NOUVELLES RECHERCHES SUR BERNARDINO LUINI 193
qui satisfait l'esprit et les yeux dans cet art suprême, il l’a réuni
sous ces arceaux : semée de monogrammes sacrés an milieu de
flammes rayonnantes, la vaste nef de l’église, avec ses travées de
voûtes ogivales, se trouve débarrassée du chœur baroque jadis
ajouté par le xvnc siècle; l’abside polygonale apparaît dans sa fierté
simple, lumineuse, imposante. Avec son opulence ordinaire, le
xvie siècle jetait sur le fond de ces belles lignes une riebe broderie de
décorations sculptées et peintes; Luini recevait, pour sa part, une
chapelle accessoire, petit espace, de cinq mètres par côté, dont la
voûte était divisée en compartiments et en lunettes. C’est là qu’il
peignait la série d’épisodes et le chœur d’anges et d’enfants que le
musée Brera cherche à remettre en ordre, pour reconstituer l'effet
de l’ensemble primitif. Niais Luini décorait, aussi,l’arcade qui sur-
montait l’entrée, dans une chapelle dédiée à saint Antoine. C’est
cette fresque, disparue sous les restaurations successives, qui vient
d’être remise au jour. Pendant qu’on réparait l’église, le comte Fran-
çois Lurani-Cernuschi prit soin de rechercher l’ancienne peinture;
un remaniement allait la détruire; decouverte et détachée avec zèle,,
reportée sur toile par le professeur Louis Cavenaghi, l'image est
replacée, en belle lumière, sur le mur de droite, dans la grande nef.
La composition était inspirée à Luini par la forme même de la
paroi qu'il décorait; il a tiré le plus heureux parti de cet espace en
demi-cercle, dont la partie supérieure était percée par une petite
fenêtre ronde1. C’est l’Annonciation qu’il a choisie2. Dans la partie la
plus élevée, à la droite du spectateur, la Vierge est agenouillée,
une à ierge d’un type candide et comme rustique, les mains croi-
sées sur la poitrine, le regard extatique; le manteau qui l’enve-
loppe est d’un blanc atténué, les autres draperies, voile, tunique,
sont de ce jaune et de ce rouge éteint et ressenti si chers à Luini;
l’ange, très clair, avec un geste qui rappelle les plus simples
attitudes des enfants de chœur, fait sa génuflexion à gauche. Au-
dessous de la Vierge, et plus grande, pour faire sentir la distance
et la perspective, sainte Catherine est assise de face; une de ces
saintes Catherines, si pareilles en beauté, si diverses pourtant, et,
1. Aujourd’hui remplacée par le vase où fleurit un lys, avec la banderole
« AVE. MA., GRA. PLE. ». Cette partie seule, comme l’inscription centrale, est
moderne.
2. On sait avec quelle prédilection Luini figura les sujets tirés des premières
scènes du Nouveau Testament. L’une des œuvres que possède le Louvre, et que
nous reproduisons ici, dans une gravure fidèle et excellente due au burin de
M. Bessé, représente La Nativité; mêmes sujets à Saronno, Gôme, etc.
xxx. — 3° période.
qui satisfait l'esprit et les yeux dans cet art suprême, il l’a réuni
sous ces arceaux : semée de monogrammes sacrés an milieu de
flammes rayonnantes, la vaste nef de l’église, avec ses travées de
voûtes ogivales, se trouve débarrassée du chœur baroque jadis
ajouté par le xvnc siècle; l’abside polygonale apparaît dans sa fierté
simple, lumineuse, imposante. Avec son opulence ordinaire, le
xvie siècle jetait sur le fond de ces belles lignes une riebe broderie de
décorations sculptées et peintes; Luini recevait, pour sa part, une
chapelle accessoire, petit espace, de cinq mètres par côté, dont la
voûte était divisée en compartiments et en lunettes. C’est là qu’il
peignait la série d’épisodes et le chœur d’anges et d’enfants que le
musée Brera cherche à remettre en ordre, pour reconstituer l'effet
de l’ensemble primitif. Niais Luini décorait, aussi,l’arcade qui sur-
montait l’entrée, dans une chapelle dédiée à saint Antoine. C’est
cette fresque, disparue sous les restaurations successives, qui vient
d’être remise au jour. Pendant qu’on réparait l’église, le comte Fran-
çois Lurani-Cernuschi prit soin de rechercher l’ancienne peinture;
un remaniement allait la détruire; decouverte et détachée avec zèle,,
reportée sur toile par le professeur Louis Cavenaghi, l'image est
replacée, en belle lumière, sur le mur de droite, dans la grande nef.
La composition était inspirée à Luini par la forme même de la
paroi qu'il décorait; il a tiré le plus heureux parti de cet espace en
demi-cercle, dont la partie supérieure était percée par une petite
fenêtre ronde1. C’est l’Annonciation qu’il a choisie2. Dans la partie la
plus élevée, à la droite du spectateur, la Vierge est agenouillée,
une à ierge d’un type candide et comme rustique, les mains croi-
sées sur la poitrine, le regard extatique; le manteau qui l’enve-
loppe est d’un blanc atténué, les autres draperies, voile, tunique,
sont de ce jaune et de ce rouge éteint et ressenti si chers à Luini;
l’ange, très clair, avec un geste qui rappelle les plus simples
attitudes des enfants de chœur, fait sa génuflexion à gauche. Au-
dessous de la Vierge, et plus grande, pour faire sentir la distance
et la perspective, sainte Catherine est assise de face; une de ces
saintes Catherines, si pareilles en beauté, si diverses pourtant, et,
1. Aujourd’hui remplacée par le vase où fleurit un lys, avec la banderole
« AVE. MA., GRA. PLE. ». Cette partie seule, comme l’inscription centrale, est
moderne.
2. On sait avec quelle prédilection Luini figura les sujets tirés des premières
scènes du Nouveau Testament. L’une des œuvres que possède le Louvre, et que
nous reproduisons ici, dans une gravure fidèle et excellente due au burin de
M. Bessé, représente La Nativité; mêmes sujets à Saronno, Gôme, etc.
xxx. — 3° période.