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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
par la lente usure des siècles; l’autre, l’étincelante Acropole de
l’apogée et de la décadence, avec toute la splendeur de ses marbres
augustes pour lesquels Paul de Saint-Victor se désespérait de ne pas
trouver d’épithètes suffisantes, de « vocables assez religieux », et
« où, disait-il, la divinité circule comme le sang ». Impressionnant
tête-à-tête par lequel il semble que le temps soit aboli, et qu’ait
sonné pour cette inattendue réunion le clairon de quelque Josaphat
artistique, arrachant le primitif sanctuaire des couches profondes du
sol, afin d’en joindre les débris ressuscités aux restes glorieux du
second sanctuaire. Mettre en présence avec toute leur valeur ces
deux Acropoles entre lesquelles, à la date sanglante de 480, l’ouragan
dévastateur des Perses jeta une infranchissable barrière, c’est vrai-
ment une radieuse tâche d’art.
Les dix salles du musée sont bien dès maintenant chronologi-
quement en ordre, les salles 1 et 2, 4 à 7 renfermant tout ce qui
provient de l’Acropole primitive, les salles 7 à 10 étant consacrées
à la seconde Acropole ; mais le visiteur mis en présence d’un musée
simplement rangé — et encore pas toujours fort exactement — ne
sent pas du tout ce qu'on devrait lui faire sentir. Il parcourt une
série de salles dont chacune porte le nom de la figure principale
qu’on y conserve, voit des œuvres d’art matriculées d’un simple nu-
méro; son guide lui donne des noms, des dates; il comprend comme
il peut, et apprécie suivant l’acuité plus ou moins grande de son sens
artistique.
Pour bien mettre en valeur cette collection, il conviendrait
d’abord de matérialiser cette date de 480 par une barrière réelle, de
faire deux divisions effectives : « Acropole Primitive », « Seconde
Acropole », celle-ci terminée par une annexe : « Temps Romains ».
L’Acropole primitive, représentée par le taureau aux prises avec les
lions, les premiers frontons, le monstre aux trois corps, le fronton
d’Athéné combattant les géants, le Moschophore, et surtout les déli-
cieuses statues archaïques peintes dont M. Henri Léchât s’est fait
l’historien attitré, demande comme présentation un luxe de ma-
quettes et d’aquarelles tout spécial. On ne fera jamais trop ni trop
bien pour évoquer cette vision si curieuse, si chatoyante, si prenante,
de l’Acropole archaïque, ardemment polychrome, véritable éblouis-
sement de lumière et de charme infini. Cette grâce étrange, cette
âme particulière, si différentes de la morose antiquité jadis apprise
sur les bancs du collège, gagneraient encore à être présentées avec
détails et enthousiasme. Il serait à souhaiter aussi que, sans attendre
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par la lente usure des siècles; l’autre, l’étincelante Acropole de
l’apogée et de la décadence, avec toute la splendeur de ses marbres
augustes pour lesquels Paul de Saint-Victor se désespérait de ne pas
trouver d’épithètes suffisantes, de « vocables assez religieux », et
« où, disait-il, la divinité circule comme le sang ». Impressionnant
tête-à-tête par lequel il semble que le temps soit aboli, et qu’ait
sonné pour cette inattendue réunion le clairon de quelque Josaphat
artistique, arrachant le primitif sanctuaire des couches profondes du
sol, afin d’en joindre les débris ressuscités aux restes glorieux du
second sanctuaire. Mettre en présence avec toute leur valeur ces
deux Acropoles entre lesquelles, à la date sanglante de 480, l’ouragan
dévastateur des Perses jeta une infranchissable barrière, c’est vrai-
ment une radieuse tâche d’art.
Les dix salles du musée sont bien dès maintenant chronologi-
quement en ordre, les salles 1 et 2, 4 à 7 renfermant tout ce qui
provient de l’Acropole primitive, les salles 7 à 10 étant consacrées
à la seconde Acropole ; mais le visiteur mis en présence d’un musée
simplement rangé — et encore pas toujours fort exactement — ne
sent pas du tout ce qu'on devrait lui faire sentir. Il parcourt une
série de salles dont chacune porte le nom de la figure principale
qu’on y conserve, voit des œuvres d’art matriculées d’un simple nu-
méro; son guide lui donne des noms, des dates; il comprend comme
il peut, et apprécie suivant l’acuité plus ou moins grande de son sens
artistique.
Pour bien mettre en valeur cette collection, il conviendrait
d’abord de matérialiser cette date de 480 par une barrière réelle, de
faire deux divisions effectives : « Acropole Primitive », « Seconde
Acropole », celle-ci terminée par une annexe : « Temps Romains ».
L’Acropole primitive, représentée par le taureau aux prises avec les
lions, les premiers frontons, le monstre aux trois corps, le fronton
d’Athéné combattant les géants, le Moschophore, et surtout les déli-
cieuses statues archaïques peintes dont M. Henri Léchât s’est fait
l’historien attitré, demande comme présentation un luxe de ma-
quettes et d’aquarelles tout spécial. On ne fera jamais trop ni trop
bien pour évoquer cette vision si curieuse, si chatoyante, si prenante,
de l’Acropole archaïque, ardemment polychrome, véritable éblouis-
sement de lumière et de charme infini. Cette grâce étrange, cette
âme particulière, si différentes de la morose antiquité jadis apprise
sur les bancs du collège, gagneraient encore à être présentées avec
détails et enthousiasme. Il serait à souhaiter aussi que, sans attendre