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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Le premier groupe comprend des peintures sur bois ou sur cuivre de
petite dimension : Réunion de famille (1642 ; Louvre, n° 543^) ; Danse
d’enfants ( 1643 ; ancienne coll. Charles Butler) et Portraits dans un intérieur
(1647 ; Louvre, n° 543). Le coloris est assez vif ; ce sont des rouges et des
jaunes citron, reliés par des gris chamois ; une influence flamande paraît
indéniable. Les chairs sont roses et fraîches ; les cheveux, généralement
frisés, ondulent, en mèches qui ressemblent à des faisceaux de cordelettes ;
un trait de vermillon sur les lèvres et un point brillant dans les yeux
donnent un accent spirituel et vivant aux visages. Que l’objet du peintre soit
de rassembler des portraits dans un intérieur ou qu’il représente une action
comme dans la Danse d’enfants, il a le goût et le don de saisir ce qu’il y a
de plus caractéristique dans les physionomies. Dans telle figure, comme
celle d’un vieux bonhomme à barbiche blanche coiffé d’un extraordinaire
bonnet de feutre à double visière relevée (Portraits dans un intérieur), la
vérité, involontairement, va presque jusqu’à la caricature. Avec la franchise
et la vivacité de la couleur, et malgré une composition maladroite qui abuse
des lignes verticales et où les figures, rigides, paraissent juxtaposées sanslien,
la finesse de l'observation et la bonhomie font le prix de ces petits tableaux.
On y remarque un reste d’archaïsme qui nous incline à croire que leur
auteur est l’aîné des trois frères et il est naturel de nous rappeler ici que,
suivant le chanoine L’Eleu, « Antoine excelloit pour les mignatures et les
portraits en racourci. » Cet archaïsme est d’autant plus significatif qu’il se
prolonge jusqu’à une date où d’autres ouvrages des Le Nain n’en gardent
plus la moindre trace. Les Portraits dans un intérieur, qui sont de 1647, ne
sont pas moins archaïques que la Réunion de famille, qui est de 1642 5 et
lorsqu'on les compare à des œuvres de large inspiration et de facture sévère
telles que le Repas de paysans de la collection La Gaze (1642) ou à des
tableaux peints d’un pinceau brillant et facile tels que le Corps de garde de
l’ancienne collection Pourtalès ( 1643), on voit bien qu’ils sont d’un autre
artiste, d’un artiste qui demeure fidèle aux habitudes de sa jeunesse et ne
s’est pas laissé gagner par les nouveautés dont il est le témoin dans l’atelier
fraternel. Le chanoine L’Eleu nous dit : (( Ils furent formez dans cet art par
un peintre estranger qui les instruisit et leur montra les règles de cet art à
Laon pendant l’espace d’un an. » Ce peintre, à Laon, dans les premières
années du xvne siècle, il y a bien des chances pour qu’il fût Flamand. On
date : le Bénédicité du Musée de Nancy (Burlington Catalogue, p. 27) et le Bénédicité
du Musée de l’Ermitage (n° 1492 ; Burlington Catalogue, p. 34).
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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Le premier groupe comprend des peintures sur bois ou sur cuivre de
petite dimension : Réunion de famille (1642 ; Louvre, n° 543^) ; Danse
d’enfants ( 1643 ; ancienne coll. Charles Butler) et Portraits dans un intérieur
(1647 ; Louvre, n° 543). Le coloris est assez vif ; ce sont des rouges et des
jaunes citron, reliés par des gris chamois ; une influence flamande paraît
indéniable. Les chairs sont roses et fraîches ; les cheveux, généralement
frisés, ondulent, en mèches qui ressemblent à des faisceaux de cordelettes ;
un trait de vermillon sur les lèvres et un point brillant dans les yeux
donnent un accent spirituel et vivant aux visages. Que l’objet du peintre soit
de rassembler des portraits dans un intérieur ou qu’il représente une action
comme dans la Danse d’enfants, il a le goût et le don de saisir ce qu’il y a
de plus caractéristique dans les physionomies. Dans telle figure, comme
celle d’un vieux bonhomme à barbiche blanche coiffé d’un extraordinaire
bonnet de feutre à double visière relevée (Portraits dans un intérieur), la
vérité, involontairement, va presque jusqu’à la caricature. Avec la franchise
et la vivacité de la couleur, et malgré une composition maladroite qui abuse
des lignes verticales et où les figures, rigides, paraissent juxtaposées sanslien,
la finesse de l'observation et la bonhomie font le prix de ces petits tableaux.
On y remarque un reste d’archaïsme qui nous incline à croire que leur
auteur est l’aîné des trois frères et il est naturel de nous rappeler ici que,
suivant le chanoine L’Eleu, « Antoine excelloit pour les mignatures et les
portraits en racourci. » Cet archaïsme est d’autant plus significatif qu’il se
prolonge jusqu’à une date où d’autres ouvrages des Le Nain n’en gardent
plus la moindre trace. Les Portraits dans un intérieur, qui sont de 1647, ne
sont pas moins archaïques que la Réunion de famille, qui est de 1642 5 et
lorsqu'on les compare à des œuvres de large inspiration et de facture sévère
telles que le Repas de paysans de la collection La Gaze (1642) ou à des
tableaux peints d’un pinceau brillant et facile tels que le Corps de garde de
l’ancienne collection Pourtalès ( 1643), on voit bien qu’ils sont d’un autre
artiste, d’un artiste qui demeure fidèle aux habitudes de sa jeunesse et ne
s’est pas laissé gagner par les nouveautés dont il est le témoin dans l’atelier
fraternel. Le chanoine L’Eleu nous dit : (( Ils furent formez dans cet art par
un peintre estranger qui les instruisit et leur montra les règles de cet art à
Laon pendant l’espace d’un an. » Ce peintre, à Laon, dans les premières
années du xvne siècle, il y a bien des chances pour qu’il fût Flamand. On
date : le Bénédicité du Musée de Nancy (Burlington Catalogue, p. 27) et le Bénédicité
du Musée de l’Ermitage (n° 1492 ; Burlington Catalogue, p. 34).