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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 5.1922

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Nr. 6
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Champion, Claude: Croquis d'Alsace, 4, Le mont Sainte-Odile
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https://doi.org/10.11588/diglit.24938#0389

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àÔ2 GAZETTE DES BEAUX-ARfS

naire du Roy (15g4) 1 narre en ces termes la fondation du monastère de
Hohenbourg, édifié en l’an 680 ou proche, sur l’ordre d’Adalric, duc d’Alsace,
en faveur de sa fdle, sainte Odile.

Campé sui' un rocher abrupt, au sommet d’une montagne qu’escaladent
les sapins, suivant les saisons enchâssé de velours ou serti de nacre, ce vieux
moûtier, narguant guerres, révolutions, incendies, survivant à tous les
assauts du temps, des hommes et des éléments, domine depuis plus de douze
siècles la plaine d'Alsace étalée à ses pieds comme un tapis princier ; et
depuis douze siècles, attirés par sa renommée, les pèlerins, pour s’y rendre,
gravissent en longues théories les pentes escarpées de la montagne sainte :
Charlemagne y vint, et Louis le Débonnaire, et l’impératrice Richarde, et
saint Henri, et le pape Léon IX, que suivirent, en somptueux arroi, Frédéric
Barberousse, Richard Cœur de Lion, Christian Ier de Danemark, d’autres
encore, prélats, grands seigneurs, rois et empereurs, qui se plurent à doter le
couvent d’apanages, de privilèges et d’immunités.

Car sainte Odile, la patronne de l’Alsace, aussi populaire aujourd’hui que
jadis entre Vosges et Rhin, était au Moyen âge une figure vénérée de toute
la chrétienté. Le charme de sa légende, sa guérison, ses malheurs, puis son
triomphe final, qu’illustrèrent de touchants miracles, enchantaient l’âme
candide et fervente de nos ancêtres. Sa vie, pour émouvante qu’elle soit,
contée en français moderne, perd de sa saveur. Seuls, les hagiographes
médiévaux2 ont su narrer comme il sied la naissance de la sainte, la colère de
son père apprenant qu’elle était aveugle, le désespoir de sa mère qui la sauve
en la confiant à une serve dévouée ; puis sa pieuse enfance à l’abbaye de
Palma (Baume-les-Dames) où, ayant été baptisée par saint Erhard, elle
recouvre miraculeusement la vue ; son retour au manoir familial, l'accueil et
la conversion d’Adalric qui, en expiation du meurtre d’un fils, lui aban-
donne, pour y construire un monastère, le fief de Hohenbourg ; enfin, sa vie
toute de sainteté, émaillée de miracles, Dieu lui ayant conféré le pouvoir de
rendre la vue aux aveugles, et sa mort bienheureuse, annonciatrice de
l’éternelle félicité.

Sur cette trame émouvante les hagiographes ont su broder avec un art
délicat les multiples épisodes, les détails exquis, les scènes pathétiques qui
l’enrichissent et que l’omnisciente Herrade de Landsberg, abbesse de Hohen-
bourg à la fin du xiT siècle, se plut à évoquer dans les admirables enlumi-
nures de son Hortus deliciarum malheureusement détruit dans les circons-
tances que nous dirons plus loin.

1. Edition de 1607, Paris.

2. Manuscrits des bibliothèques de Saint-Gall, Berne, Paris (Bibliothèque Nationale,
ms. latin 53o8).
 
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