Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (5. Pér. 7.1923)

L’ÉVOLUTION DE LA MATIÈRE PICTURALE

a peinture noircit, (lisent les uns ; elle devient
dorée avec le temps, croient les autres. On
pourrait, sans se tromper, prédire aux tableaux
d’autres destinées, car la matière picturale évo-
lue en obéissant à des lois multiples ; quelques-
unes sont analysables, les autres nous échappent.

Il ne saurait être question ici des transforma-
tions du vernis, qui donne sans doute aux cou-
leurs leur maximum d’intensité, mais ne fait
pas, cependant, partie intégrante du tableau ;
c’est un élément extérieur à la peinture, qu’une main quelconque peut y
apporter, qu’une autre peut enlever. Souvent il garde sa transparence;
parfois, au contraire, il se trouble et, par ses transformations, modifie
l’aspect d'une œuvre, qui peut gagner sous une pellicule ivoirée ou bien
être dénaturée sous une vitre fumeuse. Suivant sa qualité (et la nature de
l’atmosphère ambiante), le vernis devient ambré comme dans YAntiope du
Corrège, jaune comme dans le Mariage mystique de sainte Catherine du
même artiste, ou brun comme dans la Visitation de Sebastiano del Piombo.

Mais un œil exercé, suivant l'évolution delà matière picturale dans telle ou
telle œuvre, sait faire abstraction de tout ce qui n’est pas la couleur elle-même,
et ne s’attache qu’aux variations de la peinture proprement dite.

Elles tiennent à trois causes principales : le choix du support sur lequel on
peint, la technique employée pour l’exécution, enfin la nature des couleurs
dont la palette est composée.

Ces couleurs et les liquides dont on se sert pour peindre jouent dans
l’évolution de la matière picturale un rôle capital. Je ne parle naturelle-
ment pas ici de la qualité de leur fabrication, que, pour simplifier la question,