160
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
enchaîné, conduit au supplice sur une charrette. Deux lièvres se
sont attelés au véhicule et se dirigent avec empressement vers l’é-
minence où se dresse le gibet. Tous les détails des harnais et de la
charrette, très intéressants à
observer, sont dessinés avec
minutie. Un lièvre plus
grand, muni d’un fouet à
nœuds, dirige l’attelage, tan-
dis qu’il tient dans une de
ses pattes l’extrémité du lien
qui garrotte étroitement le
chien. Celui-ci a beau mon-
trer les dents, les temps ont
changé; la revanche des nombreux exploités contre les exploitants
a commencé parmi les animaux, comme elle s’achèvera chez les
hommes. On observera que cette idée de lutte entre le fort et le faible
sera un des motifs préférés dans les œuvres de nos principaux
peintres satiriques, tels que Bosch et Breughel le Vieux.
Au moyen âge, les satires par les animaux, évidemment inspirées
par le Roman du Renard, furent souvent représentées au naturel
par les animaux des jongleurs et des histrions, qui dressaient leurs
artistes à quatre pattes à imiter d’une façon grotesque les faits
et gestes des personnages appartenant aux hautes classes de la
société.
La figure 24, empruntée au bestiaire de Strasbourg, nous offre
une satire curieuse d’un de ces baladins s’exerçant à dresser un
âne, en accompagnant ses
exercices du son d’un tam-
bourin.
Alexandre Neckam, célèbre
savant anglais du xne siècle,
parlant des divers animaux
apprivoisés de son époque,
nous apprend comment on s’en
servait dans un but satirique :
« Un bateleur (histrio) avait
coutume, dit-il, de conduire deux de ses singes aux jeux de guerre,
appelés tournois, afin que ces animaux eussent moins de peine à
apprendre à exécuter ces mêmes exercices. Il prit ensuite deux
chiens qu’il habitua à porter ces singes sur le dos. Ces cavaliers
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
enchaîné, conduit au supplice sur une charrette. Deux lièvres se
sont attelés au véhicule et se dirigent avec empressement vers l’é-
minence où se dresse le gibet. Tous les détails des harnais et de la
charrette, très intéressants à
observer, sont dessinés avec
minutie. Un lièvre plus
grand, muni d’un fouet à
nœuds, dirige l’attelage, tan-
dis qu’il tient dans une de
ses pattes l’extrémité du lien
qui garrotte étroitement le
chien. Celui-ci a beau mon-
trer les dents, les temps ont
changé; la revanche des nombreux exploités contre les exploitants
a commencé parmi les animaux, comme elle s’achèvera chez les
hommes. On observera que cette idée de lutte entre le fort et le faible
sera un des motifs préférés dans les œuvres de nos principaux
peintres satiriques, tels que Bosch et Breughel le Vieux.
Au moyen âge, les satires par les animaux, évidemment inspirées
par le Roman du Renard, furent souvent représentées au naturel
par les animaux des jongleurs et des histrions, qui dressaient leurs
artistes à quatre pattes à imiter d’une façon grotesque les faits
et gestes des personnages appartenant aux hautes classes de la
société.
La figure 24, empruntée au bestiaire de Strasbourg, nous offre
une satire curieuse d’un de ces baladins s’exerçant à dresser un
âne, en accompagnant ses
exercices du son d’un tam-
bourin.
Alexandre Neckam, célèbre
savant anglais du xne siècle,
parlant des divers animaux
apprivoisés de son époque,
nous apprend comment on s’en
servait dans un but satirique :
« Un bateleur (histrio) avait
coutume, dit-il, de conduire deux de ses singes aux jeux de guerre,
appelés tournois, afin que ces animaux eussent moins de peine à
apprendre à exécuter ces mêmes exercices. Il prit ensuite deux
chiens qu’il habitua à porter ces singes sur le dos. Ces cavaliers