DOI issue:
Nr. 4
DOI article:Vitry, Paul: Pierre Roche (1855 - 1922)
DOI Page / Citation link:https://doi.org/10.11588/diglit.24939#0246
224
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
qui se passionnait à renouveler autour de lui les éléments du décor de la
vie intime, en apportant dans chacun d’eux une note souriante de grâce ou
de malice : le moine en étain servant de cruchon, avec son anneau qui forme
auréole, le poids d’horloge, le cadran solaire, le fer à repasser, l’entrée de
boîte à lettres, l’aiguière, l’encrier ou la pendule.
Après le métal, pourlequel il avait donné de bonne heure des modèles, peut-
être un peu compliqués ou naturistes dans l’esprit de 1900, c’est la céramique
qui l’avait attiré et le retint surtout vers la fin de sa vie et pour laquelle il
donna, comme en se jouant, des modèles dont divers
musées garderont des spécimens intéressants et peut-
être féconds. Après avoir exécuté d’abord chez lui, dans
un petit four à expériences, quelques statuettes en terre
lustrée, il avait combiné avec les ressources des émaux
brillants et colorés de Bigot, des plats et des carrelages
pleins de grâce et de fantaisie, d'une très belle réalisa-
tion technique d’ailleurs ; plus tard, épris d’art rustique
et traditionnel, il avait cherché à utiliser, à Binic même,
les fours et les matériaux d'un simple briquetier du
pays: des statuettes populaires, des mitrons de che-
minée, des carrelages encore ornés de poissons, d’al-
gues, de décors géométriques ou de figures humaines
traités en arabesques infiniment variées étaient sortis
de cette collaboration imprévue.
Pierre Roche aurait voulu, poursuivant son rêve
quelque peu chimérique de rénovation d’un art régio-
nal, faire de ces essais le point de départ de tout un
renouveau industriel; il eut l’intention plus tard, de
multiplier après la guerre, en une série de modèles de
gracieuses fontaines, les monuments commémoratifs
raisonnables et convenables au cadre de nos villages de
France; il voulait aussi donner, à l’aide de carrelages
alphabétiques, mélangés de quelques éléments très simples, le moyen de
dresser des mémoriaux décents et peu coûteux aux murs des plus humbles
églises ou mairies de villages.
Hélas ! toutes ces initiatives et ces bonnes volontés, poursuivies parfois
avec une ténacité et une puissance d’illusion qui étonnaient, déroutaient
et entraînaient parfois, étaient bien difficiles à faire aboutir; le rêve généreux
d’un artiste, ses conceptions, quelquefois un peu compliquées pour des
esprits simples, triomphent rarement de la routine banale... et du mauvais
goût officiel, surtout dans les milieux les plus modestes, les plus cantonaux:
EN TERRE CUITE
PAH PIERRE ROCHE
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
qui se passionnait à renouveler autour de lui les éléments du décor de la
vie intime, en apportant dans chacun d’eux une note souriante de grâce ou
de malice : le moine en étain servant de cruchon, avec son anneau qui forme
auréole, le poids d’horloge, le cadran solaire, le fer à repasser, l’entrée de
boîte à lettres, l’aiguière, l’encrier ou la pendule.
Après le métal, pourlequel il avait donné de bonne heure des modèles, peut-
être un peu compliqués ou naturistes dans l’esprit de 1900, c’est la céramique
qui l’avait attiré et le retint surtout vers la fin de sa vie et pour laquelle il
donna, comme en se jouant, des modèles dont divers
musées garderont des spécimens intéressants et peut-
être féconds. Après avoir exécuté d’abord chez lui, dans
un petit four à expériences, quelques statuettes en terre
lustrée, il avait combiné avec les ressources des émaux
brillants et colorés de Bigot, des plats et des carrelages
pleins de grâce et de fantaisie, d'une très belle réalisa-
tion technique d’ailleurs ; plus tard, épris d’art rustique
et traditionnel, il avait cherché à utiliser, à Binic même,
les fours et les matériaux d'un simple briquetier du
pays: des statuettes populaires, des mitrons de che-
minée, des carrelages encore ornés de poissons, d’al-
gues, de décors géométriques ou de figures humaines
traités en arabesques infiniment variées étaient sortis
de cette collaboration imprévue.
Pierre Roche aurait voulu, poursuivant son rêve
quelque peu chimérique de rénovation d’un art régio-
nal, faire de ces essais le point de départ de tout un
renouveau industriel; il eut l’intention plus tard, de
multiplier après la guerre, en une série de modèles de
gracieuses fontaines, les monuments commémoratifs
raisonnables et convenables au cadre de nos villages de
France; il voulait aussi donner, à l’aide de carrelages
alphabétiques, mélangés de quelques éléments très simples, le moyen de
dresser des mémoriaux décents et peu coûteux aux murs des plus humbles
églises ou mairies de villages.
Hélas ! toutes ces initiatives et ces bonnes volontés, poursuivies parfois
avec une ténacité et une puissance d’illusion qui étonnaient, déroutaient
et entraînaient parfois, étaient bien difficiles à faire aboutir; le rêve généreux
d’un artiste, ses conceptions, quelquefois un peu compliquées pour des
esprits simples, triomphent rarement de la routine banale... et du mauvais
goût officiel, surtout dans les milieux les plus modestes, les plus cantonaux:
EN TERRE CUITE
PAH PIERRE ROCHE