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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
II
Honoré Savy 1 crée la première fabrique importante se rattachant à
la nouvelle période de cette industrie d’art. Avec elle, une transfor-
mation sensible se manifeste. Jusque-là le décor avait été mono-
chrome. A dater de ce tte époque, la polychromie s’empare des sujets,
leur donnant un aspect tout à fait artistique, tandis que le modelé
s’épure au point d’offrir l’illusion de la réalité.
Quelle fut ia cause de ce ralentissement, constaté pendant une
trentaine d’années? A notre avis, il faut l’attribuer à l’émigration de
nos ouvriers en Italie, qui possédait alors des centres céramiques
très importants ayant suscité l’engouement général, si bien que des
faïenciers français avaient fondé à Urbino des fabriques dont les
produits étaient semblables à ceux d’origine marseillaise. 11 serait
peut-être impossible, à l’heure actuelle, d’établir une démarcation
entre eux si ia trace laissée au revers des pièces par les perncttes qui
ont servi à faire disparaître l’émail, n’était indiquée par une couche
d’oxyde de cuivre sur toutes les pièces sortant des ateliers marsei llais.
L’Espagne aussi vit des artistes marseillais s’établir chez elle, à
l’instar d’Oléry qui se trouvait à la tête de la fabrique d’Alcora,
dont les échantillons ont, eux aussi, de nombreux points de ressem-
blance avec ceux des fabriques locales. Le peintre marseillais Gras
et le mouleur Carbone!, dont l’habileté était bien connue, allèrent se
fixer en Espagne et y divulguèrent les secrets de leur état. Des
agents du gouvernement espagnol furent envoyés à Moustiers et à
Marseille afin d’y embaucher des ouvriers qui se rendirent à Dénia;
ils concoururent à y fonder des fabriques, mais furent congédiés
peu de temps après leur installation.
De toutes les villes étrangères, Gênes était la plus redoutée. Ses
produits arrivaient à Marseille en quantité considérable, portant une
grave atteinte à l’industrie locale. Le 4 octobre 1761, un mémoire
est adressé à la Chambre de Commerce sur la concurrence génoise,
tandis qu’une pétition estenvoyéeà l’intendant par dix-huit faïenciers
de la ville, qui se plaignent de l’insuffisance des droits frappant la
production étrangère et demandent l'établissement d’une taxe pro-
tectrice, ou plutôt l’application du plein tarif. Le droit de douane
frappant la poterie fine et produits similaires s’élevait à 20 livres
i. Reçu membre de l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille en
1736. Sa fabrique était située au « fauxbourg Sylvabelle ».
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
II
Honoré Savy 1 crée la première fabrique importante se rattachant à
la nouvelle période de cette industrie d’art. Avec elle, une transfor-
mation sensible se manifeste. Jusque-là le décor avait été mono-
chrome. A dater de ce tte époque, la polychromie s’empare des sujets,
leur donnant un aspect tout à fait artistique, tandis que le modelé
s’épure au point d’offrir l’illusion de la réalité.
Quelle fut ia cause de ce ralentissement, constaté pendant une
trentaine d’années? A notre avis, il faut l’attribuer à l’émigration de
nos ouvriers en Italie, qui possédait alors des centres céramiques
très importants ayant suscité l’engouement général, si bien que des
faïenciers français avaient fondé à Urbino des fabriques dont les
produits étaient semblables à ceux d’origine marseillaise. 11 serait
peut-être impossible, à l’heure actuelle, d’établir une démarcation
entre eux si ia trace laissée au revers des pièces par les perncttes qui
ont servi à faire disparaître l’émail, n’était indiquée par une couche
d’oxyde de cuivre sur toutes les pièces sortant des ateliers marsei llais.
L’Espagne aussi vit des artistes marseillais s’établir chez elle, à
l’instar d’Oléry qui se trouvait à la tête de la fabrique d’Alcora,
dont les échantillons ont, eux aussi, de nombreux points de ressem-
blance avec ceux des fabriques locales. Le peintre marseillais Gras
et le mouleur Carbone!, dont l’habileté était bien connue, allèrent se
fixer en Espagne et y divulguèrent les secrets de leur état. Des
agents du gouvernement espagnol furent envoyés à Moustiers et à
Marseille afin d’y embaucher des ouvriers qui se rendirent à Dénia;
ils concoururent à y fonder des fabriques, mais furent congédiés
peu de temps après leur installation.
De toutes les villes étrangères, Gênes était la plus redoutée. Ses
produits arrivaient à Marseille en quantité considérable, portant une
grave atteinte à l’industrie locale. Le 4 octobre 1761, un mémoire
est adressé à la Chambre de Commerce sur la concurrence génoise,
tandis qu’une pétition estenvoyéeà l’intendant par dix-huit faïenciers
de la ville, qui se plaignent de l’insuffisance des droits frappant la
production étrangère et demandent l'établissement d’une taxe pro-
tectrice, ou plutôt l’application du plein tarif. Le droit de douane
frappant la poterie fine et produits similaires s’élevait à 20 livres
i. Reçu membre de l’Académie de peinture et de sculpture de Marseille en
1736. Sa fabrique était située au « fauxbourg Sylvabelle ».