LE PREMIER SALON DE HOUDON
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« Me voilà tiré des sculpteurs. On s’est bien aperçu que Pigalle était occupé
de la place de Louis XV etFalconet absent. » C’est tout ce qu’il trouve à dire
d’un Salon qui offrait pourtant, entre autres morceaux de valeur, des monu-
ments de Pajou et de Caffieri et deux admirables bustes de Lemoyne.
Diderot ne « découvrira » Houdon que dans son Salon de 1771, du jour où
le jeune artiste fut assez avisé pour exposer le buste du critique : mais en
rendant compte de ce buste et du Morphée, il ne fait aucune allusion à une
exposition antérieure.
Les Mémoires secrets de Bachaumont, qui sont avec les Salons de Diderot
une des sources de renseignements les plus exploitées par les historiens de
l’art du xvine siècle, ne disent également rien de Houdon, avant 1771.
De ce silence du livret, de Diderot, de Bachaumont, on a conclu un peu
à la légère que Houdon, bien qu’il fût rentré de Rome à la fin de 1768, s’était
abstenu d’exposer au Salon de 1769. Mais il suffit de chercher un peu
« plus oultre » pour se convaincre qu’il n’en est rien.
Diderot et Bachaumont ne sont pas, tant s’en faut, les seuls salonniers de
cette époque. Dans sa réimpression de la Collection des livrets des anciennes
Expositions, J.-J. Guiffrey énumère une dizaine de critiques du Salon de
1769 — et il en passe. Le précieux fonds Deloynes du Cabinet des estampes
de la Bibliothèque Nationale en contient plusieurs qui ont échappé à ses
recherches1 2. 11 serait fastidieux de produire tous ces témoignages. Nous n’en
citerons que quatre ou cinq choisis parmi les plus significatifs : on verra
qu'ils ne sauraient être plus explicites et plus concluants.
Voici, par exemple, ce qu’écrit Desboulmiers dans le Mercure de France
(octobre 1769) en rendant compte du Salon : « Nous ne devons pas omettre
les justes éloges qui sont dus à M. Houdon qui a été agréé dans le temps de
l’ouverture du Salon. Les ouvrages qu’il a exposés ont attiré les yeux des
vrais connaisseurs. Son Saint Jean fait voir que cet artiste connait les belles
proportions et qu'il sçait rendre compte des muscles et des différentes parties
du corps. Son petit Luperque est une figure charmante ; elle est prise dans
un mouvement juste ; c’est la nature saisie sur le fait et embellie par l’exé-
cution. »
L'Année littéraire 2 nous révèle que Houdon exposait en même temps que
son Saint Jean une réduction de son Saint Bruno. « M. Houdon, jeune
sculpteur, débute cette année au Salon. On y voit de lui des choses excel-
lentes et d’autres moins bonnes. Son Prêtre Lupercal est plein de grâces et
1. Notamment le journal U Avant-Coureur, les Réflexions de Pingeron. Ces critiques ne
sont pas mentionnées non plus par A. de Montaiglon dans son Essai de bibliographie des
livrets et des critiques du Salon ; Paris, 1802.
2. Lettre 13, tome V.
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« Me voilà tiré des sculpteurs. On s’est bien aperçu que Pigalle était occupé
de la place de Louis XV etFalconet absent. » C’est tout ce qu’il trouve à dire
d’un Salon qui offrait pourtant, entre autres morceaux de valeur, des monu-
ments de Pajou et de Caffieri et deux admirables bustes de Lemoyne.
Diderot ne « découvrira » Houdon que dans son Salon de 1771, du jour où
le jeune artiste fut assez avisé pour exposer le buste du critique : mais en
rendant compte de ce buste et du Morphée, il ne fait aucune allusion à une
exposition antérieure.
Les Mémoires secrets de Bachaumont, qui sont avec les Salons de Diderot
une des sources de renseignements les plus exploitées par les historiens de
l’art du xvine siècle, ne disent également rien de Houdon, avant 1771.
De ce silence du livret, de Diderot, de Bachaumont, on a conclu un peu
à la légère que Houdon, bien qu’il fût rentré de Rome à la fin de 1768, s’était
abstenu d’exposer au Salon de 1769. Mais il suffit de chercher un peu
« plus oultre » pour se convaincre qu’il n’en est rien.
Diderot et Bachaumont ne sont pas, tant s’en faut, les seuls salonniers de
cette époque. Dans sa réimpression de la Collection des livrets des anciennes
Expositions, J.-J. Guiffrey énumère une dizaine de critiques du Salon de
1769 — et il en passe. Le précieux fonds Deloynes du Cabinet des estampes
de la Bibliothèque Nationale en contient plusieurs qui ont échappé à ses
recherches1 2. 11 serait fastidieux de produire tous ces témoignages. Nous n’en
citerons que quatre ou cinq choisis parmi les plus significatifs : on verra
qu'ils ne sauraient être plus explicites et plus concluants.
Voici, par exemple, ce qu’écrit Desboulmiers dans le Mercure de France
(octobre 1769) en rendant compte du Salon : « Nous ne devons pas omettre
les justes éloges qui sont dus à M. Houdon qui a été agréé dans le temps de
l’ouverture du Salon. Les ouvrages qu’il a exposés ont attiré les yeux des
vrais connaisseurs. Son Saint Jean fait voir que cet artiste connait les belles
proportions et qu'il sçait rendre compte des muscles et des différentes parties
du corps. Son petit Luperque est une figure charmante ; elle est prise dans
un mouvement juste ; c’est la nature saisie sur le fait et embellie par l’exé-
cution. »
L'Année littéraire 2 nous révèle que Houdon exposait en même temps que
son Saint Jean une réduction de son Saint Bruno. « M. Houdon, jeune
sculpteur, débute cette année au Salon. On y voit de lui des choses excel-
lentes et d’autres moins bonnes. Son Prêtre Lupercal est plein de grâces et
1. Notamment le journal U Avant-Coureur, les Réflexions de Pingeron. Ces critiques ne
sont pas mentionnées non plus par A. de Montaiglon dans son Essai de bibliographie des
livrets et des critiques du Salon ; Paris, 1802.
2. Lettre 13, tome V.