puis
avec deux gourdes et un biberon d’Horazio Fontana et plusieurs
plats à décor de grotesques dans le goût inauguré par les Patanazzi.
Un admirable bassin siculo-arabe à trois tons, un plat de Damas
d’un émail superbe, une bouteille persane, et quelques assiettes de
Rhodes représentent un peu sommairement la céramique orientale.
Parmi les produits de la verrerie vénitienne, que possède assez
nombreux la collection Dutuit, un seul se distingue et mérite une
particulière attention. L’on sait qu’à Angelo Beroviero semble devoir
revenir le mérite d’avoir, au xve siècle, inauguré à Murano la pra-
tique du décor en peinture vitrifiable, de l’émail sur verre, dont
les Orientaux faisaient d’ailleurs déjà usage de longue date, comme
les lampes de mosquée suffiraient à le prouver. Il ne paraît pas
téméraire d attribuer à cet artiste une élégante buire d’un bleu pro-
fond portant sur chaque côté de sa panse un médaillon d’émail
polychrome où se voient l’ange et la Vierge à mi-corps, que sépare
un troisième médaillon placé à la naissance du goulot et sur lequel
fleurit le lys symbolique dont la tradition accompagne la scène de
l’Annonciation.
Une vitrine a réuni un certain nombre d’objets d’ordre divers,
U Reproduit dans notre livraison du 1er décembre dernier, p. 445.