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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 30.1903

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Nr. 2
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Bertaux, Émile: Victor Hugo, [2]: artiste
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https://doi.org/10.11588/diglit.24812#0168

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VICTOR HUGO ARTISTE

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Il aima le bric-à-brac, aussi bien que le gothique et le fantastique,
avec plus de sérieux que les enfants perdus de la bande, avec un
esprit de suite et de système, servi par une activité tenace.

Lorsqu’il voyageait, ses rencontres avec les églises et les châteaux
enracinés dans un sol historique ne lui laissaient qu’un souvenir et
un croquis. Mais, la note prise et l’album fermé, il entrait dans les
cours et s’enfonçait dans les arrière-boutiques où se terraient les
bois vermoulus et les pots fêlés. Mmc Drouet, qui accompagna parfois
Victor Hugo loin de Paris, menait, dit-on, la chasse à l’antiquaille:
elle avait sans doute connu le charme des mobiliers disparates dans
l’atelier de Pradier où elle avait dévêtu son beau corps de modèle1,
avant d’essayer du théâtre.

C’est d’ailleurs à Paris et aux alentours de la place Royale, où il
se fixa en 1832, que Victor Hugo fit ses plus étonnantes trouvailles.
Le quartier qui couvrait l’emplacement de l’ancien hôtel Saint-Paul
formait un îlot de population juive, dont les bouchers sacrifiaient
selon le rite. Ce ghetto fut, après l’Empire, le trésor des cher-
cheurs d’art ancien. Dans des rues lépreuses, comme celles qui
portaient le nom du Roi-de-Sicile ou des Lions-Saint-Paul, deux
générations de revendeurs avaient entassé le butin des bandes
noires. Là, des vieillards pareils à l’antiquaire de la Peau de cha-
grin que le Rodolphe de Balzac visitait en 1829 fournirent les Du
Sommerard et les Sauvageot de pièces inestimables, payées à vil
prix. Victor Hugo est le seul littérateur qui fut assez avisé ou assez
largement pensionné pour profiter de cet âge d’or des collectionneurs.
C’est en explorant la province, l’étranger et les rues du Marais
inconnues des Parisiens qu’il meubla son hôtel de la place Royale.

Le salon où Victor Hugo recevait avant 1848 a été décrit par
Théodore de Banville1 2 ; une lithographie médiocre indique les masses
de la décoration3 : deux grandes fenêtres drapées, une cheminée
imposante, sur laquelle un énorme cartel de Boulle était installé
entre deux hautes potiches; une large banquette à trois places, domi-
née par un dais à lambrequins, qui avait pour fond un étendard de
soie, pris en 1830 à la Kasbah d’Alger. Cette salle de château, avec
son dais paré d’un trophée et ses confortables fauteuils Louis XV,
ne rappelle plus guère, dans le vieil hôtel, les ateliers encombrés

1. Léon Séché, Juliette Drouet (Revue de Paris, 15 février 1903).

2. Mes Souvenirs, 1882, chap. 12.

3. Cette lithographie est reproduite dans le Livre d’or de Victor Hugo, publié
sous la direction d’Émile Blémont (Paris, 1883, p. 49).
 
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