Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (5. Pér. 7.1923)

L’EXPOSITION DE « L’ART ET LA VIE ROMANTIQLES » 2o3

qu’Henry Monnier avait reçu du ciel « un don surnaturel, excessif, épou-
vantable ... : celui de reproduire ... la nature, la vie et les hommes tels
qu’ils sont ». Monnier rédigeait, en quelque sorte, des procès-verbaux, des
sortes d’inventaires humains. Au contraire, Gavarni, sans embellir l’humanité
(les types comiques et grotesques abondent dans son œuvre) sait parfois
n’en choisir que la fleur. Il a souvent besoin d’idéaliser non pas son modèle,
mais sa vision, et son génie particulier consiste à savoir faire en se jouant,

SCÈNE INTERIEUR, PAR DROLLING
(Appartient à M. le baron Holtinguer.)

d'une (( petite femme » du quartier Bréda, une créature d’une grâce presque
céleste, devant laquelle on pense malgré soi à la Rosalinde de Shakespeare
ou à la Marianne de Musset.

Si l’on quitte Gavarni pour Tassaert on trouve un peintre souvent excel-
lent, mais un observateur bien conventionnel, qui remplace volontiers le
sentiment par la sensiblerie. Gomme peintre, Tassaert continue, à son insu
ou non, la tradition du xviiT siècle. C’est un Fragonard qui trempe la
volupté dans les larmes. Son Retour du bal (de la collection Alexis Rouart)
est une scène de keepsake exécutée dans une matière moelleuse et, en quelque
sorte, crémeuse que l’on savoure presque avec les papilles. Par le choix de