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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Femme en rose et la Vieille teinturerie de Scutciri, et parmi les lithographies
en noir, la Course de chars romains et les Tisseuses de burnous. Mais le voisi-
nage de quelques-uns de nos meilleurs graveurs sur bois fait du tort, à mon
avis, au métier fin et détaillé d’Alexandre Lunois. La Fuite en Egypte de
M. J. Beltrand, les Satyres au rhylon de M. Broutelle, les trois bois au canif
de M. Malo-Renault pour la Chanson de Loïc de Brizeux, les vues de Nevers
de M. Chalandre, les Sardiniers et le Port de Camaret de M. Hallo, con-
firment la renaissance d’un art qui fit le renom de nos anciens imagiers.
Dans le groupe des aquafortistes, MM. Chahine, Frelaut, Achener, Léopold-
Lévy, se font comme toujours remarquer, et M. Celestini (dont la Gazette
parle plus loin) présente une planche d’un métier vigoureux et original.
* *
En sculpture, même indigence d'idées qu’en peinture. Il y a beaucoup
de bustes et quelques projets de monuments. En général, les bustes sont
bons, elles monuments aux morts, manqués. Ces derniers sont conçus sans
souffle, sans poésie, sans recueillement. On ne touche pas à un sujet comme
la guerre avec mollesse ou légèreté; le châtiment est immédiat. Mais il faut
bien reconnaître que la difficulté est grande puisque tous les maîtres ont
échoué. Jusqu’à présent le résultat des recherches est négatif. On aboutit à
l’emphase, à la raideur, au poncif ou à l’invraisemblance.
La Justice qui arme le soldat de M. Bartholomé n’indiquera pas la bonne
voie. La Guerre de M. Desbois est presque une mystification macabre. Des
têtes de morts, on peut en voir des centaines sans aller bien loin, — dans les
catacombes de Paris, tout simplement. Est-ce vraiment là le symbole étrei-
gnant de la guerre? Je ne le crois pas. Un casque sur une tête momifiée
ne signifie rien. Le talent de M. Desbois s’accommode mieux des sujets gra-
cieux, et ses terres cuites le prouvent aisément.
Les Mères, Père, Orpheline de M. Quivillic sont plutôt des portraits que des
symboles ; sans effort, on s’y intéresse parce qu’ils sont particulièrement
véhéments. Les monuments de MM. Bourgoin, Fix-Masseau, P. Besnard,
Toussaint, ne sont ni meilleurs ni pires que tant d’autres déjà rencontrés.
Ilestinutile d’accabler les sculpteurs ; on perd son temps. Le génie ne se com-
mande pas. Toutefois, il est pénible de constater que depuis quatre ans on a vu
une foule de monuments commémoratifs qui font la fierté des maires et de leurs
administrés, et qu’il est impossible de citer une seule Victoire. Sans doute, l’on
peut vivre d’espérance, et sans doute, sur ce sujet, les Grecs sont bien gênants.
A propos des Grecs, on revient depuis quelque temps à la taille directe,
pratiquée dans l’antiquité, reprise au Moyen âge, et continuée pendant la
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Femme en rose et la Vieille teinturerie de Scutciri, et parmi les lithographies
en noir, la Course de chars romains et les Tisseuses de burnous. Mais le voisi-
nage de quelques-uns de nos meilleurs graveurs sur bois fait du tort, à mon
avis, au métier fin et détaillé d’Alexandre Lunois. La Fuite en Egypte de
M. J. Beltrand, les Satyres au rhylon de M. Broutelle, les trois bois au canif
de M. Malo-Renault pour la Chanson de Loïc de Brizeux, les vues de Nevers
de M. Chalandre, les Sardiniers et le Port de Camaret de M. Hallo, con-
firment la renaissance d’un art qui fit le renom de nos anciens imagiers.
Dans le groupe des aquafortistes, MM. Chahine, Frelaut, Achener, Léopold-
Lévy, se font comme toujours remarquer, et M. Celestini (dont la Gazette
parle plus loin) présente une planche d’un métier vigoureux et original.
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En sculpture, même indigence d'idées qu’en peinture. Il y a beaucoup
de bustes et quelques projets de monuments. En général, les bustes sont
bons, elles monuments aux morts, manqués. Ces derniers sont conçus sans
souffle, sans poésie, sans recueillement. On ne touche pas à un sujet comme
la guerre avec mollesse ou légèreté; le châtiment est immédiat. Mais il faut
bien reconnaître que la difficulté est grande puisque tous les maîtres ont
échoué. Jusqu’à présent le résultat des recherches est négatif. On aboutit à
l’emphase, à la raideur, au poncif ou à l’invraisemblance.
La Justice qui arme le soldat de M. Bartholomé n’indiquera pas la bonne
voie. La Guerre de M. Desbois est presque une mystification macabre. Des
têtes de morts, on peut en voir des centaines sans aller bien loin, — dans les
catacombes de Paris, tout simplement. Est-ce vraiment là le symbole étrei-
gnant de la guerre? Je ne le crois pas. Un casque sur une tête momifiée
ne signifie rien. Le talent de M. Desbois s’accommode mieux des sujets gra-
cieux, et ses terres cuites le prouvent aisément.
Les Mères, Père, Orpheline de M. Quivillic sont plutôt des portraits que des
symboles ; sans effort, on s’y intéresse parce qu’ils sont particulièrement
véhéments. Les monuments de MM. Bourgoin, Fix-Masseau, P. Besnard,
Toussaint, ne sont ni meilleurs ni pires que tant d’autres déjà rencontrés.
Ilestinutile d’accabler les sculpteurs ; on perd son temps. Le génie ne se com-
mande pas. Toutefois, il est pénible de constater que depuis quatre ans on a vu
une foule de monuments commémoratifs qui font la fierté des maires et de leurs
administrés, et qu’il est impossible de citer une seule Victoire. Sans doute, l’on
peut vivre d’espérance, et sans doute, sur ce sujet, les Grecs sont bien gênants.
A propos des Grecs, on revient depuis quelque temps à la taille directe,
pratiquée dans l’antiquité, reprise au Moyen âge, et continuée pendant la