Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 5. Pér. 7.1923

DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:
Jamot, Paul: Sur quelques œuvres de Louis et de Mathieu Le Nain: à propos d'une exposition
DOI Seite / Zitierlink:
https://doi.org/10.11588/diglit.24939#0045

DWork-Logo
Überblick
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
34

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

nafigi entre les années 1777 et 1788, la première de ces dates étant celle de
l’arrivée du comte comme ambassadeur du roi de Sardaigne, la seconde celle
de sa mort. Malgré cette origine commune et en dépit de cette égalité de
grandeur, qui donneraient à présumer qu’elles auraient été peintes en vue
d’une destination identique (à moins qu’elles n’aient été, au contraire, ajus-
tées au format des cadres où on voulait les faire entrer), il me paraît impos-
sible de reconnaître la main de l'un ou de l’autre des frères Le Nain dans
les deux toiles que l’on peut appeler Scène cle vendange et Danse d'enfants
au village. Par 1 esprit et la facture, elles sont toutes pareilles, je l’ai déjà dit,
aux deux mauvaises peintures du Louvre, le Repas villageois et VAbreuvoir,
qu’il faut, pour l’honneur de ces excellents artistes, retirer aux Le Nain.

La première représente une famille de vignerons, homme, femme et
enfants, fêtant joyeusement le raisin dont les grappes s’entassent dans une
cuve. Indépendamment du caractère convenu et trivial des types et de la
médiocrité du faire, la grossière jovialité qui s'étale dans cette scène aurait
dû suffire à en écarter le nom des sages et discrets Le Nain1. Le père de
famille, déjà égayé par le vin, veut donner part de sa joie à sa ménagère et
même à l’enfant que celle-ci allaite : il se penche sur elle en tendant son verre
et, du doigt, presse le bout du sein pour en faire jaillir le lait. Où, dans quel
tableau authentique duquel des frères Le Nain, a-t-on vu un tel geste, une
telle intention ? Que cela est loin du sentiment de gaieté un peu lourd, mais
toujours décent, qui anime la procession des vignerons et de leurs seigneurs
dans la Fête du vin ! On remarquera d’ailleurs que, si celte Scène de vendange
et la toile qui lui fait pendant offrent quelque rapport avec des ouvrages des
frères Le Nain, ce n’est pas avec ceux de l’élégant Mathieu, auteur des autres
tableaux de la collection de Seyssel, mais avec ceux du rustique Louis ; on
y trouve même certains des tons plâtreux que celui-ci, seul des trois frères,
a employés. Mais ce rapprochement, qui est une offense pour le génie sévère
de Louis, ne fait que souligner linvraisemblance de la tradition qui met ces
deux toiles sur le même rang que les autres pour les attribuer aux Le Nain.

Dans la seconde, on boit encore copieusement : deux vieux couples sont
attablés, tandis qu’une bande d’enfants danse pesamment aux sons qu’un
vieillard en haillons tire d'un chalumeau.

Quelle dillérence entre cette Danse d'enfants auvillage etlesdeux charmantes
peintures, provenant de la même collection de Seyssel, où Mathieu Le Nain
a traité des sujets analogues ! A l’ombre d’un grand arbre, six petites filles,
vêtues de longues robes, avec des nœuds de soie dans les cheveux, forment

1. Pai' un étrange paradoxe, c’est à ces deux pauvres productions d’imitateurs sans
goût que Valabrègue accorde ses préférences (Les frères Le Nain, p. 122-125); ce sont,
dit-il, « peut-être les plus âpres, les plus saisissantes de cette remarquable collection ».
 
Annotationen